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lundi 6 mars 2017

Instruction aux Ordinaires diocésains sur les modes féminines indécentes, par la Sacrée Congrégation du Concile, 12 janvier 1930


En vertu de l'apostolat suprême dont Dieu lui a confié l'exercice sur toute l’Église, S. S. le Pape Pie XI n'a jamais cessé d'inculquer par la parole et les écrits le précepte de saint Paul : « Que les femmes portent des habits décents, se parant avec pudeur et simplicité (...) et comme il convient à des femmes qui font profession de servir Dieu par des bonnes œuvres. »

Souvent, lorsque l'occasion s'en présentait, le Souverain Pontife réprouva et condamna très sévèrement les modes indécentes introduites partout aujourd'hui dans les habitudes vestimentaires des femmes et des jeunes filles même catholiques; non seulement ces modes offensent gravement la dignité et la grâce féminine, mais elles entraînent malheureusement des dommages temporels pour la femme et, ce qui est pis, sa perte éternelle et celle des autres.

Il n'est donc pas étonnant que les évêques et autres Ordinaires de lieu aient, comme il convient aux ministres du Christ, résisté de toutes manières et d'une voix unanime, chacun dans leur diocèse, à ce débordement de licence et d'impudence ; souvent ils ont bravé avec courage et fermeté les railleries et les outrages que leur adressaient en réponse des hommes malveillants.

C'est pourquoi cette Sacrée Congrégation, chargée de promouvoir la discipline dans le clergé et le peuple, approuve et loue à juste titre la vigilance et l'action de ces évêques ; elle les exhorte en même temps avec force à poursuivre leurs desseins et leurs entreprises opportunes comme à en presser l'exécution jusqu'à ce que cette peste soit entièrement extirpée des milieux honnêtes de la société.

Pour obtenir plus facilement et plus sûrement ce résultat, cette Sacrée Congrégation, sur l'ordre du Souverain Pontife, a pris en la matière les décisions suivantes :

I. Que les curés surtout et les prédicateurs, quand l'occasion leur en est offerte, insistent, reprennent, menacent, exhortent les fidèles, selon les paroles de l'apôtre Paul, afin que les femmes s'habillent d'une manière qui respire la modestie et qui soit la parure et la sauvegarde de la vertu; qu'ils exhortent les parents à ne pas permettre que leurs filles portent des toilettes immodestes.

II. Que les parents, se rappelant la grave obligation qui leur incombe de prendre soin de l'éducation avant tout religieuse et morale de leurs enfants, veillent, avec une particulière vigilance, à ce que leurs filles, dès leurs plus jeunes années, soient solidement instruites de la doctrine chrétienne. Que, par leurs paroles et par leurs exemples, ils mettent tout leur zèle à exciter, dans l'âme de leurs enfants, l'amour de la modestie et de la chasteté. Qu'ils s'efforcent d'élever et de diriger leurs enfants en s'inspirant des exemples de la Sainte Famille, de manière que tous, à la maison, trouvent un motif et un stimulant pour l'amour et la pratique de la modestie.

III. Que les parents interdisent à leurs filles la participation aux exercices publics et aux concours de gymnastique ; si leurs filles sont obligées d'y prendre part, qu'ils veillent à ce qu'elles mettent des habits qui respectent la décence et ne tolèrent jamais les costumes immodestes.

IV. Que les directrices de pensionnat et les maîtresses d'école s'efforcent d'inspirer à leurs élèves l'amour de la modestie. Elles les amèneront ainsi efficacement à se vêtir modestement.

V. Que ces directrices et ces maîtresses n'admettent pas dans leurs établissements ou leurs classes des élèves — et même les mères de celles-ci — qui s'habilleraient peu modestement ; si elles ont été admises et qu'elles ne s'amendent point, qu'elles les renvoient.

VI. Que les religieuses, fidèles aux prescriptions données le 23 août 1928 par la Sacrée Congrégation des Religieux, refusent d'admettre dans leurs pensionnats, leurs classes, leurs oratoires, leurs salles de récréation — ou renvoient si elles ont été admises, — les jeunes filles qui ne gardent pas la retenue chrétienne dans la manière de se vêtir ; que les religieuses elles-mêmes, dans l'éducation des enfants, prennent un soin particulier d'enraciner profondément dans leurs âmes la sainte pudeur et la modestie chrétienne.

VII. Qu'on établisse et propage des associations féminines qui se fixent pour but de refréner, par leurs conseils, leurs exemples et leur action, les abus contraires à la modestie chrétienne dans la façon de se. vêtir et se proposent de promouvoir la pureté des mœurs et la modestie dans l'habillement.

VIII. Dans les associations pieuses de femmes, qu'on n'admette point celles qui s'habillent sans modestie ; si des membres de l'association sont répréhensibles en ce point, qu'on les reprenne et, si elles ne s'amendent point, qu'on les exclue.

IX. Qu'on interdise aux jeunes filles et aux femmes qui s'habillent d'une manière immodeste l'accès de la Table sainte, le rôle de marraine au baptême et à la confirmation, et, si les circonstances le comportent, l'entrée même de l'église.

X. Aux fêtes de l'année qui offrent une occasion particulièrement opportune d'inculquer la modestie chrétienne — surtout aux fêtes de la bienheureuse Vierge Marie, — que les curés, les prêtres directeurs des Unions pieuses et des associations catholiques ne manquent pas de rappeler aux femmes, dans un discours de circonstance, les devoirs de la modestie chrétienne dans la façon de se vêtir et de les encourager à ne pas les négliger.

À la fête de l'Immaculée Conception, que l'on institue chaque année des prières particulières dans les églises cathédrales et paroissiales et qu'à la même occasion, autant que faire se peut, on exhorte le peuple chrétien par des prédications solennelles.

XI. Que le Conseil diocésain de vigilance dont il est question dans la déclaration du Saint-Office du 22 mars 1918 traite ex professa, au moins une fois l'an, des moyens les plus aptes à favoriser chez les femmes la modestie chrétienne.

