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dimanche 18 août 2013

L'émanatisme, selon Narciso Muñiz, 1914



Le soleil néoplatonicien

Chapitre I : Idées fondamentales

§ 1. — L'immanence et la transcendance

Dans le naturalisme, la Cause Première est la puissance de la matière, sa virtualité intrinsèque et immanente, de laquelle procède toute vie universelle et particulière.

Dans l'émanatisme, au contraire, la Cause Première n'est pas la puissance de la matière, mais une autre substance, immatérielle, essentiellement différente qui, venant du dehors, s'introduit dans la matière et la compénètre, qui circule et se communique d'une partie à l'autre.

L'impénétrabilité, que les prétendus savants veulent ériger en principe absolu, est une qualité exclusive des Atomes, d'une seule des cinq substances [l'éther, les atomes, l'Âme cosmique ou énergie, les âmes individuelles et les esprits] qui constituent l'univers. Un atome ne peut pénétrer dans un autre atome ; mais les atomes pénètrent dans l'éther au sein duquel ils vivent ; et, à leur tour, ils sont compénétrés par les substances immatérielles. L'impénétrabilité et la gravitation sont des attributs exclusifs de la matière pondérable, et il est absurde de les attribuer à des substances différentes régies par d'autres lois.

Les substances immatérielles, en compénétrant les atomes, les maîtrisent et les dressent à accomplir les fins propres des substances immatérielles qui leur imposent leur loi. Dans tout matérialisme, naturaliste comme atomiste, la matière est la substance unique, dans l'émanatisme au contraire la matière est réduite au rôle d'instrument d'une autre substance prédominante, l'immatériel.

La transcendance des substances immatérielles explique ce qu'on a faussement appelé action à distance : l'erreur vient de ce qu'on ne voit dans ces essences que leurs effets. L'immatériel n'agit pas à distance, mais bien en union, intime avec la matière ; et si ces effets apparaissent à distance, c'est qu'il compénètre simultanément des quantités de matière éloignées les unes des autres.

Dans le naturalisme, les soi-disant composés de matière et de forme, sont, comme le dit Aristote, une seule et même chose. Au contraire, l'émanatisme prétend que tous les corps sont des μίξεις [mixeis], résultats de l'union de deux substances, la matière et l'immatériel.

§ 2. Le foyer et ses émanations

La Cause Première, telle que la conçoit l'émanatisme, cause efficiente de toute vie, est un noyau ou foyer lumineux situé au centre de l'univers ; de ce foyer émanent tous les éléments immatériels, comme des effluves comparables aux irradiations de la lumière solaire.

Les émanations du foyer immatériel se répandent dans tout l'univers qu'elles vivifient, et par leur union avec la matière elles forment des μίξεις [mixeis], puis elles retournent au foyer dont elles procèdent. Elles sortent du foyer et rentrent au foyer, et ces émanations et réabsorptions, cette πρόοδος [proodos] et cette ὲπιστροφή [epitrophè] de l'immatériel sont le fondement et la substance du système émanatiste tout entier.

§ 3. — Évolution descendante de la Cause Première

Dans le naturalisme, la Cause Première, c'est-à-dire la puissance immanente dans la matière cosmique, sortant pour ainsi dire du néant, tend à s'immatérialiser, comme le dit Aristote, à se développer et à se perfectionner ; jusqu'à ce qu'elle atteigne l'état divin des dernières écoles. L'imparfait aspire, à la perfection.

Dans l'émanatisme, la Cause Première, foyer ou noyau de l'élément immatériel et actif, se trouve dans la plénitude de la perfection ; et son évolution est l'antithèse de celle du naturalisme. Ce n'est plus l'évolution ascendante d'une puissance qui naît et se développe, mais l'évolution descendante d'une puissance qui diminue et s'affaiblit. C'est un Être qui se dégrade au lieu d'un Être qui se perfectionne.

Les émanations perdent de leur perfection à mesure qu'elles s'éloignent du foyer. C'est l'échelle du naturalisme, mais en sens inverse. Ce n'est pas la pierre qui veut être végétal, le végétal qui veut être animal, l'animal qui veut être homme, l'homme qui veut être ange, l'ange qui veut être Dieu. Mais, au contraire, c'est Dieu qui devient ange, l'ange qui. devient homme, l'homme qui devient animal, l'animal qui devient végétal, le végétal qui devient pierre.

§ 4. — Le Dieu de l'émanatisme : panenthéisme

La notion émanatiste de Dieu est plus élevée que l'idée naturaliste. Ce n'est plus le Dieu absurde d'Aristote, qui ignore ce qui se passe dans le monde sublunaire, ni le Dieu du stoïcisme condamné par le Destin à mourir lentement, à mesure que se condense et se refroidit la matière qui le constitue ; mais c'est un Dieu immortel dont la Providence s'étend à tout ce qui se passe dans le monde.

Cependant, malgré sa supériorité, le Dieu de l'émanatisme est dégradé par son identification avec l'Univers visible. Il vit au sein de l'Univers, il en forme une partie et il vit dans le temps. Il n'est pas, comme le Dieu des stoïciens, condamné par le Destin à mourir, mais il vit subordonné au Destin, comme le Dieu du naturalisme.

La vie cosmique, d'après l'émanatisme, c'est le panenthéisme ; tout agent est divin, le monde est plein de Dieux : πάντα πλήρη θεῶν [panta plèrè theôn]. Dieu est partout par son essence, par sa présence et par sa puissance ; il donne son propre être à toutes les choses.

L'univers visible est le reflet du Dieu, dont l'essence se réfléchit dans la matière, comme la lumière du soleil se réfléchit dans le monde qu'il éclaire. Contempler le monde c'est contempler Dieu, parce que la vie du monde est la vie même de Dieu. Dieu est, à un degré éminent, tout ce qui existe dans le monde : Beauté Suprême et Suprême Bonté, Étre connaissable par analogie, comme le Dieu naturaliste.

Les effluves de son essence engendrant la vie universelle, Dieu voit tout en lui-même, parce que c'est en lui-même que se passe tout ce qui se passe dans ses émanations. Et de même que Dieu voit tout en lui-même, ainsi l'homme peut tout voir en Dieu.

La parole de la Bible « eritis sicut Dii [vous serez comme des Dieux] » trouve dans l'émanatisme sa réalisation complète. Dans le naturalisme, l'homme participe à l'être de Dieu, en tant que, comme lui, il est matière cosmique vivifiée par la même puissance ; mais sa déification ne va pas au-delà, d'une aspiration à ressembler à Dieu. Dans l'émanatisme, la déification de l'homme est complète ; non seulement il aspire à être Dieu, mais il est réellement Dieu en lui-même, et Dieu parle en lui. « In nobis loquitur Deus [en nous, Dieu parle]. » L'intelligence humaine, émanation du foyer lumineux, devient elle-même lumière, une lumière qu'éclaire le monde.

§ 5. — Anthropologie émanatiste

La thèse du naturalisme, qui explique l'unité par la continuité de la matière, se trouve en opposition avec les découvertes de la science moderne. En biologie, comme en physique, la Science démontre en effet la composition des corps par la réunion de particules séparées, Atomes dans l'ordre physique et cellules dans l'ordre biologique.

