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vendredi 22 juillet 2011

Observations d'un chirurgien, M. Coste, sur les pratiques sodomites, 1769.

 
Ce texte est celui du chirurgien ordinaire du roi de Prusse, correspondant de l'Académie Royale de Chirurgie de Paris. Il considère l'homosexualité en mauvaise part, mais montre que « rien n'est nouveau sous le soleil ». Le vocabulaire de ce texte est fleuri et parfois cru. Les âmes les plus sensibles et les plus pudiques seront prévenues ! (L'orthographe est modernisée.)
 

VINGT-CINQUIÈME OBSERVATION.

Un coureur fut tenté d'éprouver la différence qu'il y avait entre le plaisir que procure la jouissance d'une fille et celui que l'on goûte avec un giton. Il s'adressa pour son coup d'essai à un joli garçon, qui avait déjà servi à beaucoup d'autres. Notre novice fut bien surpris quelques jours après cette belle expédition de se voir toute l'étendue du prépuce couverte de petits chancres véroliques qui augmentèrent, avec une rapidité extraordinaire. Ayant demandé à son compagnon ce que cela signifiait, on se moqua de lui, et on lui dit de bassiner ces ulcères avec de l'eau et de l'eau de vie parties égales, ou même avec de l'urine. La verge bientôt s'enflamma, et la fièvre fut violente. Ce garçon honteux de sa sottise, rougit cent fois en avouant à son maître ce dont il était question ; et l'on me chargea de le guérir, jamais vérole ne m'a donné plus de peine.

Comme la plus part de ceux qui commencent par être agents passifs en prêtant le derrière, sont des jeunes gens sans expérience sur la perversité des mœurs et sur les funestes dangers qu'elles entraînent, j'ai cru devoir m'expliquer nettement dans ce chapitre, et montrer les inconvénients auxquels on s'expose par trop de complaisance ou par trop d'indifférence envers un objet si important.

J'assure donc que l'on prend dans l'anus d'un giron, la vérole et tous les symptômes qui la caractérisent, comme on la prend dans le vagin d'une femme galante, et dans celui d'une prostituée. Il importe peu que l'on soit l'agent actif ou l'agent passif ; l'un et l'autre peuvent s'infecter réciproquement.

Une semence vérolique éjaculée dans le boyau rectum, y cause des ulcères, et des chancres vénériens ; et celui qui après cela va se servir du même giton y peut gagner tous les maux que l'on puise chez les femmes vérolées.

La destruction de Sodome n'a pas empêché que depuis ce temps là jusqu'aujourd'hui, toutes les nations de la terre n'aient eu des sujets livrés au sale amusement dont je parle ici. L’Italie qui depuis la ruine de l'empire romain, a tant changé de face à tous égards, n'a cependant jamais pu se défaire de l'amour des gitons. L'ordonnance toute récente que le Roi de Naples vient d'exposer aux yeux de l'Europe, dans laquelle il dit que l'amour anti-physique, devenu presque universel dans ses états, doit être puni de mort, est une preuve que les habitudes qui tiennent à la nature du climat, ne se perdent que très rarement ; il n'en est pas de même quand elles ne sont que de fantaisie, elles ne tiennent pas longtemps contre la répugnance du terrain qui n'est pas propre à les favoriser : la Hollande nous en fournit un exemple frappant. Il y a 30 ans que ce petit état marécageux et malsain, manqua d'être bouleversé par l’opiniâtreté de ses habitants, qui pour la plus part s'étaient livrés à l'amour anti-physique ; magistrats, négociants, sénateurs, soldats, matelots, ecclésiastiques, artisans, tous étaient devenu Sodomites ; c'était une fureur. Les bourreaux en exécutèrent un grand nombre en place public, et cela mit un frein à ce désordre. II y a douze ans qu'un acte du parlement de Londres, fut passé pour désormais condamner aux galères quiconque serait convaincu de Sodomie. 

Que l'on n'aille pas s'aviser de croire que la Sodomie ne soit que le goût de quelques particuliers qui n'ont point assez d'odorat pour être rebutés de cette saloperie contre nature ; toutes les grandes villes de l'Europe, des provinces entières, des royaumes, de fort grandes parties de la terre, telles que l'Asie, sont encore entichées de ce vice avec fureur.