XII. Afin que cette action salutaire se développe avec efficacité et plus sûrement, les évêques et autres Ordinaires de lieu, tous les trois ans, en même temps que le rapport sur l'instruction religieuse dont traite le Motu proprio Orbem catholicum du 29 juin 1923, donneront aussi à cette Sacrée Congrégation un compte rendu sur la condition et l'état des modes vestimentaires féminines et les mesures adoptées d'après les règles de cette instruction.

Donné à Rome, au palais de la Sacrée Congrégation du Concile, le 12 janvier, en la fête de la Sainte Famille, l'an 1930.

D. card. SBARRETTI, évêque de Sabine et Poggio Mirteto, Préfet.
JULES, évêque de Lampsacus, Secrétaire.


Texte latin :

SACRA CONGREGATIO CONCILII

INSTRUCTIO AD ORDINARIOS DIŒCESANOS :

DE INHONESTO FEMINARUM VESTIENDI MORE

Vi supremi apostolatus, quo in universa Ecclesia divinitus fungitur, Ssmus Dominus Noster Pius Papa XI verbis et scriptis nunquam destitit illud S. Pauli (I ad Tim., II, 9,10) inculcare, videlicet : « mulieres in habitu ornato cum verecundia et sobrietate ornantes se, et... quod decet mulieres, promittentes pietatem per opera bona ».

Ac sæpenumero, occasione data, idem Summus Pontifex improbavit acerrimeque damnavit inhonestum vestiendi morem in catholicarum quoque mulierum ac puellarum usum hodie passim inductum, qui non modo femineum decus atque ornamentum graviter offendit, sed nedum in temporalem earumdem feminarum perniciem verum etiam, quod peius est, in sempiternam, itemque in aliorum ruinam miserrime vertit.

Nihil igitur mirum, si Episcopi ceterique locorum Ordinarii, sicut decet ministros Christi, in sua quisque diœcesi pravæ huiusmodi licentiæ ac procacitati modis omnibus unaque voce obstiterunt, derisiones nonnumquam ac ludibria ob hanc causam sibi a malevolis illata æquo fortique animo tolerantes.

Itaque hoc Sacrum Consilium cleri populique disciplinæ provehendæ cum eiusmodi Sacrorum Antistitum vigilantiam et actionem merita probatione ac laude prosequatur, tum eosdem vehementer hortatur ut consilia atque incepta opportune inita insistant et alacrius pro viribus urgeant, quoadusque hic pestíferas morbus ex honesta hominum consortione penitus extirpetur.

Quod ut facilius ac tutius ad effectum deducatur, hæc Sacra Congregatio, de mandato Sanctissimi Domini, ea quæ sequuntur ad rem statuere decrevit :

I. Parochi præsertim et concionatores, data occasione, secundum illud Apostoli Pauli (II ad Tim., IV, 2) instent, arguant, obsecrent, increpent ut feminæ vestes gestent, quæ verecundiam sapiant quæque sint ornamentum et præsidium virtutis ; moneantque parentes ne filiæ indecoras vestes gestare sinant.

II. Parentes, memores gravissimæ obligationis qua tenentur prolis educationem in primis religiosam et moralem curandi, peculiarem adhibeant diligentiam, ut puellæ a primis annis in doctrina christiana solide instituantur atque in earum animo ipsi, verbis et exemplo, amorem virtutum modestiæ et castitatis impense foveant ; familiam vero, Sacræ Familiæ exempla imitati, ita constituere atque gubernare satagant, ut singuli verecundiæ amandæ atque servandæ inter domesticos parietes habeant causam et invitamentum.

III. Parentes iidem filias a publicis exercitationibus et concursibus gymnicis arceant ; si vero eisdem filiæ interesse cogantur, curent ut vestes adhibeant quæ honestatem plene præseferant ; inhonestas vero vestes illas gestare nunquam sinant.

IV. Collegiorum moderatrices et scholarum magistræ modestiæ amore puellarum animos ita imbuere enitantur, ut eædem ad honeste vestiendum efficaciter inducantur.

V. Eædem moderatrices ac magistræ puellas, ne ipsarum quidem matribus exceptis, quæ vestes minus honestas gestent, in collegia et scholas ne admittant, admissasque, nisi resipiscant, dimittant.

VI. Religiosæ, iuxta litteras die xxiii mensis Augusti, anno MDCCCCXXVIII, datas a Sacra Congregatione de Religiosis, in sua collegia, scholas, oratoria, recreatoria puellas ne admittant, admissas ne tolerent, quæ christianum vestiendi morem non servent : ipsæ vero in alumnis educandis peculiare adhibeant studium, ut in earum animo sancti pudoris et verecundiæ christianæ amor altas radices agat.

VII. Piæ instituantur et foveantur feminarum Associationes, quæ consilio, exemplo et opere finem sibi præstituant cohibendi abusus in vestibus gestandis christianæ modestiæ haud congruentibus et promovendi morum puritatem ac vestiendi honestatem.

VIII. In pias Associationes feminarum ne illæ admittantur, quæ inhonestas vestes induant ; admissæ vero, si quid postea hac in re peccent et monitæ non resipiscant, expellantur.

IX. Puellæ et mulieres, quæ inhonestas vestes induunt, a Sancta Communione et a munere matrinæ in sacramentis Baptismi et Confirmationis arceantur, atque, si casus ferat, ab ipso ecclesiæ ingressu prohibeantur.

X. Cum incidunt per annum festa, quæ modestiæ christianæ inculcandam peculiarem exhibeant opportunitatem, præsertim vero festa B. M. Virginis, parochi et sacerdotes piarum Unionum et Catholicarum Consociationum moderatores feminas ad christianum vestiendi morem, opportuno sermone revocare atque excitare ne prætermittant. In festo autem Beatæ Mariæ Virginis sine labe conceptæ peculiares preces in omnibus cathedralibus et parœcialibus ecclesiis quovis anno peragantur, habitis, ubi fieri potest, opportunis cohortationibus in sollemni ad populum concione.