L'existence d'une substance immatérielle prédominante sauve la difficulté à laquelle le matérialisme se heurte sans pouvoir la résoudre. En biologie, une âme immatérielle explique l'unité et la solidarité des organismes en tant qu'elle compénètre et domine toutes les cellules. Et en anthropologie, outre qu'elle explique l'existence et le fonctionnement de l'organisme humain, elle rend possible pour l'homme la vie-future.

La vie future est incompatible avec la cosmogonie naturaliste. Elle l'est même dans le stoïcisme, l'école naturaliste la plus avancée, parce que l'homme meurt lorsque se refroidit la particule ignée qui l'engendre. Pour le naturalisme tout entier, l'homme n'est que la quantité de matière qui constitue son organisme et qui demeure dans le cadavre. Dans l'émanatisme, au contraire, l'existence d'une substance immatérielle rend possible non seulement une vie future, mais encore une vie antérieure ; car une de ses théories principales c'est la transmigration des âmes humaines. L'âme humaine a préexisté avant d'apparaître dans l'homme, et quand l'homme meurt, elle va vers de nouvelles existences et de nouvelles vies. S'appuyant sur cette doctrine, les émanatistes rapportent de plaisantes réminiscences. Empédocle se rappelait avoir été avant d'être homme, jeune fille, arbre, oiseau et poisson. Et voilà pourquoi aussi Socrate, et après lui Platon, disaient que savoir c'est se souvenir.

§ 6. Théurgie et magie

Sous le nom de religion, l'humanité a toujours compris non seulement le lien qui l'unit à la Cause Première, objet propre de la métaphysique, mais encore l'adoration et le culte rendus à cette Cause Première divinisée. Ainsi conçue, on peut dire que la religion ne peut commencer que dans la dernière école du naturalisme, avec le stoïcisme. Il serait en effet absurde d'adorer le Dieu aristotélicien qui ignore le monde sublunaire ; l'aristotélisme ne peut dépasser l'astrolâtrie.

L'émanatisme entre de plain-pied clans l'ordre religieux ; il peut supplanter les religions positives et les parodier en gardant les apparences, puisqu'il reconnaît clans le foyer immatériel l'existence d'un Être suprême à qui il peut rendre un culte.

Mais la religion émanatiste est la théurgie. Elle consiste, pour le philosophe émanatiste, à se rendre compte de sa nature divine, à se convaincre qu'il est partie intégrante de Dieu et à s'unir à lui mentalement dans la contemplation poussée jusqu'à l'extase ; et, dans cette extase, à se fondre, à se dissoudre dans l'essence divine, en attendant le moment de sa réabsorption définitive.

De la théurgie découle naturellement la magie. Le philosophe émanatiste qui se sent Dieu — en théos — doit logiquement prétendre exercer sur l'Univers le pouvoir qui revient de droit à sa nature divine, et, dans ce but, invoquer le concours et la coopération des autres émanations et même du foyer dont il procède.

Le grand maître de toutes les cérémonies de la magie émanatiste, chargé d'enseigner l'art d'exercer ce pouvoir divin, fut le fameux Jamblique, contemporain de Constantin. Aucun détail ne lui échappe : évocations, conjurations, prodiges, apparitions, rêves, prophéties, pratiques spirites, il a tout réglé. On racontait de ses adeptes qu'ils volaient comme des oiseaux, qu'ils entendaient des concerts mystérieux, que leur taille parfois croissait démesurément ; que dans leurs extases ils s'élevaient jusqu'à dix coudées au-dessus du sol et restaient longtemps suspendus clans les airs ; et que tel était leur pouvoir sur la Nature qu'ils pouvaient à volonté déchaîner les vents ou produire de grands tremblements de terre ou des pluies torrentielles.

Si stupéfiants étaient les récits des pratiques magiques de Jamblique, auxquelles l'empereur Julien prenait part, que Porphyre, indigné d'une si grossière supercherie, voulut y mettre un terme par sa Lettre à Annobon, disciple de Jamblique. Celui-ci répondit par le Traité des Mystères où il défendait les conséquences logiques de la doctrine émanatiste et l'exercice de la puissance divine attribuée à l'homme. Il n'est pas possible de dire à l'homme qu'il est partie intégrante de la divinité et de lui supprimer en même temps l'exercice des pouvoirs propres à la nature divine.

Les œuvres de Jamblique seront toujours la source où iront puiser leur inspiration les illuminés et les spirites de tous les temps.

§ 7. — Enseignement émanatiste : gnosticisme

Sauf quelques tentatives du stoïcisme pour détourner dans un sens naturaliste la religion romaine, le matérialisme, en règle générale, s'est toujours présenté en opposition ouverte avec les religions positives.

Au contraire, un trait caractéristique de l'émanatisme, c'est qu'il n'a pas attaqué de front les religions populaires, mais qu'il leur a témoigné un respect apparent. Sa tactique a été de tolérer la religion populaire pour le vulgaire ignorant et de réserver l'enseignement émanatiste pour les philosophes, élus de préférence dans les classes aristocratiques. À ceux-ci il révèle la doctrine comme une gnose, comme un enseignement ésotérique digne d'être connu de ceux-là seulement qu'il initie graduellement à ses mystères, par des cérémonies plus ou moins grotesques. Et de peur que le secret ne suffît pas à leur assurer l'impunité, les philosophes émanatistes eurent toujours soin de déguiser leur doctrine sous le masque de vocables sibyllins dont le sens ne pût être compris des profanes, ou de se servir de termes (comme les Idées platoniciennes) que les simples pourraient entendre dans un sens différent de leur véritable signification.

Ce n'est qu'aux époques de dissolution sociale ou d'impunité certaine, lorsqu'ils ne couraient aucun risque d'être punis par la loi comme Socrate, que l'émanatisme a été enseigné publiquement, comme une philosophie à la portée de tous.


Chapitre II : Les écoles

§ 8. — Divisions au sein de l'émanatisme

La plupart des initiés ne connaissent que les notions fondamentales de l'émanatisme. Il leur suffit de savoir qu'ils sont des effluves de la divinité qui doit les absorber de nouveau, et qu'ils n'ont rien à craindre d'un Dieu qui ne récompense ni ne punit dans une vie future.

Mais les philosophes que ne satisfait pas cette solution pratique et qui veulent approfondir la doctrine, ne tardent pas à se partager en écoles, dès qu'ils cherchent à expliquer le dualisme qui naît de la séparation de l'immatériel d'avec la matière.

Les divergences apparaissent d'abord dans l'ordre cosmogonique, quand on veut définir cette matière qui restreint ainsi et limite la vie spirituelle. Puis, nouvelles divergences dans l'ordre anthropologique, quand il s'agit de résoudre le problème éthique en distinguant le rationnel de l'irrationnel, et surtout le problème de la félicité où l'on est obligé d'aborder le redoutable problème du mal qui, dans le système émanatiste, retombe sur l'essence divine elle-même.

Toutes les solutions auxquelles l'émanatisme se prête, furent étudiées et exposées par Pythagore et ses disciples, en Italie et en Grèce, durant la période qui inaugure l'histoire vulgaire de la Philosophie ; puis, étudiées avec plus de soin par les célèbres écoles d'Alexandrie, de Pergame et d'Athènes, jusqu'au jour où ces écoles furent fermées par les empereurs d'Orient.

