Rechercher dans ce blogue

vendredi 23 novembre 2012

Les enfants de chœur, selon X. Barbier de Montault, 1877


Dès lors que les enfants de chœur portent le costume ecclésiastique, à l'église seulement, ils doivent nécessairement en subir toutes les exigences. L’Église ne leur reconnaissant point un costume à part, ils n'ont aucun droit à agir différemment de tout le clergé. Je vais décrire minutieusement et dans toutes ses parties la tenue des enfants de chœur, telle qu'elle est réglée uniformément par le rite romain. Sur ce point en particulier, comme sur tous les autres, l'unité est très-désirable. 
 
 
 
 
I

1. Les souliers sont de couleur noire et à boucles. Pour les avoir constamment propres, il importe qu'ils ne servent qu'à l'église : on les tiendra donc au vestiaire pour les prendre au commencement de chaque fonction, après laquelle ils seront quittés. Garder les chaussures qu'on porte habituellement, c'est s'exposer presque toujours à les avoir malpropres, surtout en temps de pluie, ce qui ne convient pas à la dignité du ministère ni du sanctuaire. À plus forte raison réprouvera-t-on les sabots et les galoches, faits exclusivement pour marcher dans la boue ; or, il n'y en a pas à l'église, où ils en apporteraient infailliblement, sans parler du bruit qu'ils occasionnent. 
Le seul moyen d'avoir des souliers propres, c'est de les faire en cuir verni ou en veau d'Orléans : un coup de brosse ou de linge les remet vite en état, tandis que le cirage offre plus d'un inconvénient. 
Naturellement, la forme adoptée sera la forme usuelle : le soulier sera découvert, son talon sera bas, de manière à n'être pas retentissant sur le pavé et, pour le même motif, la semelle n'aura qu'une épaisseur moyenne. Ainsi façonné, ce soulier sera en rapport direct avec sa destination et se distinguera des chaussures vulgaires ou mondaines. 
La boucle, complément indispensable, se fera en acier poli, au cas où, par économie, ou ne pourrait l'acheter en argent. 
 
2. Les bas seront en laine noire. Je dis laine, car le coton prend mal la teinture et la soie serait un trop grand luxe. Quant aux autres couleurs, elles ne sont pas de mise. Les bas ordinaires, bleus, chinés, etc., sont bons ailleurs qu'à l'église, qui requiert plus de gravité et moins de mondanité. Ces bas spéciaux pourraient rester au vestiaire. 
 
3. La soutane se fait en drap ou en mérinos, jamais en soie. Comme à Rome, elle est tout d'une venue, sans coupure à la taille. Bien entendu, elle ne comporte pas la queue, qui est un signe de haute prélature, ni pour le même motif, des boutons, boutonnières, passepoils et parements de soie : tout cela s'assimile à l'étoffe de la soutane et se fait en laine. 
La couleur n'est pas déterminée, cependant la plus généralement admise est le rouge. Au cas où on adopterait le noir, que ce soit sans aucun de ces agréments de couleur qui n'appartiennent qu'aux prélats.
Une fois le choix fixé pour la couleur, il n'y a plus lieu de la modifier ou même d'admettre deux couleurs se succédant suivant les circonstances et les fête ; cette complication serait puérile et sans but. 
Peut-on prendre le bleu, le violet ? etc. Je n'y vois nul inconvénient au point de vue du droit. Toutefois, je ferai observer que le bleu est bien salissant et que le violet peut être considéré comme épiscopal, puisque tout le séminaire est déjà vêtu de cette livrée. Tout au plus le violet, par analogie, conviendrait-il aux enfants de chœur de la cathédrale (1). 
 
4. Cette soutane ne comporte pas de ceinture, ni noire, ni rouge, ni autrement, parce que, dans le clergé, le port de la ceinture est limité à certaines catégories d'ecclésiastiques et que les enfants ne rentrent dans aucune d'elles. 
 
5. L'enfant, pour toutes les cérémonies, y compris la messe basse, suivant la rubrique du missel, revêt le surplis ou la cotta. L'un et l'autre sont agrémentés de dentelles au corps et aux manches. La cotta, plus gracieuse, ajoute des dentelles aux épaulières et au jabot : cet ornement est de droit commun. 
Il importe d'avoir un bon modèle, pris à Rome même, comme aussi de plisser à la romaine. Ce n'est pas si difficile. M. le chanoine Pottier m'écrit que les enfants de chœur de la cathédrale de Montauban, grâce à son initiative, ont tous des cotta plissées par les lingères du pays, qui, après avoir tâtonné un peu, ont fini par bien faire. Le corps sera en toile plus ou moins fine. Le coton n'est pas interdit, mais le simple bon sens défend les mousselines, surtout quand elles sont fleuronnées : on dirait qu'on a transformé un rideau en cotta
 
6. Les cheveux seront coupés très-courts, avec les oreilles découvertes. C'est de tradition et non moins exigé par la plus stricte propreté. De la sorte, les enfants n'ont point cet aspect bourru et mal élevé que donne une chevelure longue et négligée. 
 
