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vendredi 17 novembre 2017

La réalité de la messe paroissiale en France, en 1945, d'après Dom L. Beauduin



Messe solennelle aux Pays-Bas (date inconnue)


(...) quel est aujourd'hui l'état d'esprit et la pratique actuelle au sujet de la messe paroissiale. Une enquête sommaire permet d'établir quatre groupes.

1) Plusieurs paroisses ont abandonné ou à peu près la grand'messe. Je ne parle pas des dessertes ; mais des paroisses normales. Sauf à quelques très grandes fêtes la grand'messe n'existe plus. Quelquefois on donne le change par des auditions musicales et des chants pendant une messe basse ; ou bien le prêtre chante à sa fantaisie quelques pièces : Préface, Pater..., mais en réalité, la grand'messe a disparu.

Les prétextes ne manquent pas : réduction successive du personnel : organistes, chantres, enfants de chœur ; nécessité, dans les villes surtout, d'assurer le rythme régulier des messes basses, plus nécessaires pour l'obligation que la grand'messe ; nécessité plus grande de la prédication qu'il faudrait écourter à une grand'messe, etc.

Quelquefois la grand'messe a été avancée pour permettre aux fidèles d'y assister et de communier : initiative très louable en soi, mais qui pourrait amener, si l'on n'y prend garde, une regrettable réduction et même une insensible suppression de la messe solennelle.

Une sévère et rapide réaction est nécessaire ; sans quoi infailliblement ces paroisses perdront toute vie liturgique.

2) La catégorie des paroisses où la grand'messe se célèbre selon une respectable routine : tous, clergé, chantres, acolytes, fidèles, donnent l'impression d'être en service commandé : assistance muette et ennuyée ; acolytes distraits et dissipés ; aucun élan vivifiant : l'âme a déserté cette assemblée.

Cette fidélité machinale est méritoire sans doute. Grâce à elle, ce cadre cultuel est matériellement conservé.

(…)

3) Dans un nombre assez considérable de paroisses on trouve le louable souci de solenniser le dimanche ; mais les méthodes employées ne sont pas irréprochables. 

Au lieu de mettre en valeur la messe solennelle par les moyens authentiques et efficaces de l'Église et de respecter fidèlement les règles établies, on utilise de préférence les procédés modernes : programmes musicaux annoncés à l'instar de concerts avec le concours d'artistes profanes ; prédicateurs à la mode ; rites nouveaux ; assistance choisie ; bref, toute une action sans aucun rapport avec une assemblée liturgique.

Pour d'autres, d'ailleurs bien disposés, l'effort consiste à grouper dans le chœur, autour d'un harmonium et sous la direction d'une religieuse, une schola de jeunes filles. C'est admissible comme procédé d'initiation et d'entraînement ; mais souvent le système devient définitif, et c'est le pensionnat qui monopolise la participation. La liturgie tombe en quenouille ; la nef masculine surtout est plus silencieuse que jamais et, une fois de plus, la religion passe pour une occupation de femmes.

4) Enfin les paroisses de plus en plus nombreuses, qui utilisent la liturgie telle que l'Église nous la donne aujourd'hui, pour donner à la vie paroissiale et avant tout à la synaxe solennelle du dimanche son maximum de rendement spirituel. Sans attendre des réformes problématiques et assurément encore lointaines, ils-mettent en valeur, sans plus attendre, le missel actuel, avec la conviction que, tel quel, il renferme tant de trésors ignorés « et de richesses assimilables au peuple chrétien qu'un immense et très fécond travail peut et doit s'accomplir. Plusieurs paroisses ont été transformées par ces efforts persévérants : puissent-elles se multiplier encore !

Référence

Dom Lambert Beauduin, « La messe chantée, sommet de la vie paroissiale », in La Maison-Dieu, n°4, Éditions du Cerf, 1945, p. 120-122

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