La sagacité qui semble être le partage des gens d'esprit, a bien éclairé les hommes sur les moyens de se procurer les commodités de la vie, elle les a guidés dans le raffinement du plaisir ; mais il s’agissait de leur suggérer aussi les moyens de débarrasser la volupté des craintes du repentir, surtout depuis la découverte de l'Amérique qui nous a valu les trésors et la vérole ; et c'est ce que la plus recherchée de toutes les ruses n'a pas encore pu effectuer. Depuis la fatale époque que je viens. de citer, les hommes ayant trouvé que le commerce des femmes les exposait à des maladies dangereuses et souvent funestes ils ont cru pouvoir se procure des plaisirs sans dangers, et ils ont cherché à éviter le mortel poison du Vagin des femmes vérolées, en se plongeant dans l'anus de ceux qui le prêtent ou le louent : mais avec cette confiance ils ont donné sur un écueil plus redoutable encore que celui qu'ils voulaient éviter. Ils prennent donc et se rendent réciproquement dans cet autre cloaque, une vérole très mordante qui cause à l'agent passif des ulcères et des abcès dans le rectum, et à l'agent actif, des chancres, des phimosis, des paraphimosis, suivis de pourriture, des gonorrhées, des poulains, enfin toutes les sortes de véroles possibles et très difficiles à guérir. Ceci peut-être paraîtra singulier à ceux qui ne font pas trop versés dans la pratique des maux vénériens ; ils pourront croire que l'anus n'étant pas un vagin féminin, il n'a pas toutes les mêmes propriétés pour donner la vérole ; mais ils se tromperaient très lourdement.
 
Cet intestin puant qu'on nomme le rectum, à la garde duquel on fait veiller les dieux jaloux de son innocence, et qui n'est aux yeux d'un anatomiste que le vil objet d'une dissection dégoûtante, cet égout, dis-je est sujet à s'enflammer souvent par l’âcreté d'une semence vérolique que l'on y éjacule, et qui a coutume d'y séjourner parce que le sphincter l’empêche de sortir. On doit naturellement comprendre que les véroles données ou prises dans cet endroit, sont d'une espèce beaucoup plus malignes, parce qu'on les portes longtemps sans le soupçonner, et que ceux qui en sont attaqués, le sachant, dissimulent jusqu'à ce qu'il n'y ait plus moyen d'en supporter les incommodités.. Je n'ai trouvé, dans le cours de ma pratique depuis trente ans, qu'une seule femme à qui j'ai fait l'opération d'une fistule vérolique, qui ait voulu m'avouer sincèrement que la cause de son mal était le fruit d'un goût décidé que son époux avait pour ce trou postérieur. Mille exemples semblables nous sont fournis par les filles publiques, qui ne refusent jamais cette complaisance à ceux qui la payent, c'est même aujourd'hui le goût dominant de Paris, de Londres, aussi bien que de Rome et de Florence, où il règne d'un temps immémorial. Tous ceux qui prêtent le derrière facilement, et qui croient qu'on ne risque rien pour avoir cette urbanité, reviendront de leur erreur en lisant quelques unes de mes observations.

Parmi un très grand nombre de gitons que j'ai connus, j'en ai peu trouvés qui n'eussent le bord des paupières rouge, et dégarni de poils ; ils sont ordinairement sujets aux inflammations des yeux qu'ils ont chassieux, ils ont même souvent des tâches de différentes couleurs sur la peau ; telles que sont des dartres véroliques, des pustules, des croûtes humides, des chancres dans le gosier ou dans la bouche, autour de l’anus, et dans le fondement. II faut pour guérir ces sortes de véroles, faire longtemps usage des bains domestiques, des boissons de guayac, et insister absolument sur une longue et constante administration des frictions mercurielles, suivre un régime humectant, délayant, et peu nourrissant. Il faut toutes les fois qu'on traite un giton le purger une ou deux fois par semaine, tant qu'il reste dans l'usage des frictions mercurielles, et lui donner souvent quelques doses d'extrait de quinquina, afin d'arrêter la pourriture des ulcères qu'ils ont ordinairement dans le bas ventre ; les lavements d'eau de son, auxquels on ajoute le miel blanc, sont d'un usage essentiel pour leur faire rendre des pelotons de glaires suppurées, semblables à ceux que rendent les femmes attaquées de fleurs blanches ; ces lavements d'ailleurs par leur fréquence, amollissent et font suppurer doucement les glandes engorgées du virus vérolique dans les intestins.