7. Ceux qui n'ont pas de tonsure seraient mal fondés à réclamer la calotte. Leur unique coiffure, quand ils ne sont pas en fondions, est la barrette à trois cornes, noire, semblable en tout à celle du clergé et dont ils se servent en se modelant sur lui. 
 
II 
 
Il ne suffit pas de montrer la règle. II importe encore essentiellement de combattre tout ce qui peut l'altérer. Je vais donc dire maintenant, d'après ce que j'ai vu, quels sont les fautes à éviter, fautes introduites par l'ignorance ou la fantaisie. Nos enfants de chœur ont trop sou.vent été considérés comme de vraies poupées qu'on habille à sa guise. Les religieuses et les mamans les ont bichonnés pour les faire jolis, leurs soins n'ont abouti qu'à les rendre maniérés et ridicules. Cette ordonnance capricieuse n'est point du domaine laïque ; et les marchands d'ornements seront toujours mal venus à proposer des modes nouvelles. L'Église a son type normal, dont on s'est beaucoup trop écarté, comme on va voir par cette trop longue liste d'abus. 
 
l. Les souliers rouges, usurpés en plus d'un endroit, sont personnels aux cardinaux, qui n'en usent que dans des cas déterminés, pour les plus grandes solennités. 
 
2. Les bas blancs supposent un costume blanc. Voilà pourquoi ils sont le privilège du Pape et des ordres religieux qui s'habillent en blanc, comme Chartreux, Dominicains, etc. 
 
3. L'aube a sa fonction rigoureusement fixée par la rubrique : elle se réfère au service immédiat de l'autel. Quelle différence y aurait-il alors entre le prêtre et son servant ? De plus, c'est un vêtement sacré. 
 
4. L'adoption de l'aube a amené celle de l'amict, autre linge béni dont la destination n'est pas susceptible de tant d'extension. 
 
5. Pour serrer l'aube à la taille, on a inventé le cordon rouge, mais surtout la ceinture de soie, bleue ou rouge, que le prêtre lui-même n'a pas le droit de prendre sur l'aube. La cotta oblige à supprimer ipso facto toutes ces anomalies. 
 
6. Parfois on garnit le tour du cou d'un col de velours rouge, apparemment pour faire plus beau. Vaine superfétation ! D'ailleurs le velours est un attribut papal. 
 
7. La calotte rouge doit être formellement bannie de nos églises, car elle constitue un insigne cardinalice. Mais ici tout semble matière à usurpation, tant il est vrai qu'on va loin quand on est sorti une fois de la légalité! 
 
8. Pas de gants, bien entendu, autre insigne de l'évêque officiant. Même en coton blancs, ils sont souverainement déplacés. Si les enfants ont les mains sales, qu'ils se les lavent et savonnent : toute sacristie bien organisée a son lavoir. 
 
9. Sur l'aube, on a mis bien des choses et de bien des couleurs. Je signalerai la mozette, pour laquelle il faudrait au moins un indult pontifical ; un chaperon, à capuchon et pointe triangulaire par derrière, souvenir d'un autre âge ; un collet rouge, même avec des glands d'or pour l'attacher en avant. Puisqu'on était si bien en train, comment se fait-il qu'on n'ait jamais donné aux enfants de chœur un rabat quelconque ? L'oubli est grave, car le rabat est la pièce capitale du costume français.
 
10. Pour les fonctions d'acolytes, nous trouvons encore des chapes ou même des dalmatiques de la couleur du jour. La lettre du cérémonial et l'esprit de l'Église sont loin d'autoriser de pareils écarts, qui diminuent d'autant le respect dû aux ornements sacrés. 
 
11. Enfin la barrette rouge, qui fait une fois de plus de petits cardinaux d'enfants dont le rôle est très-secondaire et d'ordre inférieur, devra disparaître et avec elle toute cette fausse pompe qui ne respecte aucun principe et toute cette vaniteuse exhibition qui ne vit que d'emprunts blâmables. La coutume ne parviendra jamais à régulariser ce qui est vicieux à l'origine même. Étudions davantage, pénétrons-nous mieux de la doctrine romaine et nous serons d'autant moins hardis à tenter de téméraires innovations.
 
X. Barbier de Montault, Prélat de la Maison de Sa Sainteté.
 
Note
 
(1) Si la soutane est échancrée en avant, selon le type romain, il sera bon d'adopter le collarino, espèce de faux-col noir, garni d'un collet de linge blanc, Mais cet appendice, qui est un perfectionnement du costume, n'étant pas toujours rigoureusement porté à Rome par les clercs, je n'ose en faire une obligation absolue pour nos enfants de chœur. En tout cas, que ce ne soit pas un prétexta pour exhiber la cravate.
 
Référence
 
La semaine du clergé, bibliothèque universelle du prêtre, nouvelle édition, tome X, partie II, n°47, 5e année, 12 septembre 1877, Société de librairie ecclésiastique et religieuse, Paris, 1899, p. 1489-1491.

L'image qui accompagne le texte est la reproduction de la partie gauche d'un tableau de Raffaello Frigerio (1875-1940),  Moine et enfant de choeur à la cave à vin.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire