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lundi 6 mars 2017

Bienheureuse Marguerite Bays, la stigmatisée du canton de Fribourg, 1872

« Paysanne et couturière, elle fut admirée pour son zèle religieux et sa très grande piété. Dévouée sa vie durant envers les malades et les enfants, elle réchappa d’un cancer avancé des intestins le 8 décembre 1854. Elle vécut dix-neuf années supplémentaires, essayant toujours de dissimuler son mal.

« Elle mourut en 1879. Ses restes furent exhumés en 1929 pour une première tentative de béatification; le 26 juin 1953, ils sont placés dans une chapelle de l'église de Siviriez.

« Les habitants lui prêtant de nombreux miracles, dès 1927 fut ouvert un très long procès en béatification. Elle fut finalement béatifiée le 29 octobre 1995 par le pape Jean-Paul II. »

Source : http://www.marguerite-bays.ch/biographie.html.

Voici le petit reportage que lui consacra l'abbé J.-M. Curicque en 1872.

 
Marguerite Bays (1815-1879)
I. — Nous voici dans la patrie de Guillaume-Tell et du Bienheureux [Saint, depuis 1947] Nicolas de Flüe, profitant de quelques jours de vacances pour voler, sur les ailes de la vapeur, de l'Alsace à la Vendée en passant par la Suisse; dans le dessein de visiter dans leur solitude quelques âmes privilégiées, aussi peu connues du monde que largement prévenues des faveurs du Père céleste. 

Le soir du 16 octobre 1872, jour où la Suisse catholique fêtait saint Gal, l'un de ses premiers apôtres, nous descendions, entre Éribourg et Lausanne, à la station de Siviriez, en quête du hameau de La Pierre [aujourd'hui : La Pierraz], l'une des nombreuses annexes de cette paroisse. 

Nous voulions voir de nos yeux et entendre de nos oreilles l'humble stigmatisée Marguerite Bays, dont la vie et les souffrances nous avaient déjà grandement édifié, d'après les lettres de quelques uns de nos correspondants.

Le digne curé de Siviriez eut l'obligeance de nous accompagner dans notre visite, comme il nous ménagea, le lendemain, la douce joie de donner la sainte communion à la stigmatisée. C'est donc autant d'après nos propres souvenirs et nos impressions personnelles que d'après les notes bien authentiques, mises a notre disposition par plusieurs personnes honorées de la confiance de Marguerite Bays, que nous allons tracer ce chapitre, complètement inédit jusqu'à ce jour.

II — Le hameau de La Pierre, vulgairement appelé La Pierra dans le pays, est situé à une demi-lieue de Siviriez, dans le riant vallon de la Glane, l'un des affluents de la Sarine, en amont de Fribourg. 

Les chaumières en sont dispersées, comme dans presque toutes les campagnes environnantes, entre jardins, sillons et prairies ; elles sont construites en bois et, avec leur simple rez-de-chaussée, couronné d'un large avant-toit, elles font au loin l'effet de vastes ruches, abritées sous de splendides bouquets de verdure. 

Tel est en particulier l'aspect de la maison rustique où continue de demeurer, depuis la mort de ses parents, avec ses frères, une belle-sœur et ses nièces, Marguerite Bays, ou Gothon Bays, comme on dit dans la paroisse.

L'humble fille est aujourd'hui âgée d'environ cinquante-cinq ans. Couturière autrefois, elle partage maintenant les soins du ménage de ses frères et les assiste, selon ses forces, dans l'exploitation de la ferme qui les fait vivre à la sueur de leur front. 

La part de Marthe n'absorbe pas cependant celle de Marie chez la stigmatisée qui est considérée, dans ce paisible et laborieux intérieur, plutôt comme une mère que comme une sœur. 

Aussi, fidèle à accomplir scrupuleusement la règle du Tiers-Ordre de Saint-François auquel elle appartient depuis longtemps, Marguerite se rend chaque jour de bonne heure à la paroisse pour y faire le chemin de la Croix et assister à la sainte Messe où elle communie plusieurs fois la semaine. 

Sa modestie est sans affectation, sa piété angélique,sa charité pour le prochain inépuisable. Elle est regardée comme une sainte dans toute la paroisse, sans toutefois que personne paraisse y faire attention, tant est grande sa simplicité, tant elle fuit d'instinct le bruit et les occasions de paraître. 

Jusqu'ici la publicité ne s'est point occupée d'elle ; puissent même ces lignes porter au loin la bonne odeur de ses vertus, sans lui amener jamais aucun visiteur importun ni aucun admirateur indiscret !

