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samedi 31 décembre 2011

Ne nous fais pas entrez en tentation, selon Tertullien

 
À propos de la demande contenue dans la prière évangélique « Notre Père » : ne non inducas in tentationam, « ne nous fais pas entrer en tentation ». 

Voici ce qu'en dit Tertullien (v. 155-220), berbère carthaginois de langue latine, converti au christianisme et considéré comme un Père de l'Église. La version française est le fait de l'auteur de ce blog.


Adjecit ad plenitudinem tam expeditæ orationis, ut non de remittendis tantum, sed etiam de avertendis in totum delictis supplicaremus, NE NOS INDUCAS IN TENTATIONEM, id est ne nos patiaris induci, ab eo utique  qui tentat. Cæterum absit ut Dominus tentare videatur, quasi aut ignoret fidem cujusque, aut dejicere gestiens. Diaboli est et infirmitas et malitia. Nam et Abrahamum non tentandæ fidei gratia, sacrificare de filio jusserat, sed probandæ, ut per eum faceret exemplum præcepto suo, quo mox præcepturus erat, neque pignora Deo cariora habenda. Ipse a diabolo tentatus, præsidem et artificem tentationis demonstravit. Hunc locum posterioribus confirmat: Orate, dicens, ne tentemini (Luc., XXII, 46). Adeo tentati sunt Dominum deserendo, qui somno potius indulserant quam orationi. Eo respondet clausula interpretans quid sit: Ne nos deducas in tentationem. Hoc est enim: SED DEVEHE NOS A MALO

Il ajoute au développement complet de cette prière si facile, que nous priions non seulement au sujet des fautes qu'il faut remettre, mais également au sujet des fautes qu'il faut éloigner totalement, NE NOUS CONDUIS PAS DANS L'ÉPREUVE, c'est-à-dire ne nous permets pas d'être conduits par celui, de toute façon, qui éprouve. D'ailleurs, loin de nous l'idée que le Seigneur soit vu comme [capable] d'éprouver, comme s'il ignorait la foi de chacun, ou comme s'il brûlait de la saper. La maladie et la méchanceté sont choses du diable. En effet, Il avait commandé à Abraham d'offrir son fils en sacrifice, non pour éprouver sa foi, mais pour la démontrer, afin, par lui, de donner un exemple au précepte qu'il allait bientôt donner, qui est de n'avoir pas de garanties plus précieuses que Dieu. Lui-même a été éprouvé par le diable, Il a montré [du doigt] celui qui préside à l'épreuve et en est l'artisan. Il confirme ce point, plus loin : Priez, dit-Il, afin de ne pas être éprouvé (Luc 12, 46). Tant et si bien, qu' abandonnant le Seigneur, ils furent éprouvés, ceux qui se sont adonnés au sommeil plutôt qu'à la prière. C'est ce qu'assure la conclusion qui explique que ceci : ne nous plonge pas dans l'épreuve, veut dire en effet : OUI, MAIS EMPORTE-NOUS LOIN DU MAL.

Référence.

Quintus Septimus Florens Tertullianus, dit Tertullien, Liber de Oratione [Le livre de la prière], chapitre VIII, Migne - Patrologia Latina - Volumen 001 : Col [1163B] - [1164A].

mardi 13 décembre 2011

La chamarre épiscopale et la soutane, 1908

[La version française du texte anglais original est le fait de l'auteur de ce blog.]


La chamarre, simarre (Latin, chimera, crimera, chimæra ; Anglais, chimere ; Italien, zimarra ; Espagnol, zamarra, etc.).

Pour décrire ce vêtement, il a été fait usage de l’article savant paru dans Transactions of the St. Paul's Ecclesiological Society du Rév. N. F. Robinson, « The black chimere of Anglican Prelates : a plea for its retention and proper use » (1898), vol. IV. p. 181-220 ; mais l’auteur s’est construit un jugement indépendant à partir du matériel ici rassemblé (27).

Diez suppose que le mot est d’origine espagnole, et peut-être basque, et qu’il signifie à l’origine « pelisse de peau de mouton » ou « robe d’intérieur ». L’espagnol zammarra signifie toujours « pelisse ». En anglais [cassock], il remonte au XIVe siècle. On l’utilise pour désigner deux vêtements, 1) une soutane à manches porté sous le rochet à manche, et 2) un vêtement de dessus sans manche, généralement ouvert sur le devant mais que l’on peut fermer en retournant les revers. Fermé de cette manière, il ressemblerait exactement à une soutane croisée sans manche.

Il semble, cependant, avoir été quelquefois totalement fermé sur le devant jusqu’à quelques pouces du col du rochet, comme c’est le cas sur les effigies de Mgr Rudd de Saint David’s ( 1614), à Llangathen, et de Mgr Bennett ( en 1617), en la Cathédrale de Hereford. Ce vêtement est apparemment le même que le tabard universitaire, et par conséquent, n’est pas propre aux prélats. Il fait partie de la même catégorie de vêtements ajustés que la tunique, le colobium, la dalmatique, et la soutane, qui ne sont pas des « vêtements couvrants », comme la chape et la chasuble. C’est, en fait, un pardessus. (28) Mais, comme la chape et la chasuble, il s’agit, proprement, d’un vêtement d’extérieur, et comme elles, il est devenu, en pratique, chez nous [Angleterre], un habit liturgique d’intérieur, qui a, depuis plusieurs siècles, en ce qui concerne les évêques, presque supplanté et généralement pris la place de la chape et de la chasuble. Un changement similaire s’est produit dans l’Église d’Orient, où une dalmatique à manches longues, le sakkos, a largement supplanté, pour les évêques, le phelonion.