§ 9. — Première école : Pythagore, Socrate et Platon

Le premier maître de l'émanatisme, qui figure dans l'histoire vulgaire de la Philosophie, fut Pythagore, de race touranienne, né à Samos. Il l'étudia dans l'Hindoustan et alla ensuite s'établir à Crotone, en Italie (VIe siècle avant J. C.) Là il recruta, dans la classe aristocratique, des disciples dont l'impiété et le libertinage soulevèrent l'indignation du peuple ; ils furent expulsés le jour où fut connu la perversité de la doctrine qu'on leur enseignait en secret.

Pythagore eut pour disciple Aresas ; celui-ci, à son tour, Philolaüs et Euritès en Italie ; et à Athènes, Socrate qui ne fut célèbre que pour avoir été le principal propagandiste de l'émanatisme en Grèce. Les données les plus certaines sur sa vie ne justifient pas sa renommée . D'après Timon, il fut un imposteur pédant, usurier, bigame d'après Jérôme de Rhodes et d'autres auteurs, dégradé par d'immondes passions, mignon durant sa jeunesse du physicien Archélaüs (d'après Aristophane) ; puis à son tour brutalement amoureux d'Alcibiade. Celui-ci d'ailleurs n'avait pour lui qu'un profond mépris ; il le comparait au satyre Marsyas et censurait son impudence éhontée. Le trésor de ses sentences recueilli par Diogène de Laërce est une somme de vulgarités.

Une des accusations les plus graves dont on le chargea fut de corrompre la jeunesse. Il tenait son école dans les allées du Céramique fréquentées par de fameuses hétaïres dans l'intimité desquelles il vivait. Et il payait leurs faveurs en leur procurant des jeunes gens dont on lui avait confié l'éducation et en leur enseignant à tirer le meilleur parti de leurs charmes.

La légende fantastique de sa vie est une des grandes tromperies de l'histoire.

L'apothéose de Socrate, faite par ses disciples et complices, est simplement la glorification de sa campagne contre la religion nationale. Elle ne fut pas franche et ouverte, mais comme celle de Pythagore en Italie, perfide et sournoise : c'est la marque particulière de l'enseignement émanatiste. Il feignait de respecter le culte public, il y prenait même part lorsque l'occasion s'en présentait ; mais dans l'intimité, il le discréditait et propageait la doctrine ésotérique. Cette doctrine en partie lui venait des souvenirs de ses existences antérieures ; et en partie lui était communiquée par un démon familier, comme il le faisait croire aux simples qui l'écoutaient.

C'est dans Aristophane que nous connaîtrons la vie véritable de Socrate ; c'est dans les Nuées que nous trouverons le fidèle portrait de ce corrupteur de la jeunesse qui vécut et mourut à Athènes, comme un comédien.

Philolaüs, Euritès et Socrate eurent pour disciple le divin Platon, ainsi nommé pour son style ampoulé, et dont Timon disait qu'il était « un charlatan rival des cigales dont les chants résonnaient dans les allées d'Académos ». Sa doctrine, comme celle de Socrate, n'eut rien d'original. Aristote disant qu'elle était à peu près la même, τά μὲν πολλά [ta men polla], que celle de Pythagore, Asclèpios put lui répondre qu'elle n'était pas semblable, mais absolument identique, ὸύ τά πολλά ἁλλά τά πάντα [ou ta polla alla ta panta]. Et, de fait, Platon ne fit que répéter ce qu'il avait appris dans trois livres de Philolaüs qu'il avait payé cent mines par l'intermédiaire de Dion de Sicile. Toute son originalité se réduisit à changer le nom des émanations. Au lieu de les numéroter comme Pythagore et de les distinguer par leur nombre correspondant, il préféra les appeler Idées ; se servant ainsi d'un mot qui pouvait se prêter à des équivoques et à des confusions qui durent encore.

La base de la cosmogonie pythagoricienne est une triade formée du Père, de la Mère et du Fils : l'Immatériel, la Matière et l'Univers engendré par l'Immatériel dans le sein de la Matière.

L'Immatériel, le Père, c'est τό (-)εῖον [to (-)eîon], le grand architecte de l'Univers, concentré dans le foyer lumineux et appelé l'Être. La Matière c'est τό ᾅλλο [to allo], l'espace appelé le non-Être (1). Les principes fondamentaux de cette première école sont au nombre de deux.

Le premier, le monisme de l'Immatériel, semblable au monisme de la puissance naturaliste de la Matière. L'Immatériel parcourt toutes les étapes de la vie universelle, en évolution descendante, se dégradant successivement et ne se différenciant que par son mélange, μῖξις [mixis], plus ou moins grand avec la Matière. Dans sa dégradation, le Dieu de Pythagore devient successivement ange, homme, animal, végétal et pierre.

Le second, c'est la passivité de la Matière. Son nom de non-Être ne signifie pas autre chose que la passivité absolue. La Matière de Platon est l'antithèse de celle des Éléates ; c'est l' Ἀπείρον [Apeiron], l'argile inerte entre les mains du sculpteur qui la modèle. Dans la cosmogonie pythagoricienne, la Matière n'exerce pas d'autre influence que celle qui provient de la figure géométrique que l'Immatériel lui donne. Suivant qu'elle est dodécaèdre, tétraèdre, icosaèdre ou hexaèdre, elle apparaît comme éther, feu, air, eau ou terre, et produit des effets distincts purement mécaniques.

§ 10. — Seconde école : Proclus

Présenter la matière comme une pure négation, comme un non-Être, c'était moins une explication qu'un tour de prestidigitation contre lequel la saine raison ne pouvait pas ne pas protester, en se plaçant au-dessus des sophismes de l'École. Faire passer pour non-Être une réalité contre laquelle vient se briser la Divinité, une réalité puissante qui la diminue, l'affaiblit et la dégrade, c'était une supercherie manifeste. La bonne foi demandait non de la nier mais de l'expliquer, en rendant compte de son origine et de sa finalité. Et quand ce problème fondamental se pose pour les disciples immédiats de Platon, deux nouvelles écoles se forment.

La seconde école émanatiste fut professée de bonne heure en Égypte. Les Livres Hermétiques parlent d'un Être primordial qui se bifurque en Esprit et en Matière, Οὺσιότης [Ousiotès] et 'Ὑλότης [Hulotès].

En Grèce elle fut professée par ceux que l'on a appelés les précurseurs du néoplatonisme, au nombre desquels sont Speusippe, disciple immédiat de Platon, A. Polyhistor, Eudore, Nicomaque et surtout Moderatus.

La chaire principale de cette école était à Athènes ; elle fut occupée par le grand Plutarque qui eut pour disciples sa fille Asclépigène et Syrianos d'Alexandrie, maîtres de Proclus. Marinos, successeur et historien de Proclus dit que la plus grande partie des œuvres de Proclus sont une simple rédaction des cours de Syrianos. L'exposé le plus clair de la doctrine de cette école est celle qu'en a faite Salluste, comme Alcinoüs le fit pour le platonisme.

La triade de cette école, différente de la triade pythagoricienne, est composée du Grand-Père, du Père et de la Mère.

L'unité primordiale, Unum, est un véritable chaos au sein duquel sont confondus l'Esprit et la Matière. Ceux-ci, en sortant du chaos, constituent le Paradigma et la Dyada.

Le Paradigma ou Αὺτόζωον [Autozôon] est l’Être de Platon, le foyer divin de tout émanatisme, d'où procède tout l'Immatériel.

Ce Paradigma — et c'est la thèse capitale qui sépare cette école de celle de Pythagore — se bifurque en deux parties : l'une appelée Demiourgos, partie proprement spirituelle qui comprend tous les Dieux, Architecte, Ordonnateur et Providence ; l'autre, immatérielle aussi mais non spirituelle, Âme du monde qui, unie à la Dyade, à la Matière, engendre la Nature et, dans la Nature, les organismes dans lesquels s'incarnent les esprits, émanés du Demiourgos.

L'émanation et la réabsorption, πρόοδος [proodos] et ὲπιστροφ
ή [epitrophè], ne s'étendent pas, dans cette école, à toute la partie immatérielle, mais seulement à la partie spirituelle. Seule, la partie spirituelle est résorbée ; l'autre, procédant de l'Ame du monde, reste éternellement emprisonnée dans la Dyade. L'homme ne perd jamais sa nature spirituelle : il ne devient ni animal, ni végétal comme dans l'école pythagoricienne.

Cette distinction, au sein de l'Immatériel, de l'Esprit et de la Nature, est la doctrine qui constitue le néo-platonisme.

Dans la suite, lorsqu'il s'agit de déterminer la finalité de la Nature engendrée par l'Âme du monde, les deux écoles néo-platoniciennes ne sont pas d'accord.

Dans cette seconde école représentée par Proclus et qui logiquement fait suite immédiate à l'école pythagoricienne, la Nature est une demeure construite pour le plaisir et l'amusement des esprits émanés du Démiurge ; la vie spirituelle étant en effet incomplète, les esprits, pour la compléter, ont besoin de s'incarner et de jouir au sein des organismes. À cet effet, le Démiurge éclaire sa sœur, l'Âme du monde, afin que, dans la Nature, elle prépare une résidence agréable pour ses émanations. Le résultat de cette cosmogonie est l'harmonie parfaite qui règne entre la vie spirituelle et la vie zoologique (2).

Cette solution, pour les libertins, est meilleure que celle de Lucrèce. Plutôt que de n'avoir pas de Dieu, il vaut mieux en avoir un qui leur rende la vie agréable et prépare avec soin leurs joies terrestres.

§ 11. — Troisième école : Plotin

Speusippe avait introduit à Athènes l'enseignement de la seconde école. Un autre disciple de Platon, Xénocrate enseigna en secret la doctrine de la troisième école à quatre disciples qui s'engagèrent par serment à ne pas la divulguer. Comme il fallait s'y attendre, le serment fut violé et l'enseignement ne tarda pas à devenir public.

Le principal représentant de cette école fut Plotin, homme, à la figure hâve et de constitution si faible qu'il tétait encore à l'âge de huit ans, alors qu'il apprenait déjà la grammaire. Il ne fut pas plus connu par son enseignement que par sa saleté, car il ne voulut jamais se laver.

Porphyre fut chargé de compiler en six Ennéades cinquante-quatre traités de Plotin. Lui et Jamblique furent les deux grands maîtres qui, au IIIe siècle, enseignèrent ses doctrines à Rome et à Athènes.

La triade de Plotin ne peut pas être symbolisée par un triangle, comme celles des deux écoles précédentes.

Elle est formée en effet par les trois degrés supérieurs d'une verticale. Le but que poursuit cette école est de réduire à l'unité la dualité manifeste que l'on trouve dans les deux écoles précédentes.

La cosmogonie de Plotin est la dégradation d'un Être primordial, d'un Être suprême qui s'éteint graduellement, comme la lumière à mesure qu'elle s'éloigne de son foyer.

Au sommet, au lieu du chaos de Proclus, Plotin place un Être suprême spirituel dans toute la plénitude de sa grandeur et dont le repos absolu se confond avec l'Éternité : τό ἕν ἁπλοῦν.

Au degré immédiatement inférieur, c'est le Νοῦς [Noûs], de nature purement spirituelle aussi, ὁ νοῶν πρωτος [ho voôn prôtos], comparable au Demiourge de Proclus, et qui se divise en une multitude d'esprits. Cette multiplicité, Plotin l'impose à Porphyre qui refusait de l'admettre. Le Νοῦς [Noûs] n'est pas autre chose que le τό (-)εῖον [to (-)eîon] de Jamblique. Les νέοι δημιουργοί [neoi dèmiourgoi] sont la cour céleste, l'ensemble des dieux qui en émanent, τό χωριστόν, ὂντα οὺσίαι [to khôriston, onta ousiai].

Le troisième degré est la ψυχή ὑπερκόσμος [psuchè huperkosmos], l'Âme du monde, qui a fait la Nature, la cause efficiente du monde visible, de laquelle émanent toutes les âmes organiques, ψυχή ἐν μέρει [psuchè en merei].
Ici se termine la triade de cette troisième école, constituée par les trois degrés supérieurs.

Au-dessous de la ψυχή [psuchè] se continue la dégradation de l'Être primordial, dont la limite inférieure est la Matière. La vie de l’Être Suprême, dans cette école, est comparable à l'extinction graduelle de la lumière. L’Être Suprême est le foyer lumineux, la Matière constitue les ténèbres, l'espace où n'arrive pas le moindre rayon de lumière.

La doctrine principale de cette école est la fin qu'elle assigne à la Nature. Celle-ci est formée non pour perfectionner la vie incomplète des esprits, mais pour être une véritable prison où les esprits descendent pour purger des fautes commises dans une vie antérieure, leur rébellion contre la loi suprême du Destin.

Cette chute des esprits du Νοῦς [Noûs] à la Nature est l'objet du mythe antique de Er l'Arménien dont Platon parle dans le Timée.

Les esprits qui, dans le ciel, se révoltent contre la loi du Destin, supérieur à leur divinité, sont condamnés à subir, au sein de la Nature, incarnés dans les organismes, le châtiment qu'ils ont mérité. D'après le mythe plus haut cité, ils tombent du ciel parce que le péché leur coupe les ailes, et pour pouvoir y remonter, il faut que les ailes leur poussent de nouveau; ce qui ne se produit que dans l'extase.

La description de cette chute fut l'objet des fantaisies des fameux gnostiques Valentin et Basilidés. Valentin appelle Πλήρωμα [Plèrôma] la cour céleste du Νοῦς [Noûs] et les esprits éons. D'après lui, il y avait des éons mâles et des éons femelles qui vécurent heureux jusqu'au jour où un éon femelle, appelé Sophia, souleva un grand scandale dans le Plérôme, et la paix disparut à tout jamais ; alors commencèrent les révoltes et, avec elles, la chute des esprits.

Basilidés, renchérissant sur Valentin, multiplia d'une façon extraordinaire le nombre des Éons et donna toute espèce de détails sur leurs préexistences, émanations, métempsycoses et réabsorptions.