Suivant ce que je viens de dire, . les médecins et les chirurgiens sentiront la nécessité qu'il y a de rechercher soigneusement la cause du mal de ceux qui les consultent pour des maladies, du fondement, du bas ventre ou pour des signes de véroles extérieures : car quoiqu'un homme n'eût jamais vu ni femme ni fille, il pourrait se trouver tout couvert de vérole, et il ne s'agirait plus que de savoir s'il a tourné le dos à quelqu'un. Ces malades sont honteux d'avouer, ils dissimulent à leur détriment ; mais il faut faire l'éloge du vice dont on les soupçonne capables, pour les mettre à leur aise, et les engager à dire sincèrement la cause de leur mal. C'est un moyen sûr d'attirer leur confiance, après quoi il ne sera pas difficile de les soumettre à l’usage des remèdes que demandent leurs maux.


VINGT-SIXIÈME OBSERVATION.
 
Un homme à qui la naissance, les talents acquis, et les biens de la fortune ont donné l'entrée dans les compagnies les plus distinguées, fut attaqué, à l’âge de 20 ans, d'une galanterie qui eut des suites assez fâcheuses. Cet aimable homme que tout le monde choisi voulait avoir à table, n'avait pas le loisir de prendre les remèdes nécessaires à sa guérison. D'ailleurs les avantages d'une figure gracieuse, joints à ceux d'un esprit vif et orné, lui procuraient plus de bonnes fortunes qu'il ne pouvait en satisfaire ; il était forcé malgré lui de rendre à quantité de jolies femmes, ce que des catins du premier ordre lui avaient donné à très haut prix. Ce commerce galant, joint à toutes sortes d'autres excès, fit enfin disparaître la gonorrhée ; mais elle ne tarda pas à se représenter sous une forme nouvelle, ou effectivement personne ne la reconnut. Le virus vérolique de la chaude-pisse qui avait reflué dans le sang, et l'avait infecté, vint former un abcès dans les graisses du fondement, où il perça le boyau et y laissa une fistule complète dont un célèbre chirurgien fit l’opération sans succès, parce qu'on avait négligé de détruire la cause interne vérolique. Quelques temps après, le malade ressentit des douleurs plus vives qu'auparavant, il fallut refaire encore une fois l'opération et en venir à un traitement complet pour détruire le virus vénérien et cicatriser la fistule : c'était une grande faute que de n'avoir pas commencé par là, et de s'être mis dans la nécessité de faire deux opérations pour une.

Ce gentilhomme totalement guéri pensa bientôt à retourner dans sa patrie, bien résolu de n’avoir désormais aucune fréquentation avec le beau sexe. Il prit en conséquence une couple, de jolis garçons dont il fit ses mignons, et depuis plus de vingt cinq ans, il n'a pas changé de goût. Il ne doit plus paraître surprenant suivant ce que j'ai dit dans les pages précédentes, que malgré un commercé de cette nature, on soit cependant toujours exposé aux maladies vénériennes, et c'est vraiment le cas où se trouve encore actuellement notre voluptueux, qui se trouve infecté jusqu'aux os : il en est des mignons que l'on entretient, comme il en est des maîtresses ; une fois prostitués par vénalité beaucoup plus que par amour, on peut être assuré qu'on n'a point à soi une jouissance particulière ; et l'on est tout aussi souvent dupé par l'un que par l'autre de ces amis mercenaires. Les médecins et les chirurgiens que consulta notre débauché, pour de nouvelles maladies véroliques que lui donnèrent ses gitons, l'assurèrent que ce ne pouvait rien être qui mérita attention, et ils crurent sérieusement qu'avec des remèdes superficielles ils guériraient ce malade en fort peu de temps. La vérole a cela de particulier, qu'après s'être montrée avec tous ses attributs, elle disparaît quelque fois presque subitement, et semble avoir cédé à l'usage de quelques palliatifs. Toutes les marques extérieures dont notre malade était affecté, s'étant éclipsées, on la crut partie tout de bon en effet ; mais c'est précisément cette erreur, qui a été cause qu'il l'a gardée jusqu'aujourd'hui. Une variété de maux et d'incommodités successives l'ont obligé de faire usage de temps à autres de quelques remèdes plus ou moins bien entendus ; mais ces secours ne pouvant jamais déraciner une vérole qui subsiste depuis tant d'années, le malade est continuellement sujet à de grandes douleurs de sciatique, de rhumatismes, de fluxions, de rhumes ; et les symptômes apparents de vérole que le malade porte aujourd'hui, sont des excroissances au fondement et aux parties génitales, des pustules, des ulcères fistuleux, des yeux suppurants et dégarnis de poils. La discrétion m'empêche d'en détailler davantage actuellement, quoique le portrait de l'homme dont il s'agit ici, puisse faire heureusement pendant avec celui de Job.