La dévotion de Marguerite la porte de préférence vers le culte de la Passion de Notre-Seigneur et de l'Immaculée-Conception de la Sainte-Vierge. 

Cet amour pour Jésus-Christ en Croix lui vient de son père toujours fort affectionné aux souffrances du divin Sauveur. Quant à sa vénération pour l'Immaculée-Conception, elle résulte peut-être de la grande faveur qui lui fut faite par la Sainte-Vierge, le 8 décembre 1854, le jour même où Pie IX proclamait le dogme de l'Immaculée-Conception de la Mère de Dieu. 

C'est aussi le moment solennel de la vie de Marguerite Bays ; nous devons entrer dans quelque détail à ce sujet.

III. —Rien de particulier n'avait jusque-là signalé la pieuse fille à l'attention des fidèles. Tourmentée avant cette époque par un hoquet douloureux que les remèdes n'avaient fait qu'irriter, elle n'en fut délivrée que pour subir une épreuve tout autrement crucifiante : un cancer se déclara à la poitrine et nécessita bientôt une opération dans le vif, qui lui mit presque les côtes à nu. Le cancer n'en reparut pas moins et la patiente se vit sur les bords de la tombe. Recourant alors à Marie-Immaculée, elle implora son assistance toute-puissante par une neuvaine qui, par une coïncidence providentielle, se terminait le 8 décembre 1854.

En ce jour, solennel entre tous, de la Fête de l'Immaculée-Conception, la très-sainte Vierge daigna apparaître à sa dévote servante et la guérit aussitôt.

C'est grâce à ma protection, lui dit Marie, que vous êtes guérie. Mais vous êtes appelée à d'autres souffrances. La perversité du monde est si grande que je ne puis retenir le bras de mon Fils, outragé surtout par le blasphème, la profanation des saints jours, l'impureté, l'abandon ou la négligence de la prière et l'oubli de Dieu. Pour tant de crimes et pour m'aider à retenir le bras de mon Fils, vous souffrirez un tourment tout particulier.

En disant ces mots, la Mère de Dieu remit à Marguerite une croix que celle-ci s'empressa de porter sur son cœur, pendant que des lèvres de la miraculée s'échappait, comme par inspiration, la prière suivante, à jamais gravée dans sa mémoire depuis lors :

O Sainte Victime, attirez-moi après vous ; nous marcherons ensemble. Que je souffre avec vous, cela est juste ; n'écoutez pas mes répugnances. Que j'accomplisse en ma chair ce qui manque à vos souffrances ! J'embrasse la croix, je veux mourir avec vous. C'est dans la plaie de votre Sacré Cœur que je désire rendre mon dernier soupir.

IV. — À partir de ce moment Marguerite Bays, toujours désireuse jusque-là de pouvoir acquitter sa dette de reconnaissance envers la Passion de Notre-Seigneur, se trouva surabondamment exaucée : elle se sentit frappée d'un mal mystérieux qui la ramenait sur son lit de douleur, chaque vendredi, pour augmenter d'intensité pendant le carême et se résoudre, le vendredi-saint, en d'atroces tortures : à ce jour sacré, on la voit, chaque année, réduite à l'agonie, de midi à trois heures du soir [=15 h] ; puis elle entre dans un état d'anéantissement et d'inanition voisin de la mort, et au bout seulement d'une heure et demie environ, la vie renaît par degrés. Revenue entièrement à elle-même, la stigmatisée se trouve transfigurée ; toute trace de douleur a disparu et sa physionomie est d'un rayonnement indescriptible.

La meilleure preuve de la cause surnaturelle de ses souffrances, c'est sa santé florissante en dehors des vendredis, et du carême. Pendant de longues années, Marguerite avait même dû prendre des remèdes contre cette maladie mystérieuse du vendredi, mais au lieu de lui apporter quelque soulagement, ils avaient produit l'effet contraire.

Les stigmates ne sont toutefois apparents chez elle que pendant la sainte Quarantaine [= Carême] où ils deviennent de plus en plus visibles et sanglants à mesure que le vendredi-saint approche ; ils disparaissent ensuite extérieurement, à partir de ce jour.

En 1870 Marguerite, par une exception qu'on ne pourrait s'expliquer, n'eut pas les stigmates. Interrogée à ce sujet et forcée, au nom de l'obéissance, d'en découvrir la raison, elle avoua en rougissant qu'elle avait redoublé de prières auprès de Notre-Seigneur pour ne point en recevoir ces marques, afin, disait-elle, de ne scandaliser personne. Mais elle n'a été exaucée que pour une fois.