La couleur de la chamarre n’était, en aucune façon, toujours noire, et, s’il faut suivre l’usage universitaire, il serait bon, lorsque l’on porte l’écarlate, de porter une soutane écarlate à manches, sur elle, un rochet à manches, et par-dessus, une chamarre écarlate sans manche. Par-dessus encore (ou comme son substitut), on pourrait porter une chape écarlate avec un chaperon fourré de blanc, tel qu’elle est encore portée dans les universités et par les évêques de la Chambre des Lords, lors de l’ouverture du Parlement. Mais l’écarlate et le noir n’étaient, en aucune façon, les seules couleurs utilisées pour la chamarre et le tabard. L’archevêque Scrope fut décapité portant une sous-chamarre bleue ; le vert, le violet, le brun-obscur, etc., sont tous mentionnés comme des couleurs de la chamarre (loc. cit., p. 194-197). Cranmer est représenté avec une chamarre vert foncée sur son portrait par Gerbicus Flicius, désormais à la National Portrait Gallery, daté de 1546, peut-être en tant que docteur en théologie (ib. 216).

Pour finir, nous pourrions évoquer la soutane que nous avons incidemment décrite comme une sous-chamarre ou un sous-tabard à manches. Certains de ses synonymes sont camisia vestis, toga talaris, tunica talaris, vestis promissa, vestis subtanea ou subtana ; It. sottana ; Angl. cassock. Car le mot lui-même et ses formes italienne, espagnole et française casacca, casaca et casaque (dérivées sans doute, comme casula, de casa= maison), est plutôt d’usage civil et domestique. C’était un long manteau avec des manches plutôt serrées, une jupe descendant, au début, jusqu’aux talons, et porté par les hommes comme par les femmes ; son nom en anglais archaïque est spécialement appliqué à l’habit porté par les soldats et les cavaliers. Voyez l’article sur Mgr Rudd de St. David's, et Macalister's Eccl. Vestments, p. 138, 1896. L’utilisation du mot [anglais] cassock en tant que terme de vocabulaire ecclésiastique est plutôt tardive. On le trouve dans le canon 74 de 1604, dont, le commentant, M. Mackenzie dit que « Cassock à l’époque d’Henri VIII replaça le vieux nom de subtanea ou vestis talaris. »

Mais il ne donne aucune référence pour cette affirmation. Le terme usuel de la période médiévale tardive, en Angleterre, était apparemment toga talaris ou tunica talaris. Lorsqu’on ressentit l’incommodité d’un vêtement si long dans la vie civile, il resta, naturellement, en usage chez les ecclésiastiques qui bougent avec plus de facilité et de dignité que les autres citoyens. La soutane peut, bien sûr, avoir été portée sous l’aube longue en tant qu’élément du costume liturgique, mais dans un tel cas, elle apparaît difficilement sur une effigie. Elle est, cependant, constamment visible sur ces effigies ou monuments d’ecclésiastiques, qui les représentent soit avec la soutane même, soit dans leur habit de chœur comprenant le surplis , l’aumusse, avec ou sans la chape. Bien des exemples sont représentés ou donnés comme référence par M. H. Bloxam, Vestments, p. 66-81, Herbert Druitt, Costume on Brasses, p. 85, 103-107, et H. W. Macklin, Brasses of England, p. 115 et suiv. Cet usage peut être retracé jusque vers 1400.

On peut ajouter que la soutane croisée est la forme antique en Angleterre. La soutane droite continentale avec une long rang de petits boutons, fut, dit-on, premièrement introduite par Mgr Harris de Llandaff (1729-1738 ; Walcot, loc. cit., p. 105 n). La bande ou ceinture autour de la taille est peut-être une commodité moderne. Voyez, cependant, Druitt, Costume, etc., p. 103, pour un exemple précoce de boutons et ceinture sur une soutane (vers 1400). Le caftan oriental qui est pratiquement le même vêtement, est également porté avec une ceinture.

Notes

(27) M. Robinson est dans l’erreur lorsqu’il dit que Mgr Hooper portait une chamarre écarlate lors de son sacre. Il fut sacré dans l’habit porté par les évêques assistants, c’est-à-dire une chape et un surplis de lin, comme le Register de Cranmer au fol. 332 l’indique : voyez ci-dessous le chapitre III, 3. Sans aucun doute, comme Parker, il revêtit son rochet et sa chamarre, comme habit ou robe d’extérieur, après son sacre, et prêchait également comme cela dans les occasions citées par Strupe.

(28) Un correspondant écrit : « Il s’agit presque exactement de l’habit quotidien des évêques en Lombardie. Il existe une grande photographie de l’évêque de Novara, posant dans le port de bateaux à vapeur d’Intra, sur le Lac Majeur, qui pourrait presque être celle d’un évêque anglais, excepté le fait que les manches du rochet ne sont pas si amples et pas si resserrées au poignet, et qu’il y a trop de chaîne pour la croix pectorale. »

Référence.

Report of the Sub-Comitee of the Upper House of the Convocation of Canterbury Appointed to Draw Up A Historical Memorandum on The Ornaments of Church and his Ministers, Society for Promoting Christian Knowledge, Londres, 1908, n°416, p. 31.

vendredi 2 décembre 2011

L'habit ecclésiastique et universitaire au Moyen Âge selon R. T. GÜNTHER, 1914.

[La version française du texte anglais original est le fait de l'auteur de ce blog.]