VINGT-SEPTIÈME OBSERVATION. 

Un jeune Hongrois d'une beauté singulière, ayant de bonne heure pris le parti des armes, tomba entre les mains d'un Capitaine qui ne tarda guère à le corrompre ; l'argent et les promesses furent plus que suffisants pour le disposer à une complaisance d'ailleurs assez commune aux gens de sa nation. L'attachement qu'avait pour lui ce brave protecteur allait jusqu'à la jalousie la plus outrée. Cet exemple d'amour effréné fut bientôt suivi par d'autres officiers du même régiment, et notre jeune hongrois devint en peu de temps le mignon de tout l'état major, ou plutôt de toute la garnison. 

Cette prostitution lui valut une inflammation de bas ventre, qui fut suivie d'une suppuration des intestins ; et l'on fut plus de six mois à le guérir. Peu de temps après avoir repris le même train de vie, ce prostitué eut tout le tour de l'anus couvert d’excroissances, qui caractérisent une vérole complète et violente. Cet homme avait 40 ans lorsque je fus mandé pour l’examiner, et c'est de lui que j'ai appris ce que je viens d'exposer. L'ayant visité avec toute l'attention possible, je lui trouvai une fistule complète, de grands ulcères dans l’intestin rectum, des crêtes autour de l'anus ; il était d'ailleurs incliné vers une phtisie universelle ; il sentait des épreintes très fortes et fréquentes, de quatre en quatre heures, il rendait par le fondement plus d'une demie tasse de suppuration verte et d'une odeur si fétide qu'on ne pouvait plus douter que toutes les parties environnantes ne fussent dans un état de pourriture désespérée.

Ceux qui sont expérimentés dans notre art, voient d'abord combien il était impossible de guérir un tel homme ; son état de faiblesse, l'espèce de consomption où l'avait conduit la suppuration des intestins, l'affreuse et ancienne vérole dont tous les fluides et les solides de son corps étaient pénétrés, n'offraient pas la moindre espérance de succès, ni ne paraissaient pas pouvoir admettre un traitement même le plus doux et le plus prudent. En effet le pronostique que je portai sur son état fut bientôt confirmé: Le malade mourut quinze jours après que je l’eus visité.


REMARQUE

Ce que l'on vient de lire au sujet de ce malade, prouve qu'on peut donner et recevoir la vérole par l'anus ; une semence infectée que l'on éjacule dans le vagin, dans l'intestin rectum, dans la bouche, donne la vérole à celui qui est assez dépravé pour la recevoir. Il y a bien des maladies singulières par rapport à leur origine ! Ceux qui ont reçu la vérole par la bouche ou par l'anus, ne se persuadent pas aisément de l'avoir ; ils négligent conséquemment de s'en faire traiter ; moyennant quoi ils gardent leur mal jusqu'à ce qu'il soit devenu incurable.


Source.

M. Coste (junior), Traité de la vérole et de toutes les maladies vénériennes: où l'on publie le moyen de guérir tous ceux qui en sont attaqués, nouvelle édition corrigée et beaucoup augmentée, George Jacques Decker, Berlin, 1769, p. 145-162.

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