§ 12. Quatrième école : le manichéisme

La doctrine de la.quatrième école fut enseignée, au IIe siècle de l'ère chrétienne, en Égypte, en Syrie et à Rome par Saturninus, Marcion, Scythianus et Térébintus, mais le principal philosophe de cette école fut Manès qui lui donna son nom.

Il serait oiseux de parler de la biographie de Manès et de discuter sur l'authenticité des Acta disputationis Archelai cum Manele, rédigés en syriaque. Il suffit de savoir que Manès prêcha sa doctrine en Perse sous le règne de Sapor ; et que, à cause de son impiété, il fut condamné à être écorché vif en 277. Parmi ses disciples, on cite Akuas, Adimante, Terebintus, Faustus, Félix, Fortunatus, Secundinus, etc. Ils propagèrent sa doctrine qui fut professée du IIIe au VIe siècle par les Priscillianitcs, et, au moyen-âge, par les Albigeois, la plus puissante de toutes les sectes du Manichéisme.

Les principes de cette quatrième et dernière école de l'émanatisme sont exposés dans les traités de Saint Augustin : De Agone christiano, Cum Felice, De moribus, De Fundamento, De Natura Boni, Contra Faustum et d'autres encore.

Pour Manès, comme pour Pythagore, Dieu réside au centre de l'Univers sous forme de Lumière dont les rayons vont jusqu'aux confins de l'Univers et dont l'intensité diminue graduellement à mesure que ses rayons s'éloignent du centre. Ses émanations immédiates sont les astres ; ils forment autour du foyer comme une garde d'honneur, dont Pythagore entendait la musique céleste.

Loin, bien loin du noyau, aux confins de l'Univers, se trouve la Nature, Hylès, où les rayons de la Lumière divine parviennent extrêmement affaiblis.

Au-delà de la Nature, là où ne parvient pas la lumière, régnant sur cinq régions de ténèbres, est un autre Dieu, Rex Tenebrarum, ennemi du Dieu de Lumière et qui, depuis longtemps, brûlait de lui déclarer la guerre. Le Dieu de Lumière, qui s'en doutait, voulut devancer et lui livrer bataille. Et en effet, il lança contre lui ses effluves, et ses émanations rencontrèrent les émanations du Dieu des ténèbres dans la Nature, changée ainsi en champ de bataille. Dans chaque homme, un Esprit émané du Dieu de Lumière lutte contre l'Âme d'un organisme engendré par le Dieu des Ténèbres.

La partie divine, captive du Dieu des Ténèbres, n'est pas limitée aux esprits incarnés dans l'Humanité ; d'accord avec la doctrine, pythagoricienne, le Manichéisme affirme que les émanations du Dieu de Lumière arrivent jusqu'au règne végétal. Et voilà sur quoi se fonde le régime alimentaire des Manichéens. Les esprits humains doivent lutter contre les Âmes de leurs organismes ; mais de plus, ils doivent précisément se nourrir de végétaux pour racheter ainsi les émanations divines qui s'y trouvent emprisonnées. Ils doivent s'interdire la nourriture animale, parce que les corps organiques sont engendrés par le Dieu des Ténèbres et que se les assimiler serait rendre l'ennemi plus fort et fomenter ses appétits diaboliques.

Beausobre, dans son énorme ouvrage sur les Manichéens (3) ressuscite l'argumentation de Faustus ; et il s'efforce en vain de nier la croyance manichéenne en deux Dieux, et de démontrer que Hylès ne fut jamais divinisée. L'érudition dont il fait montre est inutile, car personne n'a supposé que le manichéisme adore la Nature comme un Dieu. Hylès n'est que le champ de bataille où se rencontrent les émanations des deux Dieux. Mais de ce que Hylès n'a pas été divinisée, on aurait tort de nier la coexistence de deux Dieux ennemis, principe fondamental du Manichéisme et que, de bonne foi on ne saurait lui contester.

La doctrine manichéenne est la conséquence logique et forcée de l'émanatisme. Les créatures peuvent souffrir du fait d'autres créatures, d'autres êtres non divinisés ; mais des émanations divines, qui sont l'essence même de Dieu, ne peuvent souffrir que du fait d'un autre Dieu. La doctrine est absurde, soit, mais elle est une conséquence logique.

Chapitre III : Histoire de l'émanatisme

§ 13. Moyen-Âge

Aux écoles d'Alexandrie, de Pergame et d'Athènes succéda, dans l'enseignement de l'émanatisme, l'école d'Edesse, fondée par les Nestoriens, qui fut le foyer d'où la doctrine se répandit en Syrie.

De la Syrie, les émanatistes passèrent en Perse ; et ils en furent chassés par Sapor.

Ils se réfugièrent alors à Bagdad ; là, deux émanatistes perses, l'un de Farabi et l'autre de Bokhara, Al Farabi et Ibn Sina ou Avicenne, fondèrent la secte des puritains musulmans, ou Frères de la pureté [Die laute Brüder]. Leur doctrine a été l'objet des savantes études de Dieterici.

Chassés de Bagdad, ils vinrent s'établir en Espagne dans le califat de Cordoue et y prospérèrent jusqu'à leur expulsion par les Almohades. À cette période, appartiennent les maîtres les plus fameux de l'émanatisme au Moyen-Âge : parmi les arabes, Ibn Badja (Avempace), Tofail et Averroës le plus célèbre de tous, et parmi les juifs, Salomon Gebirol (Avicebron) et Maimonides.

De Cordoue les émanatistes passèrent à Tolède qui ne tarda pas à devenir un véritable foyer d'infection dont les miasmes se répandirent à travers l'Europe. Avant cette funeste infection, on n'avait de détails sur l'émanatisme que par le Timée de Calcidius, par Lucius Apuleius, par les Livres Aréopagitiques, et puis par les écrits de Scot Érigène et d'Abélard : petites sources comparées à l'inondation qui les suivit des traductions de Tolède .

Durant le Moyen-Âge, l'émanatisme se propagea dans toute l'Europe et fit beaucoup de prosélytes. Leurs sectes furent plus ou moins célèbres. Citons les Amalriciens, les sectateurs d'Ottlieb, les Vaudois, les puissants Albigeois, les Libres-penseurs du Rhin qui passèrent en Bohême, les Turlupins de France et de Savoie, les Intellectuels de Belgique ; et surtout les Templiers, dont l'apostasie fit scandale, qui furent initiés aux mystères émanatistes vers le milieu du XIIIe siècle.

§ 14. — Temps modernes

Au XVIe siècle, on retrouve les mêmes sectes émanatistes dans différents pays d'Europe, sous les noms d'Illuminés et de Libertins spirituels.

Et pendant que les sectes se propageaient, l'émanatisme était publiquement enseigné par Georges Germisthio, le cardinal Bessarion, Marsilius Ficinus et Jean Reuchlin qui dédiait ses œuvres au pape, en lui promettant de ressusciter en Allemagne la Kabbale chaldéenne et le pythagorisme. Giordano Bruno se déclarait disciple de l'école de Pythagore : « la scuola pythagorica e nostra ». Cornélius Agrippa, Paracelse et Cardan ressuscitaient les jongleries et les supercheries de Jamblique : et la célèbre université de Padoue enseignait l'averroïsme, tandis que l'aristotélisme était enseigné à celle de Bologne.