La description des costumes des cuivres les plus anciens nous a été fournie par M. Brightman, duquel je suis débiteur pour son aide importante et pour la note suivante sur le costume universitaire de la période qui a été fréquemment mal interprétée par les experts :

« L'habit médiéval clérical et donc universitaire comporte :

(i) une sous-tunique (subtunica, tunica), la « soutane » moderne ;
(ii) une sur-tunique (tunica, supertunica, toga, gona), la « robe » moderne ;
(iii) une capuche (caputium), constituée d'une cape enveloppant les épaules presque jusqu'au coudes, et d'une partie sur la tête, avec un « bec » (liripipium, tippetum [« pointu »]) tombant à l'arrière.

À cela, les bénéficiers, les dignités et les diplômés ajoutaient (iv) un habit (habitus), qui était de plusieurs formes :

1. la cappa qui était de plusieurs coupes : 

a. la cappa clausa, la cappa magna moderne et la « robe parlementaire » des prélats, portée à l'université par les docteurs en théologie et en droit canon, et à laquelle était attachée la capuche, ou qui était plutôt elle-même une immense capuche, dont la cape touchait les pieds, avec une fente au-devant à travers laquelle on passait les bras ;

b. la chamarre (chimæra, pallium), une cappa avec deux fentes latérales pour les bras, portée par les licenciés de théologie et de droit canon et par les docteurs en médecine et droit civil ; [il s'agit de] l'actuel « habit d’assemblée » des docteurs d'Oxford et de la chamarre des évêques [anglicans], prescrit par les Décrétales de Grégoire IX et toujours portée par les évêques anglais ;

c. la cappa manicata, une chamarre à longues manches qui n'étaient déjà plus portées au XVe siècle et qu'on laissait pendre lâchement depuis les épaules, cependant qu'on passait les bras à travers les fentes latérale; [elle fut] portée par les docteurs en droit civil et survécut à Cambridge jusqu'à la fin du XVIIe siècle (voir la planche de Loggan dans Cantabrigia Illustrata).

d. la cappa nigra, une petite chamarre portée par les maîtres ès arts.
 
2. le tabard (tabardum), une tunique aux courtes manches en forme de pointe, [tenue] caractéristique des licenciés mais portée par les [diplômés] de degrés supérieurs par commodité, et, évidemment, de la couleur [propre] de leur faculté.

La capuche du genre ordinaire était portée sur tous ces habits à l'exception du premier. La capuche des diplômés était doublée et bordée de fourrure, ou, à partir du premier quart du XVe siècle, en été (c'est-à-dire de Pâques jusqu'à la Toussaint), de soie, si on le souhaitait ; la robe et l'habit pouvait être, et était communément, doublée et bordée de la même façon.


Les auteurs des ouvrages sur les cuivres monumentaux ont adopté une terminologie qui leur est propre, basée sur une certaine mécompréhension des faits. Ils ont appelée la tunique du dessus « soutane », ce qui est une erreur ; ils ont séparé la capuche de sa cape et l’on appelé « tippet », alors que le « tippet [en français : cornette] » est une chose tout à fait différente, puisqu’elle est l’ « écharpe » moderne [du clergé anglican, notamment], dérivée du liripipion, et non pas de la cape, de la capuche ; tandis que la chamarre a été dite « rochet », ce qui est absurde, et la cappa nigra, « un tabard sans manche », ce qui montre que, même si, sans doute, cela décrit l’aspect superficiel de la cappa nigra après le milieu du XVe siècle, on ignore son nom, et probablement également son origine. »


Référence.

R. T. GÜNTHER, « A Description of Brasses and other Funeral Monuments in the Chapel of Magdalen College, XIII-XIVth Century », Préface, p.V-VII, Magdalen College, juin 1914, in William Dunn MACRAY, Register of the Members of St. Mary Magdalen College, Oxford, New Series Fellows, Vol. VIII : Indexes, Humphrey Milford, Oxford University Press, Londres, 1915.

mardi 29 novembre 2011

Le col romain, selon R.A.S. Macalister, 1896.


[La version française du texte anglais original est le fait de l'auteur de ce blog.]



Ce vêtement étant entièrement moderne, il est proprement en dehors de notre domaine. 

Il s’agit d’une imitation brodée du col de chemise rabattu du costume ordinaire. 

Sur les monuments médiévaux, la gorge du prêtre est exposée, comme l’est celle des membres actuels des ordres religieux les plus anciens. Des considérations de confort et d’image ont mené à l’adoption de ce col pour le clergé ordinaire. Il doit être « fait », dit Mme Doby, « d’une pièce parfaitement droite de lin fin ou de linon, » et, « bordée sur la partie retournée et le long ses courtes extrémités par un ourlet cousu avec soin d’un demi-pouce.

Déplié, une fois terminé, il est large de trois-quart de pouce ; le rabat ne doit pas être plus profond que d’un pouce et demi... 

Le col romain porté par un évêque est violet, celui d’un cardinal est écarlate.

Référence.

R.A.S. MACALISTER, Ecclesiastical Vestments. Their Development and History, The Camden Library, Elliot Stock, Londres, 1896, p. 148-149.

samedi 26 novembre 2011

L'habit ecclésiastique selon F. E. BRIGHTMAN, 1912


[Le texte suivant présente une histoire de l'habit ecclésiastique, d'un point de vue anglais. L'évolution décrite est valable pour toute l'Europe, jusqu'au moment de la séparation, au XVIe siècle, de l'Église romaine et de l'Église anglicane. Le Continent auquel il est fait allusion dans le texte est l'Europe continentale, par opposition aux Îles Britanniques. La version français du texte anglais original est le fait de l'auteur de ce blog.]