XI. Consilium diœcesanum a vigilantia, de quo in declaratione Sancti Officii die XXII mensis Martii, a. MDCCCCXVIII data, semel saltem in anno de aptioribus modis ac rationibus ad feminarum modestiæ efficaciter consulendum ex professo agat.

XII. Quo vero hæc salutaris actio efficaciter et tutior succedat, Episcopi aliique locorum Ordinarii, tertio quoque anno, una simul cum relatione de religiosa, institutione, de qua in Litteris Orbem catholicum die XXIX mensis Iunii, anno MDCCCCXX in Motu proprio datis, etiam de rerum conditione ac statu circa feminarum vestiendi morem deque operibus ad normam huius Instructionis præstitis, hanc Sacram Congregationem certiorem reddant.

Datum Romæ, ex ædibus Sacræ Congregationis Concilii, die xii mensis Ianuarii in festo Sacræ Familiæ, anno MDCCCCXXX.

Donato Card. SBARETTI, Episc. Sabinen, et Mandelen., Præfectus.

L. + S. Iulius, Ep. Lampsacen., Secretarius.


Référence

Actes de S. S. Pie XI, tome 6, Maison de la Bonne Presse, Paris, 1934, p. 351-356.
 

Bienheureuse Marguerite Bays, la stigmatisée du canton de Fribourg, 1872

« Paysanne et couturière, elle fut admirée pour son zèle religieux et sa très grande piété. Dévouée sa vie durant envers les malades et les enfants, elle réchappa d’un cancer avancé des intestins le 8 décembre 1854. Elle vécut dix-neuf années supplémentaires, essayant toujours de dissimuler son mal.

« Elle mourut en 1879. Ses restes furent exhumés en 1929 pour une première tentative de béatification; le 26 juin 1953, ils sont placés dans une chapelle de l'église de Siviriez.

« Les habitants lui prêtant de nombreux miracles, dès 1927 fut ouvert un très long procès en béatification. Elle fut finalement béatifiée le 29 octobre 1995 par le pape Jean-Paul II. »

Source : http://www.marguerite-bays.ch/biographie.html.

Voici le petit reportage que lui consacra l'abbé J.-M. Curicque en 1872.

 
Marguerite Bays (1815-1879)
I. — Nous voici dans la patrie de Guillaume-Tell et du Bienheureux [Saint, depuis 1947] Nicolas de Flüe, profitant de quelques jours de vacances pour voler, sur les ailes de la vapeur, de l'Alsace à la Vendée en passant par la Suisse; dans le dessein de visiter dans leur solitude quelques âmes privilégiées, aussi peu connues du monde que largement prévenues des faveurs du Père céleste. 

Le soir du 16 octobre 1872, jour où la Suisse catholique fêtait saint Gal, l'un de ses premiers apôtres, nous descendions, entre Éribourg et Lausanne, à la station de Siviriez, en quête du hameau de La Pierre [aujourd'hui : La Pierraz], l'une des nombreuses annexes de cette paroisse. 

Nous voulions voir de nos yeux et entendre de nos oreilles l'humble stigmatisée Marguerite Bays, dont la vie et les souffrances nous avaient déjà grandement édifié, d'après les lettres de quelques uns de nos correspondants.

Le digne curé de Siviriez eut l'obligeance de nous accompagner dans notre visite, comme il nous ménagea, le lendemain, la douce joie de donner la sainte communion à la stigmatisée. C'est donc autant d'après nos propres souvenirs et nos impressions personnelles que d'après les notes bien authentiques, mises a notre disposition par plusieurs personnes honorées de la confiance de Marguerite Bays, que nous allons tracer ce chapitre, complètement inédit jusqu'à ce jour.

II — Le hameau de La Pierre, vulgairement appelé La Pierra dans le pays, est situé à une demi-lieue de Siviriez, dans le riant vallon de la Glane, l'un des affluents de la Sarine, en amont de Fribourg. 

Les chaumières en sont dispersées, comme dans presque toutes les campagnes environnantes, entre jardins, sillons et prairies ; elles sont construites en bois et, avec leur simple rez-de-chaussée, couronné d'un large avant-toit, elles font au loin l'effet de vastes ruches, abritées sous de splendides bouquets de verdure. 

Tel est en particulier l'aspect de la maison rustique où continue de demeurer, depuis la mort de ses parents, avec ses frères, une belle-sœur et ses nièces, Marguerite Bays, ou Gothon Bays, comme on dit dans la paroisse.

L'humble fille est aujourd'hui âgée d'environ cinquante-cinq ans. Couturière autrefois, elle partage maintenant les soins du ménage de ses frères et les assiste, selon ses forces, dans l'exploitation de la ferme qui les fait vivre à la sueur de leur front. 

La part de Marthe n'absorbe pas cependant celle de Marie chez la stigmatisée qui est considérée, dans ce paisible et laborieux intérieur, plutôt comme une mère que comme une sœur. 

Aussi, fidèle à accomplir scrupuleusement la règle du Tiers-Ordre de Saint-François auquel elle appartient depuis longtemps, Marguerite se rend chaque jour de bonne heure à la paroisse pour y faire le chemin de la Croix et assister à la sainte Messe où elle communie plusieurs fois la semaine. 

Sa modestie est sans affectation, sa piété angélique,sa charité pour le prochain inépuisable. Elle est regardée comme une sainte dans toute la paroisse, sans toutefois que personne paraisse y faire attention, tant est grande sa simplicité, tant elle fuit d'instinct le bruit et les occasions de paraître. 

Jusqu'ici la publicité ne s'est point occupée d'elle ; puissent même ces lignes porter au loin la bonne odeur de ses vertus, sans lui amener jamais aucun visiteur importun ni aucun admirateur indiscret !

La dévotion de Marguerite la porte de préférence vers le culte de la Passion de Notre-Seigneur et de l'Immaculée-Conception de la Sainte-Vierge. 

