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dimanche 11 décembre 2016

Comment, par la passion, le Christ a délivré les hommes du péché, selon S. Thomas d'Aquin



Le Christ-Prêtre en Croix, 
Église Notre-Dame-de-la-Miséricorde
d' Ars-sur-Formans


Objections


1. Délivrer des péchés est propre à Dieu, selon Isaïe (43, 25) : « C'est moi qui efface tes iniquités, par égard pour moi. » 

Or le Christ n'a pas souffert en tant que Dieu, mais en tant qu'homme. 

Donc nous ne sommes pas délivrés du péché par sa passion.

2. Le corporel n'agit pas sur le spirituel. 

Or la passion du Christ est corporelle, tandis que le péché n'existe que dans l'âme, qui est une créature spirituelle. 

La passion du Christ n'a donc pas pu nous purifier du péché.

3. Nul ne peut être délivré du péché qu'il n'a pas commis, mais qu'il commettra dans la suite.

Donc, puisque beaucoup de péchés ont été commis après la passion du Christ et qu'il s'en commet tous les jours, il apparaît que nous ne sommes pas délivrés du péché par la passion du Christ.

4. Une fois posée la cause suffisante pour produire un effet, rien d'autre n'est requis. 

Or, pour la rémission des péchés, on requiert encore le baptême et la pénitence. 

Il semble donc que la passion du Christ ne soit pas cause suffisante de la rémission des péchés.

5. Il est écrit dans les Proverbes (10, 12) : « La charité couvre toutes les offenses.» Et aussi (15, 27, de la Vulgate) : « Les péchés sont purifiés par la miséricorde et la foi. » 

Or la foi a beaucoup d'autres objets, et la charité beaucoup d'autres motifs que la passion du Christ.

En sens contraire, il est écrit dans l'Apocalypse (1, 5) : « Il nous a aimés et il nous a lavés de nos péchés dans son sang. »


Réponse

La passion du Christ est la cause propre de la rémission des péchés de trois manières.

Par mode d'excitation à la charité.

Car selon S. Paul (Romains 6, 8) : « La preuve que Dieu nous aime, c'est que, dans le temps où nous étions encore pécheurs, le Christ est mort pour nous. » 

Or, par la charité, nous obtenons le pardon des péchés, suivant cette parole (Luc 7, 47) : « Ses nombreux péchés lui ont été remis parce qu'elle a beaucoup aimé. »

2° Par mode de rédemption.  

En effet, le Christ est notre tête. Par la passion, qu'il a subie en vertu de son obéissance et de son amour, il nous a délivrés de nos péchés, nous qui sommes ses membres, comme si sa passion était le prix de notre rachat. 

C'est comme si un homme, au moyen d'une œuvre méritoire accomplie par sa main, se rachetait du péché commis par ses pieds. 

Car, de même que le corps naturel est un, alors qu'il consiste en membres divers, l'Église tout entière, Corps mystique du Christ, est comptée pour une seule personne avec sa tête, qui est le Christ.

3° Par mode d'efficience. 

La chair dans laquelle le Christ a souffert sa passion est l'instrument de sa divinité, et c'est en raison de sa divinité que ses souffrances et ses actions agissent dans la vertu divine, en vue de chasser le péché.


Solutions

1. Le Christ n'a pas souffert en tant que Dieu. 

Cependant sa chair a été l'instrument de sa divinité. 

De ce fait sa passion a eu, comme on vient de le dire, la vertu divine de remettre les péchés.

2. La passion du Christ est corporelle. 

Cependant elle reçoit une vertu spirituelle de la divinité à laquelle sa chair a été unie comme instrument. 

Par cette vertu la passion du Christ est cause de la rémission des péchés.

3. Par sa passion le Christ nous a délivrés de nos péchés par mode de causalité.  

Elle institue en effet la cause de notre libération, cause par laquelle peuvent être remis, à tout moment, n'importe quels péchés, présents ou futurs, comme un médecin qui ferait un remède capable de guérir n'importe quelle maladie, même dans l'avenir.

4. La passion du Christ, nous venons de le dire, est comme la cause préalable de la rémission des péchés. 

Il est pourtant nécessaire qu'on l'applique à chacun, pour que ses propres péchés soient effacés. Cela se fait par le baptême, la pénitence et les autres sacrements, qui tiennent leur vertu de la passion du Christ, comme on le dira plus loin.

5. C'est aussi par la foi que la passion du Christ nous est appliquée, afin que nous en percevions les fruits, d'après S. Paul (Romains 9, 25) : « Dieu a destiné le Christ à servir de propitiation par la foi en son sang. » 

Or, la foi par laquelle nous sommes purifiés du péché, n'est pas la foi informe, qui peut subsister même avec le péché, mais la foi informée par la charité

La passion du Christ nous est donc appliquée non seulement quant à l'intelligence, mais aussi quant à l'affectivité.

Et de cette manière encore, c'est par la vertu de la passion du Christ que les péchés sont remis.


Référence

S. Thomas d'Aquin, Somme théologique, 3e partie, question 49, article 1.

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