L’habit quotidien du clergé a été le sujet d’une longue série d’actes juridiques, depuis la fin du VIe siècle, et notamment du canon 16 du IVe Concile du Latran en 1215 (qui est incorporé dans les Décrétales, III., i. 15), en Angleterre, des Constitutions d’Othon (1287) et d’Ottobon (1268), et des canons de 1460, 1463 et 1604 ; à cela s’ajoutent les statuts des Universités et des Collèges qui règlent l’habit universitaire, et toutes les règles qui gouvernent l’habit judiciaire anglais, statuts et règles qui sont des variétés du costume ecclésiastique traditionnel de l’Occident. Ces actes juridiques tendent à être plus négatifs que positifs, prohibant la gaieté, le luxe, la cherté et la conformité avec les modes séculières courantes ; elles supposent plutôt qu’elles ne décrivent explicitement ce qui devait être porté. Mais certains principes émergent ; en particulier, les vêtements doivent être longs (talaris), amples, fermés, c’est-à-dire non-ouverts sur le devant, d’une seule couleur, qui ne doit être ni le vert ni le rouge.

L’habit ecclésiastique provient du costume romain du IVe siècle, la tunica et la pænula, qui, à travers le changement des modes séculières et l’adoption d’un nouveau type de costume par les laïcs, est devenu le propre des ecclésiastiques, et s’est alors scindé et développé selon deux orientations, l’une étant celle des vêtements liturgiques [ornements], l’autre celle de l’habit ecclésiastique quotidien. Par conséquent, au IXe siècle, nous voyons le clergé porter ordinairement l’aube ou tunique et la cappa, la chasuble pleine, avec (plus tardivement, si ce n’est déjà à cette époque) des fentes latérales, au travers desquelles passaient les bras ; du IXe au XIe siècle, on exigea des prêtres qu’ils portassent toujours l’étole

Au XIVe siècle, et sans doute un ou deux siècle auparavant, l’habit ecclésiastique complet consistait en une tunique du dessous (subtunica, la soutane), une tunique du dessus (supertunica, la robe), et un capuchon (caputium), c’est-à-dire une cape et une coiffe avec un « bec » allongé (liripipium, cornette).

Les bénéficiers, les dignités et les diplômés portaient une robe et un capuchon doublé de fourrure, et plus tard, en été, de soie ; entre la robe et le capuchon, ils portaient un « habit », soit une cappa, avec deux fentes latérales (chimæra, chamarre) ; ou une simple fente centrale pour y passer les bras ; ou un tabard, une tunique avec de courtes manches en pointe ; ou, surtout s’ils étaient juristes, un manteau (armilausa), attaché sur l’épaule droite ; les dignités et les docteurs ajoutaient un bonnet, qui, étant à l’origine, semble-t-il, une calotte lâche retournée sur le bord, prit une forme différente dans certains pays, évoluant comme un fez en France et en Italie, demeurant une calotte en Angleterre ; les plus grands parmi les juristes portaient une coiffe, un bonnet de lin attaché sous le menton. Les évêques portaient un rochet de lin sur la robe et sous la cappa.

Ce cardinal porte la soutane rouge (subtunica, ou tunique de dessous), le rochet blanc, issu de l'aube , la cappa magna ou chape prélatice rouge, le chaperon de fourrure blanche dont on ne voit que la petite cape, avec le capuchon caché derrière le cou, la barrette rouge (à la main) et la calotte rouge (sur la tête).
Dans la seconde moitié du XVe siècle, des changements intervinrent. La tunique du dessus ou robe fut fendue sur le devant, et les manches furent souvent élargies ; le capuchon, au lieu d’être porté, fut soit jeté lâchement sur une épaule, soit mis à l’équerre [squared], comme on le dit encore à Cambridge, c’est-à-dire posée sur les épaules, la pointe tombant sur l’une, la cape sur l’autre ; ou bien, comme le capuchon séculier, il fut transformé en chaperon, avec une pointe flottante ; ainsi, la pointe fut détachée et devint la cornette ou écharpe ; la calotte développa quatre coins, sans aucun doute, de façon accidentelle, tout simplement parce qu’elle était faite de quatre pièces ; ce bonnet carré était porté par tous les ecclésiastiques vers le milieu du XVIe siècle. En outre, dans la première moitié du XVIe siècle, le tabard, et, sauf pour les juristes, le manteau disparut ; la cappa tomba en désuétude sauf à l’université et pour les évêques ; les évêques fendirent les deux formes de cappa par le devant ; de là viennent la chamarre ouverte et la « robe parlementaire ». Les évêques anglais retournèrent également les manches de leur robe fourrée pour en faire un revers sur les manches de leur rochet. De plus, l’ancienne variété des couleurs disparut, en général, sauf pour les diplômés de l’université et dans les circonstances officielles ; le noir les remplaça toutes. Cela était acquis en Angleterre, mais fut promu sur le Continent dans la seconde moitié du XVIe siècle. Ainsi, au milieu du XVIe siècle, l’habit ecclésiastique ordinaire est celui dépeint sur la page de titre de la Grande Bible de 1539 et sur le grand portrait de Cranmer de la National Portrait Gallery. Ce costume traditionnel est imposé par la XIIIe Ordonnance de 1559.

Pierre de la Ramée (1515-1572) porte la robe de Genève ou robe académique. Autour du cou, il porte la cornette noire. Gravure du Musée du Protestantisme.
Mais, entre temps, il avait été abandonné à Genève, et la robe laïque, avec ses « fausses » manches et la toque [bonnet] ronde avaient été adoptées ; les exilés de retour et le parti puritain affectèrent ce costume, qui fut également adopté par les facultés laïques de droit et de médecine des universités. Un des aspects du problème vestimentaire [« vestiarian »] du règne d’Élisabeth [Ière] fut l’imposition de l’habit traditionnel à l’encontre de la mode genevoise.

L'évêque anglican William Howley (1746-1848) porte la soutane (invisible ici), le rochet blanc avec manchettes noires et ruchés blancs, la chamarre noire,  la cornette noire, reliquat du chaperon, le rabat blanc et la perruque blanche
Un chapitre des Advertisements (cf.) de 1566 est consacré à ce thème ; le dernier acte juridique qui règle l’habit du clergé est le 74e Canon de 1604, qui exige que les évêques portent leur appareil habituel qui est le rochet, la chamarre, la cornette, et le bonnet [cap] ; que les dignités et bénéficiers portent la soutane, la robe, le chaperon ou la cornette et le bonnet ; de même que tous les autres clercs qui, eux, ne portent pas la cornette. Mais il y eut d’autres changement de forme. Le Canon 74 exige que les manches des robes soient soit « étroites » aux poignets, soit larges. La manche large est ordinairement en forme de cloche et attachée à l’épaule ; les manches « étroites » étaient soit des manches fermées ordinaires, un peu bouffantes aux épaules, à cet époque, soit de pleines manches « ballonantes » attachées aux épaules et de nouveau au poignet ; par conséquent les deux formes étaient bien trop longues, et c’est ainsi qu’une ouverture fut pratiquée au niveau du coude afin que le bras passât à travers l’ouverture, laissant la manche tomber à partir du coude ; c’est de là qu’est venue la manche moderne des Maîtres ès Arts [M.A.] des universités ; dans la seconde forme, la manchette fut relevée le long du bras [was pushed up the arm] et cela eut pour résultat la manche « pudding ».

Dans la seconde partie du XVIe siècle, le capuchon, quand il ne fut pas remplacé par la cornette, était encore « enfilé » et non pas jeté sur les épaules ; mais il était grandement élargi, et ainsi, tombait en bas du dos ; bien qu’il fût raccourci sur le devant, il resta ainsi tout au long du XVIIe siècle ; mais, avec l’apparition des perruques au XVIIIe siècle, il fut fendue sur le devant et on y inséra un ruban, de manière à ce qu’il pendît entièrement dans le dos. Après la Restauration [anglaise], on oublia la nature du capuchon et de la cornette, et l’on en vint à les utiliser toutes deux, sauf les docteurs en robe d’apparat et les évêques jusqu’à S. Wilberforce, qui initia la mode de porter le capuchon sur la chamarre noire. Mais le port du capuchon dans la vie quotidienne semble avoir été remplacé par celui de la cornette depuis la fin du XVIe siècle ; et vers la fin du XVIIIe siècle, la cornette elle-même semble être tombée en désuétude, sauf à l’église, pour tous, à l’exception des docteurs et des chapelains.

Linus Pauling porte le "motorboard" et la robe académique, 1922.
Entre temps, le bonnet carré accentua son caractère quatrangulaire : vers 1640 environ, il était devenu, sur le Continent, la barrette moderne ; en Angleterre, il prit une forme plus souple et élégante. Mais ici, comme ailleurs, il était porté sur une calotte ; le « mortier [mortarboard] » de la fin du XVIIe siècle semble combiner en une seule pièce le bonnet carré et la calotte. Durant le règne d’Élisabeth [Ière], le clergé portait la fraise en vogue autour du cou et des poignets. Par conséquent un ruché apparut en dessous de la manchette blanche du rochet ; la manchette rouge portée maintenant avec la chamarre rouge, est une pure folie, à moins que le prélat ne soit un Docteur en Droit Civil [D.C.L.] d’Oxford, peut-être inventée par Wilberforce. La fraise laissa la place au col carré vers 1640, et celui-ci fut graduellement réduit jusqu’à ce qu’il devienne le « rabat » vers 1730 environ.

Les évêques abandonnèrent apparemment le port du rochet et de la chamarre en tant que costume ordinaire après la Grande Rébellion, et adoptèrent l’habit ecclésiastique ordinaire dont le port se poursuivit jusqu’au XVIIIe siècle tardif, lorsque les évêques et les hauts dignités adoptèrent la soutane courte (« tablier » [apron]) sous un manteau, tandis que le clergé adoptait, généralement, l’habit professionnel, commun avec celui des docteurs et des juristes, qui est noir avec une cravate [neckcloth] blanche, à laquelle, plus tard et en certains cas, fut ajouté le col « montant » [« stand-up »]. Vers le milieu du XIXe siècle, on en vint à porter le gilet uni [plain] M.B. [Mark of the Beast], et quelque temps plus tard, le col romain.

Concernant les cheveux et la pilosité du visage (sauf la tonsure qui était tombée en désuétude, en Angleterre, à partir du XVIe siècle), le clergé a suivi les modes séculières, bien que de façon quelque peu tardive par rapport au reste de la société. Ils gardèrent leurs cheveux longs après 1650 environ, et adoptèrent la perruque dans le premier XVIIIe siècle ; en Angleterre au moins, ils la conservèrent, dans certains cas, jusqu’après le milieu du XIXe siècle. Regardant la pilosité du visage, ils étaient, au Moyen Âge, généralement imberbes, mais parfois ils portaient la barbe et la moustache ; cela devint général vers 1530, et dura jusque vers 1620, lorsque la moustache et l’ « impériale » l’emportèrent et durèrent jusque vers 1700 ; de nouveau, ils redevinrent imberbes et ce, jusqu’au milieu du XIXe siècle, après quoi, en Angleterre, ils continuèrent à suivre la mode séculière, qui n’exige plus désormais d’uniformité ; ils font donc selon leur complaisance.

Référence.

F. E. BRIGHTMAN, « Dress of the Clergy [L’habit ecclésiastique] », dans S.L. OLLARD (dir.), Gordon CROSS, (dir.), A Dictionary of English Church History, A. R. Mowbray & Co., Londres, Oxford, Milwaukee, 1912, p. 181-183.

vendredi 18 novembre 2011

Traumatisme et « mauvaise rencontre »


A) Lacan qualifie le trauma de « mauvaise rencontre » entre le sujet et le réel traumatique.

Le trauma se situe à trois niveaux : 

- le réel : le choc traumatique ;
- l’imaginaire : le destin du trauma dans l’imaginaire ;
- le symbolique : qui noue les deux autres dimensions, à travers le langage et échoue à le faire.

(…) Le premier trauma qui se situe dans les premiers temps de la vie, est représenté par l’expérience d’effroi, quand l’objet vient à manquer, « l’excitation la plus douloureuse que puisse connaître cet appareil primitif » (Dorey, 1983).

(…) Cette expérience ne sera l’objet d’aucun investissement, en raison du déplaisir qu’elle comporte : le représentant psychique correspondant n’accédera jamais à la conscience, elle en laissera qu’une trace psychique douloureuse, une réalité irreprésentable.

Avec l’affect d’effroi, c’est l’expérience de solitude absolue, de rupture de tous les liens communautaires et culturels qui caractérise le traumatisme psychique. (Barrois, 1988).

Le trauma constitue une confrontation avec la mort que certains sujets ne pourront intégrer.

Les troubles qui en découleront peuvent être interprétés comme « une conséquence directe de l’angoisse pour la vie ou angoisse de mort... » (Freud, 1926)

« Il s’agit d’une menace qui concerne non seulement la vie du sujet en tant qu’être vivant, mais également sa vie psychique avec un risque d’effondrement, d’anéantissement. » (Chabee-Simper, 1999)

« Le trauma psychique et par suite son souvenir, agissent à la manière d’un corps étranger qui, longtemps encore après son irruption, continue de jouer un rôle actif » (Freud et Breuer, 1892). Même dénié ou refoulé, il continue à être agissant et peut resurgir ultérieurement, à l’identique, comme si c’était hier ».


Référence.

Éliane Ferragut, Émotion et traumatisme: le corps et la parole, Masson, Paris, 2005, p. 78-79.


B) Le traumatisme de par sa soudaineté et l’importance de l’excitation qui y est liée, de même que du fait de l’impossibilité à y répondre, à s’en protéger, provoque une véritable effraction. Le sujet se retrouve nez à nez avec l’impensable. C’est en ce sens que Jacques Lacan élabore cette question. Le traumatisme serait plus particulièrement une rencontre non manquée avec le réel, qui se dérobe devant le sujet. Ce dernier à défaut de fantasme ne peut se protéger. (…) De là, on peut penser qu’une partie de ce qui est vécu échappe au processus de symbolisation et donc au langage. Se déroule alors un court circuit du signifiant, du fait de la rencontre avec le vide

(…) Sigmund Freud notait dans Introduction à la psychanalyse (2001) « les malades nous laissent l’impression d’être pour ainsi dire fixés à un fragment de leur passé et ne pouvoir s’en dégager, d’être par conséquent étranger au présent et au futur ». N’est-ce pas ainsi, ce que l’on retrouve par rapport à ce voile posé sur son passé, à ce retour perpétuel du même, (...) figeant à ce moment traumatique, mais aussi ce que l’on observe dans (…) [l’] impossibilité à se projeter dans l’avenir ? (…) [La] vie semble non plus se dérouler sur un mode linéaire, mais circulaire dans ce retour intrusif du passé.


Référence.

C. Vrignaud, « La mauvaise rencontre ou le face à face avec l’impensable: clinique de la violence intentionnelle », Journal International De Victimologie, tome 6, n°2, janvier 2008, p. 146.


C) (…) le traumatisme n'est pathogène que dans l'après-coup. Il faut donc un second traumatisme pour révéler le premier, souvent resté invisible jusque-là. Il ne faut pas oublier non plus que la longueur du développement du psychisme humain rend possible un grand nombre de micro-traumatismes, de traumatismes cumulatifs, dont la somme est plus pathogène qu'un seul traumatisme évident.

(…) l'effraction des filtres psychiques que Freud appelait le pare-excitations, le débordement économique au moment du trauma, créent une lacune dans le psychisme. Cela se traduit par des phénomènes d'hallucination négative, de clivage défensif ou de déni, lesquels masquent souvent le véritable contenu du trauma, dont seule la compulsion de répétition peut faire entrevoir l'origine. Comme si les seules traces du trauma étaient le trou qu'il a laissé dans la psyché.

Mais comme si cela ne suffisait pas, il faut ajouter que le trauma peut aussi venir de l'intérieur, lorsque le sujet attend une expérience que son entourage ne peut lui fournir. Ce peut être une carence criante de l'environnement ; mais ce peut être aussi une défaillance relative à la constitution particulière du sujet, qui exige des rencontres qui ne sont pas possibles dans son contexte familial, par ailleurs pas forcément si pathologique. Ce sont ces traumas-là qui ont été évoqués dans mon titre sous le terme de traumatismes « par manque de réalité ».