Cet amour pour Jésus-Christ en Croix lui vient de son père toujours fort affectionné aux souffrances du divin Sauveur. Quant à sa vénération pour l'Immaculée-Conception, elle résulte peut-être de la grande faveur qui lui fut faite par la Sainte-Vierge, le 8 décembre 1854, le jour même où Pie IX proclamait le dogme de l'Immaculée-Conception de la Mère de Dieu. 

C'est aussi le moment solennel de la vie de Marguerite Bays ; nous devons entrer dans quelque détail à ce sujet.

III. —Rien de particulier n'avait jusque-là signalé la pieuse fille à l'attention des fidèles. Tourmentée avant cette époque par un hoquet douloureux que les remèdes n'avaient fait qu'irriter, elle n'en fut délivrée que pour subir une épreuve tout autrement crucifiante : un cancer se déclara à la poitrine et nécessita bientôt une opération dans le vif, qui lui mit presque les côtes à nu. Le cancer n'en reparut pas moins et la patiente se vit sur les bords de la tombe. Recourant alors à Marie-Immaculée, elle implora son assistance toute-puissante par une neuvaine qui, par une coïncidence providentielle, se terminait le 8 décembre 1854.

En ce jour, solennel entre tous, de la Fête de l'Immaculée-Conception, la très-sainte Vierge daigna apparaître à sa dévote servante et la guérit aussitôt.

C'est grâce à ma protection, lui dit Marie, que vous êtes guérie. Mais vous êtes appelée à d'autres souffrances. La perversité du monde est si grande que je ne puis retenir le bras de mon Fils, outragé surtout par le blasphème, la profanation des saints jours, l'impureté, l'abandon ou la négligence de la prière et l'oubli de Dieu. Pour tant de crimes et pour m'aider à retenir le bras de mon Fils, vous souffrirez un tourment tout particulier.

En disant ces mots, la Mère de Dieu remit à Marguerite une croix que celle-ci s'empressa de porter sur son cœur, pendant que des lèvres de la miraculée s'échappait, comme par inspiration, la prière suivante, à jamais gravée dans sa mémoire depuis lors :

O Sainte Victime, attirez-moi après vous ; nous marcherons ensemble. Que je souffre avec vous, cela est juste ; n'écoutez pas mes répugnances. Que j'accomplisse en ma chair ce qui manque à vos souffrances ! J'embrasse la croix, je veux mourir avec vous. C'est dans la plaie de votre Sacré Cœur que je désire rendre mon dernier soupir.

IV. — À partir de ce moment Marguerite Bays, toujours désireuse jusque-là de pouvoir acquitter sa dette de reconnaissance envers la Passion de Notre-Seigneur, se trouva surabondamment exaucée : elle se sentit frappée d'un mal mystérieux qui la ramenait sur son lit de douleur, chaque vendredi, pour augmenter d'intensité pendant le carême et se résoudre, le vendredi-saint, en d'atroces tortures : à ce jour sacré, on la voit, chaque année, réduite à l'agonie, de midi à trois heures du soir [=15 h] ; puis elle entre dans un état d'anéantissement et d'inanition voisin de la mort, et au bout seulement d'une heure et demie environ, la vie renaît par degrés. Revenue entièrement à elle-même, la stigmatisée se trouve transfigurée ; toute trace de douleur a disparu et sa physionomie est d'un rayonnement indescriptible.

La meilleure preuve de la cause surnaturelle de ses souffrances, c'est sa santé florissante en dehors des vendredis, et du carême. Pendant de longues années, Marguerite avait même dû prendre des remèdes contre cette maladie mystérieuse du vendredi, mais au lieu de lui apporter quelque soulagement, ils avaient produit l'effet contraire.

Les stigmates ne sont toutefois apparents chez elle que pendant la sainte Quarantaine [= Carême] où ils deviennent de plus en plus visibles et sanglants à mesure que le vendredi-saint approche ; ils disparaissent ensuite extérieurement, à partir de ce jour.

En 1870 Marguerite, par une exception qu'on ne pourrait s'expliquer, n'eut pas les stigmates. Interrogée à ce sujet et forcée, au nom de l'obéissance, d'en découvrir la raison, elle avoua en rougissant qu'elle avait redoublé de prières auprès de Notre-Seigneur pour ne point en recevoir ces marques, afin, disait-elle, de ne scandaliser personne. Mais elle n'a été exaucée que pour une fois.

Aujourd'hui-même, vendredi-saint, 27 mars 1872, nous écrit un de nos correspondants, devant plusieurs prêtres et religieux, accompagnés d'un docteur en médecine, la stigmatisée de La Pierre a subi, dans des circonstances admirables, et l'agonie de la passion et les douleurs de l'extase. Celle-ci commença vers trois heures. 

Pendant que le docteur constatait le sommeil extatique et que la science se livrait a ses investigations, le visage de la stigmatisée portait l'empreinte d'une douleur indicible. 

J'appris ensuite, à son réveil, par l'intermédiaire de son Directeur [spirituel], qu'elle avait assisté au supplice de la Flagellation où elle venait de voir les bourreaux se rechanger à trois reprises, épuisant toutes les fureurs de l'enfer vaincu sur le corps adorable du Sauveur.

V. — Le don des stigmates n'est pas la seule faveur dont Notre-Seigneur a daigné enrichir l'humble campagnarde. Il la guide habituellement par une voix surnaturelle qui lui parle, sans que personne ne paraisse, et qui lui intime les volontés du ciel, en la remettant d'ailleurs toujours aux décisions de son Directeur. La voix lui a défendu d'opposer des « mais » et des « si » aux ordres de celui-ci.

Le lundi-saint de cette année 1872, qui était le 25 mars, la stigmatisée, retenue chez elle par ses souffrances habituelles du carême, vit tout à coup apparaître sous ses yeux l'inscription suivante, tracée sur deux bandes :

« PRIÈRE ! PÉNITENCE ! »

C'était, en deux mots, la formule de l'unique remède à la situation désespérée du monde chrétien.

VI. — Une autre fois, comme elle était gravement malade, en un jour de fête, et que ses souffrances mystérieuses l'avaient mise dans l'impossibilité de se rendre à l'église pour recevoir la communion, elle vit tout à coup une sainte hostie lui apparaître dans son étroite cellule, et se tenir à la hauteur de sa bouche comme pour l'inviter à communier.

Marguerite, trop humble pour se croire digne d'une telle faveur, craignit un piège du démon et n'ouvrit point la bouche pour recevoir l'hostie prodigieuse. Celle-ci s'approcha alors de ses lèvres et se ploya contre elles, en signe de la vérité de la présence réelle du corps de Notre-Seigneur.

Convaincue par cette violence suave et par une attraction intérieure que le divin Maître la conviait au banquet eucharistique, elle l'adora et le reçut en son cœur, au milieu des transports de la plus vive gratitude.

VII. — On ne sera pas étonné d'apprendre que Marguerite Bays est en relation avec les âmes du Purgatoire. Son père est venu lui-même réclamer l'assistance de ses suffrages. Comme elle lui demandait quelle était la cause de ses tourments, il lui répondit qu'il était retenu dans les flammes expiatrices principalement pour s'être trop occupé de la pêche, le dimanche, bien qu'il n'eût pas pour cela négligé l'assistance aux offices.

Une autre fois, la stigmatisée fut chargée d'avertir une religieuse bernardine, de sa connaissance, de bien prier pour la délivrance de son propre père, en purgatoire depuis plusieurs années. La religieuse venait de doter son couvent d'un chemin de la croix, sur l'observation que lui avait faite Marguerite du grand bien spirituel attaché à cette dévotion : elle fut ainsi la première récompensée de cette libéralité et de cet acte de soumission aux conseils de l'humble stigmatisée.

Nous nous bornons aujourd'hui à ces quelques lignes, sans toutefois cacher à nos lecteurs le bonheur que nous avons éprouvé de voir nos Voix Prophétiques parmi les livres de prédilection de Marguerite : elle a compris cet appel à la pénitence et à la Réparation volontaire ; sa prière en est devenue encore plus fervente, son immolation plus complète. Un tel suffrage nous console surabondamment de n'être point compris ni goûté de chacun.

Référence

Abbé J.-M. Curicque, Voix prophétiques ou signes, apparitions et prédictions modernes touchant les grands événements de la Chrétienté au XIXe siècle et vers l'approche de la Fin des temps, tome I : prophéties modernes purement dites, Victor Palmé, Paris ; A. Vromant, Bruxelles, P. Brück, Luxembourg, 1872, p. 434-441.

Où est l'honneur qui m'appartient ? dit Dieu, selon le prophète Malachie


Un fils honore son père, et un serviteur son maître. 

Or, si je suis Père, moi, où est l'honneur qui m'appartient ? 

Et si je suis Seigneur, où est la crainte (1) qui m'est due ? dit Yahweh des armées, à vous, prêtres, qui méprisez mon nom. 

Vous dites : « En quoi avons-nous méprisé ton nom ? »

(...)

Et maintenant, suppliez donc Dieu d'avoir pitié de vous ! 

C'est par votre main que cela s'est fait ; sera-t-il amené par vous à avoir des égards ? dit Yahweh des armées (2). 

Notes

(1) La crainte désigne, chez le fidèle, la reconnaissance de la grandeur et de l'excellence de Dieu, en tant que Créateur et Seigneur souverain de toutes choses ; reconnaissance qui engendre une sentiment et une attitude de profonds respect et révérence devant Dieu. Cette crainte fait redouter le péché perçu comme une injure faite à Dieu et un mépris de sa bonté et de son amour.

(2) « Des armées » désigne les multitudes célestes organisées  et l'ensemble des autorités, pouvoirs et souverainetés, au ciel ou sur la terre.

Référence

Livre du prophète Malachie, chapitre 1, versets 6 et 9, in Chanoine Auguste Crampon, La Sainte Bible, d'après les textes originaux, 1923.

Les notes sont le fait de l'auteur de ce blog.

mercredi 22 février 2017

Déclarations sur l'autorité des textes issus du second Concile œcuménique du Vatican (1962-1965)



Première notification
sur l'autorité des textes conciliaires :

29 novembre 1963

(Version modifiée d'un texte adopté, un mois auparavant, par la Commission doctrinale.)

Pericle Felici, cardinal (1911-1982)
Elle insiste déjà sur le « but pastoral du concile actuel » et distingue clairement entre « ce qu'en matière de foi et de mœurs le Concile définit de manière infaillible » et les « autres points que le Concile n'aura pas déclaré clairement comme tels »  et qui sont « exposés par le magistère authentique comme doctrine de l'Église. »

Le secrétaire générale du Concile, Pericle Felici, au même moment, distingue, de façon classique, doctrine et discipline et déclare que la « Constitution sur la Sainte Liturgie » et le « Décret sur les moyens de communication sociale » qui attendent d'être promulguées, ne traitent « que d'une matière disciplinaire ».


Nouvelle formulation
sur l'autorité des textes conciliaires :

6 mars 1964

(Portée à la connaissance du Concile avant le dernier vote sur le De Ecclesia, le 16 novembre 1964.)

Compte tenu de l’usage des conciles et du but pastoral du Concile actuel, celui-ci ne définit comme devant être tenus par l’Église que les seuls points concernant la foi et les mœurs qu’il aura clairement déclarés tels. Quant aux autres points proposés par le Concile, en tant qu’ils sont l’enseignement du magistère suprême de l’Église, tous et chacun des fidèles doivent les recevoir et les entendre selon l’esprit du Concile lui-même qui ressort soit de la matière traitée, soit de la manière dont il s’exprime, selon les normes de l’interprétation théologique. 

(La même réponse fut donnée le 15 novembre 1965 au sujet de la future constitution dogmatique sur la Révélation et sa transmission.)