Au XVIIe siècle, Bœhme (4) fut le grand maître du néo-platonisme. C'est de lui que se sont inspirés les émanatistes des siècles suivants.

Au XVIIIe siècle, Swedenborg publia ses ouvrages émanatistes De cultu et amore Dei et Arcana cælestia.

Comme lui travaillèrent à la diffusion de cette doctrine Martinez Pascual, juif portugais, et son disciple Saint-Martin.

§ 15. — Allemagne : Krause, Schelling et Notze

Au XIXe siècle, ce fut le néo-platonisme qui remplaça l'hégélianisme triomphant du premier tiers du siècle, avant que le naturalisme athée de Schopenhauer remportât à son tour un bruyant triomphe.

Ses maîtres les plus célèbres furent Krause, Schelling dans sa seconde période, et Lotze.

Krause enseigna à Gœttingue (1824-1832) la doctrine de Proclus sur l'harmonie de l'Esprit et de la Nature. Il l'avait apprise dans les œuvres de Bœhme et la seule nouveauté qu'il y introduisit fut de donner à l'Unum le nom allemand de Urwesen.

Peu de temps après, Schelling qui avait d'abord enseigné le panthéisme, ayant succédé en 1841 à Hegel, enseigna dans son Abfall et son Entfernung, la doctrine de Plotin, la chute de l'Absolu.

Non moins célèbre fut Lotze qui occupa une chaire à Gœttingue en même temps que Schelling succédait à Hegel. Il continua l'enseignement de Krause, avec cependant une variante portant sur le concept de Nature : c'est le point sur lequel les écoles émanatistes sont en désaccord. Il conserve l'Unum de Proclus, le Urwesen de Krause, sous le nom de Raison générale du monde ; il y distingue, comme tous les néoplatoniciens, l'Esprit et la Nature. Pour ce qui est de l'Esprit, c'est, sans changement, le Noûs ou Paradigma ; mais la Nature, elle, agit, d'après Lotze, d'une façon différente, elle agit mécaniquement. Voilà sa seule originalité. La Nature, réagissant mécaniquement sur l'Esprit, lui arrache des fragments, comme le briquet tire les étincelles du silex.Ces fragments spirituels se logent dans les organismes construits à cet effet par la Nature. Les mouvements mécaniques de la Nature réagissent nécessairement sur l'Univers spirituel et détachent sur des points et à des moments déterminés, des âmes qui ont conscience de leurs formations organiques et qui en jouissent. Les âmes humaines ainsi détachées, qui viennent jouir, au sein delà Nature de leurs corps respectifs, préexistent dans la substance inépuisable de l'Absolu spirituel.

Ce principe, d'après lequel les fragments spirituels viennent jouir dans des organismes préparés par la Nature, suffit à classer Lotze dans la seconde école. Ce qui le distingue, c'est que, dans sa théorie, ces fragments ne sortent pas, pour compléter leur vie, comme dans Proclus, d'un processus mental, mais ils sont détachés par la réaction mécanique de la Nature.

§ 16. — France : le cycle cousinien

La France suivit la mode allemande. Cousin, d'abord hégélien, devint émanatiste, comme aussi les philosophes qu'on appela spiritualistes : Leroux, Janet, Saisset, Ravaisson et autres, que séduisait l'idée d'être des émanations divines et non de simples mortels comme le vulgaire. Les concours organisés par l'Académie des Sciences morales et politiques sur les Idées platoniciennes et sur la philosophie d'Alexandrie et qui donnèrent lieu à la publication des œuvres de Fouillée, de Barthélémy Saint-Hilaire, de Jules Simon et de Vacherot, attirèrent l'attention publique sur l'émanatisme et contribuèrent à augmenter le nombre de ses prosélytes.

C'est aussi une exposition du néoplatonisme de Proclus, généralement préféré, que Lamennais fit dans l'Essai [Esquisse] d'une philosophie. Après son apostasie, il opta pour la bifurcation de l'Unum, bien qu'il, avouât franchement ne pas comprendre comment elle fût possible.

L'émanatisme, en France, offre cette particularité de ne pas se borner aux théories abstraites des philosophes allemands ; il se complaît plutôt dans le récit détaillé de la pérégrination des esprits à travers l'Univers visible. Reynaud dans Terre et Ciel (1854), Flammarion dans La pluralité des mondes habités (1862) et Figuier fans Le lendemain de la mort ou la vie future selon la. science (1872) donnent à l'envi les détails les plus intéressants.

Reynaud raconte les aventures des esprits lorsqu'ils se rencontrent sur le grand boulevard de l'Univers, à savoir la voie lactée, où ils se promènent en tous sens, les uns montant, les autres descendant.

Flammarion et Figuier s'attachent plutôt à décrire les hôtelleries que les astres offrent aux esprits. Jupiter sent la jonquille, Neptune le tabac ; dans Uranus on trouve des fleurs bleues d'un usage pharmaceutique ; dans certaines planètes, les pèlerins tètent jusqu'à l'âge de 490 ans et se marient à 3950 ; les uns ont des voix si puissantes qu'ils se font entendre d'une planète à l'autre ; il y en a d'autres dont le corps est si élastique, d'après Litrow, qu'ils sautent comme des puces à des distances prodigieuses. Dans d'autres planètes, au contraire, les corps diminuent graduellement et finissent par se réduire à deux ailes qui,prenant naissance au cou, leur permettent de voler comme des oiseaux... Et le public a si bien pris goût à ces détails qu'en peu de temps il a épuisé des éditions de centaines de milliers d'exemplaires...

Baraduc, dans L'âme humaine (1896) a publié jusqu'à soixante-dix simili-photographies des esprits !

§ 17. — Angleterre et Russie

En Angleterre, les émanatistes les plus connus ont été les grands physiciens B. Stewart et Tait, auteurs des The Unseen Universe.

Les théosophies et les sciences occultes que Mad. Blavatsky (Isis Unveiled), Lady Caithness (Théosophie universelle et Théosophie occulte), Sinnet, (The Occult World), et autres adeptes, font remonter à des Mahatmas très anciens, ne sont en fin de compte que des doctrines émanatistes absurdement confondues avec le bouddhisme.

En Russie, l'émanatisme a été le Nouvel Évangile, la pédantesque révélation annoncée au monde par Tolstoï.

§ 18. — Franc-maçonnerie et spiritisme

L'émanatisme ne s'est pas borné à l'enseignement public, il est en outre l'objet d'un enseignement ésotérique et d'un culte particulier rendu aux esprits.

Il est la doctrine ésotérique de la puissante société secrète appelée franc-maçonnerie, qui prit naissance en Angleterre vers le commencement du XVIIIe siècle, et qui se répandit ensuite dans le monde entier. Comme le fait remarquer Weishaupt, il n'est pas possible de comprendre le sens cache de ses symboles et de ses rites si l'on n'étudie auparavant le gnosticisme pythagoricien (5).

C'est aussi de l'émanatisme que s'inspire, comme la franc-maçonnerie, le spiritisme, ressuscité dans les États-Unis en 1852, et enseigné par Allan Kardec dans le Livre des esprits et le Livre des Médiums. On dit que, parmi ses adeptes, ont figuré des savants tels que Tyndall, Fechner, Zollner, Wallace et le fameux chimiste Crookes défenseur acharné de l'existence réelle des apparitions. Il fut, à l'âge de 74 ans, troublé par le spectre d'une belle jeune fille de 17 ans, qui, pour prouver son objectivité, se laissait serrer entre ses bras ; chose qu'il faisait toujours, dit-il, avec la correction que demandait son grand âge.

