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mercredi 28 novembre 2012

Le titre d'abbé, 1879



S'il faut en croire les chroniques, on voyait, au XVIIIe siècle, beaucoup de jeunes gens sans position prendre le costume et le titre d'Abbé, pour avoir leurs entrées dans le monde.

L'abbé Delille dans le salon de Madame Geoffrin.
Est-ce que, alors comme aujourd'hui, le port d'un vêtement ecclésiastique n'était interdit à quiconque n'avait pas été admis dans les ordres ? Pourquoi donnait-on le nom d'Abbé à des laïques, comme Jacques Delille, par exemple ?

M. FRABAL. (col. 547)


 



Aujourd'hui même le port du vêtement ecclésiastique n'est pas interdit à quiconque n'est point admis dans les ordres. Il y a des ecclésiastiques qui ne sont que simples tonsurés. 

– Mais, avant la Révolution de 1789, il y avait un grand nombre d'abbés qui n'avaient d'ecclésiastique que l'extérieur. On les rencontrait partout, voire même à la comédie, au bal. Un petit chapeau à cornes, un habit noir, brun ou violet, les cheveux coupés en rond : tel était leur costume. C'étaient le plus souvent des cadets de famille. nobles et pauvres, quelquefois aussi de riches roturiers, aspirant les uns et les autres à devenir abbés commendataires.

(Rennes.) P. c. c. : Le Roseau.

– Ce titre a toujours été donné à ceux qui, tout en se destinant à la prêtrise, n'ont reçu que les ordres mineurs. À raison de leur costume, qui n'était pas tout à fait celui des prêtres, on les appelait petits collets. De nos jours encore, j'ai vu porter souvent la soutane et le rabat à des jeunes gens qui, au sortir du séminaire, étudiaient pour entrer dans le ministère ; on les appelait abbés, ce qui n'a pas empêché quelques-uns d'entre eux de se marier, comme le poète Jacques Delille.

E.G.P. (col. 599)


Il y a encore aujourd'hui une foule de séminaristes ou de clercs, qui n'ont reçu que les ordres mineurs, comme M. Renan, et qui ne sont pas prêtres, mais qui portent la soutane et qu'on appelle abbés, par politesse. (…).

BALFRA.

– « C'est la Commende qui a introduit l'usage d'appeler un ecclésiastique « M. l'abbé » parce qu'autrefois, il y avait beaucoup d’ecclésiastiques pourvus de ce titre, et d'autres qui se l'attribuaient, sans l'avoir et auxquels on le supposait par politesse » (Abbé D. Matthieu, l'Ancien régime dans la province de Lorraine et Barrois, Hachette, Paris, 1879, p.77, note 2).

Le poète Delille était abbé commendataire de l'abbaye Saint-Séverin (Poitiers). Ce bénéfice lui rapportait annuellement 3500 livres. J'ai déjà cité, dans l'Intermédiaire, son arrivée en France avec sa femme ; il était diacre ou sous-diacre, et il dut avoir une dispense pour épouser sa très peu intéressante moitié. Il n'était donc pas laïque. Il suffisait, du reste, d'être tonsuré pour avoir un bénéfice. Le chevalier de Boufflers conserva ainsi ses abbayes de Longeville et de Belchamp, en entrant dans l'ordre de Malte. L'abbé Maury était abbé commendataire de l'abbaye de la Frenade (Saintes) ; l'abbé de Malvoisin possédait l'abbaye de Saint-Sauve (Amiens) ; un abbé de Sade avait celle d'Issoudun (Bourges), etc. Mais ces derniers étaient prêtres séculiers.

A. B. (col. 653)


– « Quand il y avait beaucoup d'enfants dans une famille noble, on en destinait un à l'Église : il commençait par obtenir les bénéfices simples, qui fournissaient aux frais de son éducation ; et dans la suite, il devenait prince, abbé commendataire ou évêque, selon qu'il avait plus ou moins de dispositions à l'apostolat.
C'était là le type légitime des abbés ; mais il y en avait de faux ; et beaucoup de jeunes gens qui avaient quelque aisance, et qui ne se souciaient pas de courir les chances de la chevalerie, se donnaient le titre d'abbé en venant à Paris.
Rien n'était plus commode avec une légère altération dans la toilette, on se donnait tout à coup l'apparence d'un bénéficiaire on se plaçait au niveau de tout le monde; on était fêté, caressé, couru ; car il n'y avait pas de maison qui n'eût son abbé.
Les abbés étaient petits, trapus, rondelets, bien mis, câlins, complaisants, curieux, gourmands, alertes, insinuants ; ceux qui restent ont tourné à la graisse ; ils se sont faits dévots.
Il n'y avait pas de sort plus heureux que celui d'un riche prieur ou d'un abbé commendataire ils avaient de la considération, de l'argent, point de supérieurs et rien à faire. (Brillat-Savarin, Physiologie du goût, variété 20, Flammarion, Paris, 1879, p. 277-278). »

G. G. (col. 755)

Référence

L'Intermédiaire des chercheurs et curieux, G. Fischbacher, Paris, 1879, 12e année.

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