Référence

Christoph Theobald, Le Concile Vatican II. Quel avenir ?, coll. « Unam Sanctam », nouvelle série, Éd. Du Cerf, Paris, 2015.


Pericle Felici, Notification sur l'autorité des textes conciliaires :

16 novembre 1964

On a demandé quelle devait être la qualification théologique de la doctrine exposée dans le schéma sur l'Église et soumise au vote. À cette question, la commission doctrinale a donné la réponse suivante: cf. ci-dessus, la notification du 6 mars 1964.

Référence

« Notifications faite au cours de la 123e congrégation générale », in Le Concile Vatican II, 1962-1965, Artège, 2012, p. 121



Paul VI, Audience générale, 12 janvier 1966 :


(…) L'héritage du Concile est constitué par les documents successivement promulgués au terme de ses discussions et de ses délibérations. Ces documents sont de diverses natures : il y a des constitutions, des décrets et des déclarations, mais tous ensemble, ils forment un corps de doctrine et de lois qui doit donner à l’Église ce renouveau pour lequel le concile a été décidé.

Connaître, étudier, appliquer ces documents, tel est le devoir providentiel de la période post-conciliaire.

Il faut faire attention : les enseignements du Concile ne constituent pas un système organique et complet de la doctrine catholique. Celle-ci est bien plus vaste, comme chacun le sait, et le concile ne l'a pas contestée ni modifiée substantiellement. Bien au contraire, il l'a confirmée, illustrée, défendue et développée par une apologie très autorisée, pleine de sagesse, de vigueur et de confiance.

C'est cet aspect doctrinal du Concile que nous devons noter en premier lieu, en l'honneur de la Parole de Dieu qui demeure unique et éternelle, comme la lumière qui ne s'éteint pas, et pour la consolation de nos âmes, à partir de la voix franche et solennelle de l'expérience du Concile dont la charge providentielle a été confiée par le Christ au magistère vivant de l’Église pour garder, pour défendre, pour interpréter le «dépôt de la foi » (cf. Humani generi , Acta Apostolicæ Sedis, 1960, p. 567).

Nous ne devons pas détacher les enseignements du Concile du patrimoine doctrinal de l’Église, mais bien voir comme ils s'insèrent en lui, comme ils sont cohérents avec lui, et comme ils lui apportent un témoignage, un accroissement, une explication, une application.

Alors, même les « nouveautés » doctrinales, ou disciplinaires du Concile apparaissent dans leurs justes proportions, elles n'entravent pas la fidélité de l'Église à sa fonction d'enseignement, et elles acquièrent ce sens vrai qui la fait resplendir d'une lumière plus forte.

Par conséquent, le Concile aide les fidèles, qu'ils soient enseignants ou enseignés, à surmonter ces états d'esprit – de déni, d'indifférence, de doute, de subjectivisme, etc. -- qui sont opposés à la pureté et la force de la foi.

Il constitue un grand acte du magistère ecclésial ; et celui qui adhère au Concile reconnaît et honore avec lui le magistère de l'Église ; ce fut la première idée qui poussa le Pape Jean XXIII, de mémoire bénie, à convoquer le Concile, comme il le dit bien en l'inaugurant : "ut iterum magisterium ecclesiasticum (...) affirmaretur" [« afin que soit affirmé de nouveau le magistère ecclésial »] ; « Notre but était, ainsi s'exprimait-il, en convoquant cette grande assemblée, de réaffirmer le magistère ecclésial » (AAS 1962, p. 786). « Ce qui importe le plus pour le Concile œcuménique, a-t-il poursuivi, est la chose suivante : que le dépôt sacré de la doctrine chrétienne soit plus efficacement gardée et exposée » (ibid P. 790.).

Il ne serait ainsi pas vrai de penser

- que le Concile représente un distance, une pause, ou, comme certains le pensent, une émancipation vis-à-vis de l'enseignement traditionnel de l’Église,

- qu'il autorise et promeut un conformisme facile vis-à-vis de la mentalité de notre époque dans ce qu'elle a d'éphémère et de négatif plutôt que [dans ce qu'elle a] de sûr et de scientifique,

- ou qu'il autorise quiconque à donner la valeur et l'expression qu'il croit aux les vérités de la foi.

Le Concile ouvre de nombreux horizons nouveaux aux études bibliques, théologiques et à [l'étude] des sciences humaines, il invite à rechercher et à approfondir les sciences religieuses mais sans priver la pensée chrétienne de sa rigueur spéculative, et ne permet pas que, dans l'école philosophique, théologique et scripturaire de l'Église pénètre l'arbitraire, l'incertitude, la servilité, la désolation, qui caractérisent de nombreuses formes de la pensée religieuse moderne, quand elle est privée de l'assistance du magistère.

Certains se demandent qu'elle est l'autorité, la qualification théologique que le Concile a voulu donner à ses enseignements, sachant qu'il a évité de donner des définitions dogmatiques solennelles, engageant l'infaillibilité du magistère ecclésial.

Et la réponse est connue de ceux qui se souviennent de la déclaration conciliaire du 6 mars 1964, répétée le 16 novembre 1964 : étant donné le caractère pastoral du Concile,

- il a évité de prononcer d'une manière extraordinaire des dogmes comportant la note d'infaillibilité ;

- mais il a néanmoins muni ses enseignements de l'autorité du magistère ordinaire lequel magistère ordinaire, si manifestement authentique, doit être accepté docilement et sincèrement par tous les fidèles selon l'esprit du Concile concernant la nature et les objectifs de chaque document. (...).

Source :

Version française et édition par l'auteur de ce blog.



Paul VI, Audience générale, 29 septembre 1976.

(…) La vérité de la foi, dans son expression authentique et autorisée, ne change pas avec le temps et ne s'use pas avec l'histoire.