Gabriel Delanne, dans Le spiritisme devant la science, trouve dans la matière radiante étudiée par Crookes, l'explication scientifique de tous les contes spirites sur les fantômes, les perisprits et les apparitions.


Chapitre IV : Critique de l'émanatisme

§ 19. — Solution du problème cosmogonique

Le dualisme qui naît de la séparation de l'Immatériel et de la Nature est l'écueil où vient se briser et mourir l'émanatisme, impuissant à trouver dans l'Univers l'unité que l'intelligence impose comme condition de vie ou de mort à tout système philosophique.

Le Dialogue de Parménide nous apprend que ce fut, aux fêtes des Panathénées, le point principal de la grande controverse entre Parménide et Zénon, défenseurs de l'unité éléate, et les émanatistes représentés par Socrate et d'autres philosophes.

Le problème de l'unité, que le naturalisme prétend résoudre par la continuité de la matière, ne trouve aucune solution possible dans l'émanatisme.

La première école cherche inutilement à escamoter la matière ; car ce qu'elle appelle non-Être est une manifeste supercherie. La matière pourrait n'avoir aucune activité, aucune causalité propre, elle pourrait être inerte et passive comme la cire, comme l'argile entre les mains du sculpteur ; elle n'en serait pas moins une réalité véritable qui décompose les rayons du Dieu de Lumière qui se réfléchissent en elle. L'espace seul suffit pour que, d'après les pythagoriciens eux-mêmes, la Lumière s'y décompose et perde son éclat.
Toujours à la recherche de l'unité, la seconde école tombe dans la plus grande des absurdités ; car, réunir l'Immatériel et la Matière dans l'Unum, dans un Être où tout est confus, sens dessus dessous, c'est chercher dans le chaos la Cause Première de l'univers.

Aristote et les naturalistes en général objectaient avec raison à Speusippe qu'à la tête de l'univers il plaçait une imperfection absolue.

La troisième école a recours à une transsubstantiation de l'Immatériel, absurdité qu'Aristote condamnait justement dans sa critique des idées platoniciennes. L'inétendu ne peut engendrer l'étendu et de l'Immatériel ne peut procéder la Matière.

La quatrième école pousse le dualisme jusqu'à la folie. L'antagonisme qui se manifeste dans l'univers conduit logiquement les manichéens à supposer la guerre entre deux Dieux : c'est la plus énorme des absurdités qu'enregistre l'histoire de la philosophie.

Toutes les tentatives des émanatistes pour trouver l'unité sont donc infructueuses. l'émanatisme après le naturalisme, échoue sur cet écueil de l'unité, parce qu'il s'obstine à vouloir la trouver dans l'univers ; et dans l'univers il n'y a que pluralité et antagonisme
de substances et de lois.

Il est également impuissant à expliquer l'intelligence de la Cause Première d'où procèdent les lois qui régissent l'univers. Pour expliquer les lois, il faut rechercher et vérifier quel est le législateur, l'auteur qui les établit et le Dieu de l'émanatisme n'est pas le législateur, auteur de la Loi, il n'en est que l'exécuteur. II ne lui est pas donné d'établir ou de modifier les lois ; il fait le beau parce que c'est beau, le bien parce que c'est bien ; mais les choses sont bonnes et belles conformément à une Loi qui lui est supérieure. S'il est la Beauté Suprême et la Suprême Bonté, c'est précisément par sa conformité avec la Loi qui pré-ordonne la Beauté et la Bonté. C'est un Dieu qui ne fait que ce qui, d'après la Loi cosmique, a raison d'être. L'Etre Suprême, le véritable Législateur, la véritable Cause Première, d'après l'émanatisme, n'est pas le Dieu de Lumière dont il cherche à exalter l'existence, mais le Destin, une Cause aveugle, un Être privé d'intelligence. Pas plus le chaos de Proclus que l'Être divin, dont la seconde et la troisième écoles font l'origine de l'univers, ne sont la Cause Première ; et ne peuvent expliquer l'existence de l'univers dont ils sont partie intégrante et aux lois duquel ils sont soumis.

Enfin, l'émanatisme n'explique pas davantage, l'éternité. Sa solution est la même que celle d'Aristote qui, sûrement, la lui emprunta. S'obstinant à la chercher dans l'univers, il n'y trouve que l'immobilité, qu'il attribue à la partie supérieure de l'Immatériel, et le temps infini dans la partie inférieure en mouvement : ce sont les extravagances du naturalisme, auxquelles aboutit Proclus, quand il défend l'éternité du monde contre le christianisme.

§ 20. — Solution du problème éthique

La morale de l'émanatisme ne peut être autre que celle du naturalisme, parce que, ni dans l'un ni dans l'autre, il n'y a de raison pour nier la vie zoologique [= animale] ; ni pour fonder le devoir de réprimer aucun de ses appétits naturels.

Dans l'espèce, les théories émanatistes sur les peines .et les récompenses de la vie future ne riment à rien et quant aux contes pythagoriciens, que les bons iront séjourner dans les astres et que les méchants s'incarneront de nouveau dans des corps animaux ou même végétaux, ils ne signifient pas davantage ; ce sont des contes inventés pour les ignorants.

Les philosophes, les initiés de la doctrine ésotérique savent parfaitement que, selon l'émanatisme, on ne peut considérer comme mauvais, comme digne de châtiment aucun appétit de la vie animale. Logiquement l'homme ne peut être obligé à sacrifier des impulsions naturelles de son organisme, car l'émanatisme, loin de les condamner, les reconnaît et les justifie ; les satisfaire ne peut constituer un acte méritant un châtiment dans une autre vie.

L'immortalité émanatiste ne s'oppose pas à la jouissance de la vie zoologique dans toute son intensité. Suivant les trois premières écoles, les organismes, dont le fonctionnement constitue la vie zoologique, ont la même origine que les esprits, et leurs tendances et désirs naturels sont aussi divins, leurs actes aussi légitimes que peuvent l'être ceux des esprits. Les âmes organiques sont engendrées par l'Âme du monde, et l'Âme du monde fait partie de la triade suprême.

La seconde école principalement s'attache à démontrer que la vie animale est le complément de la vie spirituelle, que les esprits sont des substances incomplètes qui, pour arriver à la perfection, ont besoin de s'incarner et de jouir au sein des organismes engendrés à cet effet par la Nature illuminée parle Démiourge. Ses partisans ont de tout temps proclamé la légitimité absolue de la vie zoologique. Les krausistes qui au XIXe siècle ressuscitèrent ces doctrines, prirent un soin particulier à défendre l'harmonie des deux vies intellectuelle et animale ; et à inculquer le saint respect que l'homme doit avoir pour lous les modes et états que la transcendance divine peut produire dans ses organismes (6).