Aujourd'hui-même, vendredi-saint, 27 mars 1872, nous écrit un de nos correspondants, devant plusieurs prêtres et religieux, accompagnés d'un docteur en médecine, la stigmatisée de La Pierre a subi, dans des circonstances admirables, et l'agonie de la passion et les douleurs de l'extase. Celle-ci commença vers trois heures. 

Pendant que le docteur constatait le sommeil extatique et que la science se livrait a ses investigations, le visage de la stigmatisée portait l'empreinte d'une douleur indicible. 

J'appris ensuite, à son réveil, par l'intermédiaire de son Directeur [spirituel], qu'elle avait assisté au supplice de la Flagellation où elle venait de voir les bourreaux se rechanger à trois reprises, épuisant toutes les fureurs de l'enfer vaincu sur le corps adorable du Sauveur.

V. — Le don des stigmates n'est pas la seule faveur dont Notre-Seigneur a daigné enrichir l'humble campagnarde. Il la guide habituellement par une voix surnaturelle qui lui parle, sans que personne ne paraisse, et qui lui intime les volontés du ciel, en la remettant d'ailleurs toujours aux décisions de son Directeur. La voix lui a défendu d'opposer des « mais » et des « si » aux ordres de celui-ci.

Le lundi-saint de cette année 1872, qui était le 25 mars, la stigmatisée, retenue chez elle par ses souffrances habituelles du carême, vit tout à coup apparaître sous ses yeux l'inscription suivante, tracée sur deux bandes :

« PRIÈRE ! PÉNITENCE ! »

C'était, en deux mots, la formule de l'unique remède à la situation désespérée du monde chrétien.

VI. — Une autre fois, comme elle était gravement malade, en un jour de fête, et que ses souffrances mystérieuses l'avaient mise dans l'impossibilité de se rendre à l'église pour recevoir la communion, elle vit tout à coup une sainte hostie lui apparaître dans son étroite cellule, et se tenir à la hauteur de sa bouche comme pour l'inviter à communier.

Marguerite, trop humble pour se croire digne d'une telle faveur, craignit un piège du démon et n'ouvrit point la bouche pour recevoir l'hostie prodigieuse. Celle-ci s'approcha alors de ses lèvres et se ploya contre elles, en signe de la vérité de la présence réelle du corps de Notre-Seigneur.

Convaincue par cette violence suave et par une attraction intérieure que le divin Maître la conviait au banquet eucharistique, elle l'adora et le reçut en son cœur, au milieu des transports de la plus vive gratitude.

VII. — On ne sera pas étonné d'apprendre que Marguerite Bays est en relation avec les âmes du Purgatoire. Son père est venu lui-même réclamer l'assistance de ses suffrages. Comme elle lui demandait quelle était la cause de ses tourments, il lui répondit qu'il était retenu dans les flammes expiatrices principalement pour s'être trop occupé de la pêche, le dimanche, bien qu'il n'eût pas pour cela négligé l'assistance aux offices.

Une autre fois, la stigmatisée fut chargée d'avertir une religieuse bernardine, de sa connaissance, de bien prier pour la délivrance de son propre père, en purgatoire depuis plusieurs années. La religieuse venait de doter son couvent d'un chemin de la croix, sur l'observation que lui avait faite Marguerite du grand bien spirituel attaché à cette dévotion : elle fut ainsi la première récompensée de cette libéralité et de cet acte de soumission aux conseils de l'humble stigmatisée.

Nous nous bornons aujourd'hui à ces quelques lignes, sans toutefois cacher à nos lecteurs le bonheur que nous avons éprouvé de voir nos Voix Prophétiques parmi les livres de prédilection de Marguerite : elle a compris cet appel à la pénitence et à la Réparation volontaire ; sa prière en est devenue encore plus fervente, son immolation plus complète. Un tel suffrage nous console surabondamment de n'être point compris ni goûté de chacun.

Référence

Abbé J.-M. Curicque, Voix prophétiques ou signes, apparitions et prédictions modernes touchant les grands événements de la Chrétienté au XIXe siècle et vers l'approche de la Fin des temps, tome I : prophéties modernes purement dites, Victor Palmé, Paris ; A. Vromant, Bruxelles, P. Brück, Luxembourg, 1872, p. 434-441.

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