L'événement traumatique en lui-même, du fait de ses conditions d'inscription dans la mémoire, est mal représenté. Les traces mnésiques font l'objet d'un effacement, et lorsqu'elles font retour, elles se situent dans un no-man's-land, une réalité dont on ne sait si elle est intérieure, de l'ordre de la réalité psychique, ou extérieure, de l'ordre de la réalité historique (réalité qu'on a coutume d'appeler réalité extérieure, mais il n'est pas toujours aisé de déceler ce qui appartient au matériel, à la vision de l'événement par l'entourage, ou aux normes éducatives en cours).

(…) Un indice de la réalité des faits peut être fourni par la force de la répétition (tous les jours), mais la seule réalité vraiment certaine, c'est celle de la mauvaise rencontre psychique. Et encore, le vrai traumatisme est toujours comme la forêt cachée par l'arbre invoqué par le patient : (…).

L'absence de préparation, de représentation concernant la situation traumatique, confronte le sujet à une perte de son emprise narcissique sur le monde extérieur, sur le monde des objets. La compulsion de répétition est une façon de tenter, comme dans le jeu répétitif de l'enfant à la bobine (dans l'Au-delà du principe de plaisir, en 1920), de rétablir cette emprise par la mise en scène du trauma, d'où les rêves répétitifs des névroses traumatiques.

(…) Dans la mélancolie aussi, l'objet perdu (dont la perte constitue un trauma) est irreprésentable. Le sujet ne sait pas ce qu'il perd en l'objet, et le deuil ne peut pas être fait parce qu'il est mal représenté, dit Freud dans Deuil et mélancolie. Par cette lacune, se produit une hémorragie de la libido. L'ombre de l'objet qui retombe sur le moi, libérant la pulsion de mort, est une trace mal élaborée d'un objet narcissique mal distingué du Moi, dont le deuil est par conséquent impossible. Surtout, comme dans le trauma, cette perte et sa cause sont souvent invisibles au sujet lui-même, ou bien il invoque des causes visibles qui masquent les plus profondes, laissant place à la psychologie simpliste du stress et de la causalité strictement génétique.

(…) derrière la perte d'un objet actuel, souvent assez inconsistant car choisi pour sa valeur de soutien narcissique plutôt que pour lui-même, se cache l'ombre d'un objet primitif qui a entravé sa représentation, et dont le procès retombe sur le Moi dans la mélancolie. Cet objet primitif est un de ceux qui sont significatifs de l'histoire du sujet, de ceux qui sont nécessaires pour que le sujet, enfant, puisse parvenir à une représentation de son roman familial, de son identité, et de ces liens fondamentaux que forment la mère et l'enfant, le désir et le couple parental, ou l'identification au tiers paternel. Mais ce traumatisme primaire est difficile à retrouver, car il est pris dans l'hallucination négative, le déni et le blanc de l'irreprésentable.

(…) Avec cette idée d'une partie de la réalité psychique du sujet qui lui manque, et ne peut être expérimentée par lui dans les années où elle lui serait nécessaire pour son développement psychique, nous en arrivons à la notion énigmatique que j'avais annoncée dans mon titre : les traumatismes par manque de réalité. (...)

Il s'agit d'une réalité psychique qui n'a pu se construire, à cause d'un manque dans la réalité extérieure, dans l'environnement du sujet. De ce fait, le sujet ne peut affronter certaines situations, ni développer des capacités qu'il a potentiellement en lui. La théorie du développement de l'enfant de Winnicott nous permet de le comprendre : l'objet doit être présent dans la réalité, et présenté à l'enfant au moment où celui-ci en a besoin. Mais, bien que ce soit un objet réel, il n'est dans un premier temps pour l'enfant que l'illusion de l'avoir créé lui-même : l'équivalent de sa propre réalité psychique, et son support.

Cet objet, dans l'aire de l'illusion, est donc à la fois de l'ordre de la réalité matérielle et de la réalité psychique : il fait partie de l'aire intermédiaire, où le jeu permet d'accéder à l'emprise sur la représentation, et par là sur l'objet pulsionnel. Un objet-jeu, un objet-fantasme. On comprend qu'en l'absence de certaines expériences objectales, l'enfant ne puisse parvenir à la représentation de fantasmes fondamentaux, ce qui, pour les fantasmes originaires structurants, constitue un traumatisme grave bien qu'en négatif, totalement invisible.

(…) Dans La crainte de l'effondrement, Winnicott a des formules saisissantes pour parler du traumatisme qui n'a pas pu être intégré, car il s'est produit à une époque ou dans un état où le sujet n'existait pas, où l'expérience ne pouvait pas être recueillie dans un présent identifiable comme tel. Il parle aussi du traumatisme négatif par carence d'une expérience qui aurait dû se réaliser. L'effondrement, la crainte de la mort, le vide, nous dit-il « remontent au temps qui précédait l'avènement de la maturité nécessaire pour en faire l'épreuve. Pour le comprendre, ce n'est pas au traumatisme qu'il faut penser, mais au fait que là où quelque chose aurait pu être bénéfique, rien ne s'est produit. Il est plus facile pour un patient de se souvenir d'un traumatisme que de se souvenir que rien ne s'est produit à la place de quelque chose. »


Référence.

François Duparc, « Des traumatismes invisibles ou Par manque de réalité », Introduction à la psychanalyse de l’adulte, Programme 2001-2002. « Réalité, trauma, fantasme » (programme établi par François Sacco), Société psychanalytique de Paris.

L'aube liturgique selon J. Walsh, 1909


 [La version française du texte anglais original est le fait de l'auteur de ce blog.]


Qu’est ce que l’aube ?

C’est un vêtement de lin blanc, aux manches étroitement ajustées, touchant presque le sol et maintenu à la taille par une ceinture.

Sous quels noms est-elle connue ?