Elle peut admettre, et même exiger, un langage pédagogique et pastoral vivant. Il pourra ainsi s'esquisser pour elle une ligne de développement, à condition qu'elle soit conforme à la célèbre et traditionnelle sentence de saint Vincent de Lérins (petite île en face de Cannes, dans la Gaule méridionale), moine du Ve siècle qui, dans son bref mais célèbre Commonitorium, a défendu la tradition doctrinale de l’Église selon cette formule : « Ce qui partout, toujours et par tous » a été cru doit être considéré comme faisant partie du dépôt de la foi. 

Qu'il n'y ait pas de libre invention, de modernisme ; que rien ne donne à la foi une interprétation étrangère à celle du magistère de l'Église.

Cette fixité dogmatique défend le patrimoine authentique de la Révélation, c'est-à-dire de la religion catholique. Le Credo ne change pas, il ne vieillit pas, il ne se dissout pas. (...)

Source : 




Jean-Paul II, Discours aux participants
à la réunion plénière du Sacré Collège des cardinaux,
5 novembre 1979.

(…) De cette manière, nous rejoignons toujours plus la perspective historique de la mission de l’Église qui s’unit pour nous à la perspective théologique de la foi, puisque cette « union dans la vérité et dans la charité », c’est-à-dire l’unité spirituelle liée à la dignité « de fils de Dieu » a été montrée à chaque homme et à tous les hommes.

Nous devons donc faire en sorte que cette formule synthétique, que le Concile nous a laissée dans sa constitution pastorale [Gaudium et spes, n°25 : « il y a une certaine ressemblance entre l’union des personnes divines et celle des fils de Dieu dans la vérité et dans la charité. »], unisse vraiment en elle tous les efforts particuliers qui constituent l’œuvre de la réalisation du Concile.

Dans sa réalité la plus profonde, cette œuvre est symbolisée par l’arbre de la vie, avec lequel l’homme autrefois a rompu son lien du fait du péché originel (cf. Genèse 3, 1-7), et qui, avec le Christ, a recommencé à se développer vigoureusement dans l’histoire de l’humanité.

Le Concile n’a pas tant dévoilé à nos yeux l’éternel mystère de ce développement, qu’il n’a mis en relief, d’une façon particulièrement pénétrante, son étape contemporaine.

C’est pourquoi l’obéissance à l’enseignement du Concile Vatican II est obéissance à l’Esprit-Saint, qui est donné à l’Église afin de rappeler, à chaque moment de l’Histoire, tout ce que le Christ lui-même a dit pour enseigner toute chose à l’Église (cf. Jn 14, 26).

L’obéissance à l’Esprit-Saint s’exprime dans la réalisation authentique des tâches indiquées par le Concile, en plein accord avec l’enseignement qui y est proposé.

6. On ne peut pas traiter de ces tâches comme si elles n’existaient pas. On ne peut pas prétendre pour ainsi dire, faire remonter à l’Église le cours de l’Histoire de l’humanité.

Mais on ne peut pas non plus courir présomptueusement en avant, vers des manières de vivre, de comprendre et de prêcher la vérité chrétienne, et finalement vers des modes d’être chrétien, prêtre, religieux et religieuse, qui ne s’abritent pas sous l’enseignement intégral du Concile ; intégral, c’est-à-dire entendu à la lumière de toute la sainte Tradition et sur la base du magistère constant de l’Église

[IT. : « cioè inteso alla luce di tutta la Santa Tradizione e sulla base del costante Magistero della Chiesa stessa. » LAT. : « intellegitur sub sanctae Traditionis lumine et quatenus ad constans Ecclesiae ipsius magisterium refertur. »].

Tâche grande et multiple que celle qui place devant nous l’impératif de la réalisation du Concile ! Elle demande une vigilance continuelle par rapport à l’authenticité de toutes les initiatives dans lesquelles s’articulera cette réalisation.

L’Église, communauté vivante des fils de Dieu unis dans la vérité et dans l’amour, doit faire un grand effort, en ce moment, pour entrer dans la vraie voie de la réalisation de Vatican II et se dégager des propositions contraires, chacune desquelles se révélant, en son genre un éloignement de cette voie. Cette voie seule — autrement dit l’obéissance honnête et sincère à l’esprit de vérité — peut servir à l’unité et en même temps à la force spirituelle de l’Église.




Joseph cardinal Ratzinger,  
Discours aux évêques chiliens,
13 juillet 1988

Le second concile du Vatican n’est pas abordé comme une partie de l’ensemble de la Tradition vivante, mais comme la fin de la Tradition et un redémarrage à zéro.

La vérité est que le Concile n’a défini aucun dogme et a voulu consciemment s’exprimer à un niveau plus modeste, simplement comme un concile pastoral.

Pourtant, nombreux sont ceux qui l’interprètent comme s’il était presque un super-dogme qui ôte toute importance au reste.

Cette impression est surtout renforcée par certains faits courants. Ce qui était autrefois comme le plus sacré – la forme transmise de la liturgie – apparaît d’un seul coup comme ce qu’il y a de plus défendu et la seule chose que l’on puisse rejeter en toute sûreté. On ne tolère pas la critique des options de la période post-conciliaire ; mais, là où les antiques règles sont en jeu, ou bien les grandes vérités de la foi – par exemple, la virginité corporelle de Marie, la résurrection corporelle de Jésus, l’immortalité de l’âme, etc. – on ne réagit même plus, ou alors avec une modération extrême. (…)

Tout cela conduit de nombreuses personnes à se demander si l’Église d’aujourd’hui est réellement celle d’hier, ou si on l’a remplacée par une autre sans les en aviser. La seule manière de rendre crédible Vatican II est de le présenter clairement pour ce qu’il est : une partie de l’entière et unique Tradition de l’Église et de sa foi. (…)

Néanmoins il est vrai que, dans le mouvement spirituel de la période post-conciliaire s’est manifesté un oubli, voire une suppression de la question de la vérité : peut-être touchons-nous ainsi le problème crucial de la théologie et de la pastorale d’aujourd’hui. La «vérité» est apparue comme une prétention trop altière, un « triomphalisme » que l’on ne pouvait plus se permettre.

Ce processus se vérifie d’une manière claire dans la crise affectant l’idéal et la pratique missionnaires. Si nous ne mettons pas l’accent sur la vérité dans l’annonce de la foi, et si cette vérité n’est plus essentielle au salut de l’homme, les missions perdent leur signification. En effet, on a déduit et on déduit encore que, pour l’avenir, on doit seulement viser à ce que les chrétiens soient de bons chrétiens, les musulmans de bons musulmans, les hindous de bon hindous, etc. Mais comment peut-on savoir quand quelqu’un est un «bon» chrétien ou un «bon » musulman?

L’idée que toutes les religions ne sont, à proprement parler, que des symboles de ce qui est, en dernière analyse, l’Incompréhensible, gagne rapidement du terrain dans la théologie et a déjà profondément pénétré la pratique liturgique.

Là où un tel phénomène se produit, la foi comme telle est abandonnée, parce qu’elle consiste dans le fait que je me rends à la vérité en tant que je la reconnais. C’est ainsi que nous avons toutes les raisons de retourner à une conception correcte sur ce terrain également.


Source :



Joseph cardinal Ratzinger
1991

Si quelque part, on en venait à former une « majorité » contre la foi de l’Église d’autres temps, ce ne serait absolument pas une majorité.

Référence :

Joseph cardinal Ratzinger, La Chiesa, Milan, 1991, p. 71.

dimanche 12 février 2017

Tous les saints s'entre-devront quelque chose, selon S. Thérèse de Lisieux.

 
Une novice lui disait :

« Vous êtes bien heureuse d'être choisie pour indiquer aux âmes la ''voie d'enfance'' » !

Elle répondit :

« Pourquoi en serais-je heureuse ? pourquoi désirerais-je que le bon Dieu se serve de moi plutôt que d'une autre ? Pourvu que son règne s'établisse dans les âmes, peu importe l'instrument. D'ailleurs, il n'a besoin de personne.

« Je regardais, il y a quelque temps, la mèche d'une petite veilleuse presque éteinte. Une de nos sœurs y approcha son cierge ; et, par ce cierge, tous ceux de la communauté se trouvèrent allumés. Je fis alors cette réflexion : qui donc pourrait se glorifier de ses œuvres ? Ainsi, par la faible lueur de cette lampe, il serait possible d'embraser l'univers. Nous croyons souvent recevoir les grâces et les lumières divines par le moyen de cierges brillants ; mais d'où ces cierges tiennent-ils leur flamme ? Peut-être de la prière d'une âme humble et toute cachée, sans éclat apparent, sans vertu reconnue, abaissée à ses propres yeux, près de s'éteindre.

« Oh! que nous verrons de mystères plus tard! Combien de fois ai-je pensé que je devais peut-être toutes les grâces dont j'ai été comblée aux instances d'une petite âme que je ne connaîtrai qu'au ciel !

« C'est la volonté du bon Dieu qu'en ce monde les âmes se communiquent entre elles les dons célestes par la prière, afin que, rendues dans leur patrie, elles puissent s'aimer d'un amour de reconnaissance, d'une affection bien plus grande encore que celle de la famille la plus idéale de la terre.

« Là, nous ne rencontrerons pas de regards indifférents, parce que tous les saints s'entre-devront quelque chose.

« Nous ne verrons plus de regards envieux ; d'ailleurs le bonheur de chacun des élus sera celui de tous. Avec les martyrs, nous ressemblerons aux martyrs ; avec les docteurs, nous serons comme les docteurs ; avec les vierges, comme les vierges ; et de même que les membres d'une même famille sont fiers les uns des autres, ainsi le serons-nous de nos frères, sans la moindre jalousie.

« Qui sait même si la joie que nous éprouverons en voyant la gloire des grands saints, en sachant que, par un secret ressort de la Providence, nous y avons contribué, qui sait si cette joie ne sera pas aussi intense, et plus douce peut-être, que la félicité dont ils seront eux-mêmes en possession ?

« Et, de leur côté, pensez-vous que les grands saints, voyant ce qu'ils doivent à de toutes petites âmes, ne les aimeront pas d'un amour incomparable? Il y aura là, j'en suis sûre, des sympathies délicieuses et surprenantes. Le privilégié d'un apôtre, d'un grand docteur, sera peut-être un petit pâtre ; et l'ami intime d'un patriarche, un simple petit enfant. Oh ! que je voudrais être dans ce royaume d'amour ! »

Référence

S. Thérèse de l'Enfant Jésus, Conseils et souvenirs

Dieu peut libérer le coeur raidi et convulsé, selon Romano Guardini


Le retour du fils prodigue, par Rembrandt, 1668
Dieu peut donner une nouvelle pureté au cœur souillé qui se tourne vers lui avec repentir. Dans l'être desséché comme un champs sans pluie. Il peut dégager les sources intérieures.

Quelquefois, tout y est blessé par la nostalgie ou par la douleur, ou par ces déchirures de tout l'être qu'aucun médecin ne saurait guérir, mais auxquelles le salutaire « doigt de Dieu » peut remédier.

Lui seul a le pouvoir de libérer ce qui est raidi et convulsé : la mauvaise volonté, le défi, la haine, l'endurcissement dans le mal, l'indifférence, la dureté, la froideur, la détresse muette qui sent avec désespoir que cet état est terrible et ne peut cependant en sortir.

Non, nous ne pouvons pas sortir de nous-mêmes. Il doit venir, l'Esprit libérateur, et nous conduire à travers la prison que nous sommes pour nous-mêmes jusqu'au large divin ! Il doit détendre ce qui est raidi, faire fondre la glace, et lui seul, souverain conseiller qui connaît tous les chemins, peut frayer une voie dans le chaos intérieur qui n'a ni porte ni issue. Il peut faire que l'on recommence à marcher, que, de nouveau, un but et une voie apparaissent. 

Référence

Romano Guardini, Le Dieu vivant, Artège, Perpignan, 2010, p. 137 (première traduction française : 1956).