Quant à la troisième école, sa doctrine de la chute des esprits ne s'oppose pas davantage à la vie animale. D'après Plotin, il faut aimer le corps et non le haïr ; car, d'accord en cela avec les stoïciens, il ne trouvait rien de vil dans la maison de Jupiter. Tant que l'Esprit, procédant du Noûs, lui demeure mentalement uni, la partie organique peut se livrer sans crainte à ses fonctions propres : c'est l'harmonie de Proclus. Jamblique, en particulier, fit l'apologie la plus ardente de Vénus, de Priape et du Phallus ; il démontrait que l'amour libre ne peut souiller le Noûs. La dépravation des émanatistes romains scandalisa Atticus et Julien, comme celle des stoïciens scandalisa Épicure.

Telle est la substance de la doctrine ésotérique des illuminés de tous les temps, celle qu'on leur enseignait dans le secret de leurs conciliabules. Harmoniser les extases, les ardeurs, les embrasements de la vie unitive en Dieu avec les déchaînements des passions ; défaillir, à la fois et par un accord philosophique, d'amour divin et d'amour sexuel ; union des corps préparatoire à l'union des esprits ; oraison de quiétude d'abord; puis les plaisirs de la luxure goûtés par charité fraternelle et amour de Dieu. Voilà la grande fourberie des mystères et des initiations ; voilà l'histoire des Priscillianistes ; voilà l'histoire des Amalriciens à qui David de Dinant enseignait « qu'il ne pouvait pas y avoir de péché, parce que c'était Dieu lui-même qui agissait dans l'homme » ; voilà la vie d'infamie et de libertinage des Templiers, dès qu'ils furent initiés aux mystères de l'émanatisme ; celle des Bégards et des Béguins pour qui « l'initié peut accorder au corps tout ce qu'il demande, la fornication étant un acte divin »; celle des Frères du libre esprit du Brabant ; celle des Libertins spirituels, celle des Albigeois, celle des Picards, celle des Intellectuels de Bruxelles, celle des Turlupins et, enfin, celle des loges androgynes de la franc-maçonnerie ; dont les réunions se tenaient au palais d'Orléans, dans les années qui précédèrent la Révolution Française, et dont faisaient partie la princesse de Lamballe et les duchesses de Bourbon et de Chartres. Voilà La mystique des Illuminés.

Enfin, dans la quatrième école, l'irresponsabilité des esprits est absolue. Le manichéisme attribuait toutes les passions humaines aux âmes créées par le Dieu des Ténèbres ; aussi les esprits étaient-ils exempts de toute faute, quelle que fût la dépravation humaine. On n'opposait au libertinage d'autre obstacle que d'user de certaines précautions afin d'empêcher la génération.

§ 21. Solution du problème du bonheur

Les philosophes athées sont à l'aise pour reconnaître la réalité de l'infortune humaine ; Schopenhauer et Hartmann la décrivent avec éloquence. Mais ceux qui divinisent la Cause Première, impuissants à concilier les misères de l'humanité avec sa nature divine, se voient dans la nécessité de nier le mal, d'entonner les .hymnes de l'optimisme et de faire chorus avec les naturalistes.

Il n'y a pas de panthéiste plus enthousiaste que Proclus à exalter les charmes de la nature engendrée par Dieu pour compléter son existence. La chute des esprits elle-même n'empêche pas Plotin et les siens de célébrer, comme Proclus, les merveilles et les splendeurs de l'univers. L'optimisme est la solution logique de toute vie cosmique divinisée.

Mais au-dessus des sophismes des philosophes il y a l'évidence de la réalité ; et, devant elle, Proclus, logiquement optimiste, ne peut que reculer. Il avoue enfin que la Nature engendrée par Dieu pour le compléter et le réjouir, se trouve funestement troublée par polemos, par la guerre et par les misères qui ont mis tous ses plans en déroute.

Plotin, avec plus de raison que Proclus, se lamente sur les misères et les infortunes dont souffrent les esprits privés de leurs ailes, et il frise même le manichéisme quand il parle de δαίμονες κακοεργόι.

Et enfin le manichéisme pousse aussi loin que possible les souffrances des émanations divines condamnées à lutter contre les émanations du Dieu des ténèbres pour défendre le Splendilenens.

En présence de l'immensité du mal, les émanatistes ont recours à la contemplation et aux ravissements de l'extase. Pour être aussi heureux que les stoïciens dans le taureau de Phalaris, il leur suffit de songer que le foyer, d'où procèdent Tό (-)εῖον, le Paradigma, le Nous, le Dieu de Lumière, ne souffre absolument pas, qu'il est complètement heureux, de s'identifier avec lui, de se faire ἔνθεοι !

Les remèdes que l'optimisme naturaliste invente pour conjurer les misères de l'homme sont une mauvaise plaisanterie ; ceux de l'émanatisme sont plus encore, ils sont un cruel sarcasme. Dire au malheureux qui a faim et soif, qui est malade et souffre toutes les horreurs de la pauvreté et de l'infortune, que pour conjurer ses maux il lui suffit de se mettre en extase ! Eh ! quelles pensées pourra-t-il trouver dans son extase pour remédiera son malheur et pour l'inonder de bonheur ? Quel est ce Dieu avec qui il s'identifie ? Un Dieu misérable, assujetti à un Destin qui condamne à souffrir son essence même.

À chaque étape de l'itinéraire, la solution du problème du mal se trouve en présence d'une absurdité toujours plus grande.

Dans le premier système, le mal est produit mécaniquement sans intention de nuire.
Dans le second le mal est intentionnel.
Dans le troisième, c'est Dieu lui-même qui se fait du mal à lui-même, soumis qu'il est à la loi suprême du Destin.

Quel bonheur l'homme peut-il trouver clans la méditation d'une pareille cosmogonie ?

L'histoire nous raconte quels furent la tristesse et le désespoir des mystiques alexandrins, en dépit de leurs efforts de concentration et d'ἁ
πλούσις. Et vraiment, il ne pouvait sortir de leurs extases qu'une désastreuse désillusion. Dans l'enthéisme, l'homme pourra trouver la sanction de ses passions ; mais jamais son bonheur. À quoi lui sert d'être Dieu, s'il est malheureux ?

Notes

(1) Clemens Baeumker, Das Problem der Materie in der Griechischen Philosophie : eine historisch-kritische Untersuchung, Die Aschendorffschen Buchhandlung, Münich, 1890, , p. 177 : « Die Platonische Materie ist die leere Raum, die blosse Ausdehnung. »
(2) ibid., p. 418-426.
(3) Isaac de Beausobre, Histoire critique de Manès et du manichéisme, 2 vol., J. Frederic Bernard, Amsterdam, 1734 et 1739.
(4) Bœhme, Theosophia revelata, Amsterdam, 1682.
(5) J. G. Findel, Histoire de la franc-maçonnerie depuis son origine jusqu'à nos jours, traduit de l'allemand par E. Tandel, Librairie Internationale, Paris, 1866.
(6) Karl Ch. F. Krause, Ideal de la Humanidad para la vida (Idéal de l'Humanité pour la vie), 1860, note de Sanz del Rio, p. 273.

Référence

Narciso Muñiz, Études de positivisme métaphysique : problèmes de la vie, édition revue et augmentée par l'auteur, M. Rivière, Paris, 1914, p. 295- 331.

La mise en forme, les notes, ainsi que quelques éléments d'orthographe et de ponctuation ont été revus par l'auteur de ce blog.

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