Dans le passé, elle été connue sous des noms divers : tunica linea (tunique de lin) à cause de sa matière, tunica talaris et talaris (tunique talaire) de tali (talons) car elle va jusqu’aux pieds ; camisia (chemise) à cause de la nature de ce vêtement similaire à celle de la chemise ; alba (blanc), à cause de sa couleur ; alba romana (aube romaine) afin de la distinguer des tuniques plus courte en faveur en dehors de Rome

Quel est le nom unique qui survit aujourd’hui ?

Le nom « aube » ou alba (blanc) est presque le seul à survivre aujourd’hui

Existe-t-il une différence entre l’aube liturgique et les albæ vestes (vêtements blancs) des écrivains médiévaux ?

L’aube est ordinairement un vêtement ecclésiastique, bien que des laïcs en soient quelquefois revêtus dans les processions de la Fête-Dieu, notamment dans l’ancienne ville d’Aigues-Mortes, où des témoins en rapportent l’usage. Les albæ vestes sont, cependant, les vêtements blancs pris par les nouveaux-baptisés du Samedi Saint et sont portés jusqu’au dimanche de Quasimodo [Octave de Pâques], qui est connu, par conséquent, comme le dimanche in albis (deponendis), le dimanche (de l’abandon) des vêtements blancs. Il est possible que notre White Sunday [Dimanche Blanc anglo-saxon], le dimanche après les baptêmes de la Pentecôte, tienne son nom d’une pratique similaire. Ces vêtements étaient également appelés « chrismals ».

Quelle est l’origine de l’aube ?

Il est impossible de parler catégoriquement de l’origine de ce vêtement. Les liturgistes médiévaux qui soutenaient l’origine mosaïque des vêtements [liturgiques] imaginèrent trouver son équivalent dans le khetonet, une tunique de lin blanc évoquée dans le livre de l’Exode, chap. 28, v. 39. Mais une tunique de lin blanc faisait également partie du costume ordinaire des Romains et des Grecs sous l’Empire, et les auteurs les plus récents, comme Duchesne et Braun, pensent qu’il est inutile d’aller plus loin pour trouver l’origine de l’aube.

Où la trouve-t-on mentionnée pour la première fois comme un article du costume ordinaire ?

Dans un passage de Trebellius Pollio, qui évoque une alba subserica (une aube moitié en soie) mentionnée dans une lettre envoyée par Valérien à Zosime, procurateur de Syrie (260-270).

Quels étaient sa forme et son usage dans la vie quotidienne des citoyens romains ?

Parmi les vêtements portés quotidiennement par le citoyen romain, celui du dessous est la tunica talaris (tunique talaire) ou tunique longue. Elle était blanche et habituellement de laine. Elle était appelée talaris, ou longue, car étant une aube de cérémonie, on la distinguait de la tunique courte, utilisée lorsqu’un effort actif demandait plus de liberté. Les tuniques des sénateurs et des chevaliers étaient distinguées par deux bandes de pourpre, larges dans le premier cas (lati clavi), étroites dans le second (angusti clavi) qui traversaient chaque épaule, et descendaient devant et derrière aussi loin que le bas du vêtement.

La tunique était, à l’origine, un vêtement sans manche. Une époque plus luxueuse introduisit une nouvelle forme de tunique garnie de manches. L’ancienne tunique ou tunique sans manche fut appelée colobium, forme latinisée de l’adjectif grec signifiant « écourté » ou « réduit ». La tunique à manches fut nommée tunica mancata (tunique à manches longues) ou tunica dalmatica (tunique dalmacienne) du nom de la province de Dalmatie, à qui cette invention est attribuée.

Bien que l’usage de ce dernier vêtement, au début, ait été discrédité, car efféminé, il évinça, finalement, de la faveur populaire, son rival plus austère, car nous voyons, qu’en l’an 258, Saint Cyprien de Carthage portait une tunica dalmatica, avec au-dessus un byrrhus, ou manteau, lorsqu’il fut conduit au martyre. En une si grave crise, il est peu crédible que Cyprien ait porté un vêtement purement luxueux, comme il est peu crédible qu’il ait revêtu des vêtements ecclésiastiques.

Quelle comparaison peut-on faire entre l’aube liturgique et cette tunica dalmatica ?

Elle possède également des manches étroites descendant jusqu’au poignet. Les deux sont portées de la même façon, et descendent jusqu’au pied. Les fresques antiques représentent des ecclésiastiques qui portent des aubes ayant des ornements disposés comme les clavi (bandes) de la tunica talaris. Ces clavi, par leur largeur relative, distinguent les représentations du Christ de celles des Apôtres, et aident à différencier les figures d’ecclésiastiques de rangs différents.

Quand et par qui fut-elle retenue, pour la première fois, comme un vêtement pour la messe ?

Le pape Saint Sylvestre (253-257) ordonna, « que les diacres utilisent la dalmatica dans l’église, et que leurs mains gauches soient couvertes d’une étoffe [cloth] de laine et de lin mêlés » (Migne, Patrol., vol. 127, 1514). La couverture de la main gauche se réfère au manipule. Le pseudo-Alcuin nous dit que « l’usage des dalmaticæ (aubes à manches longues) fut institué par le pape Sylvestre, car, auparavant, on portait des colobiaMigne, vol. 101, 1243). Saint Isidore de Séville (560-636) s’y réfère également. (Migne, 82, 635). Les quatre premiers canons du concile de Carthage (400) ordonnent que le diacre porte une aube seulement « tempore oblationis tantum vel lectionis » (durant la messe ou la lecture liturgique). (Labbé, Sacrosancta Concilii (1671), vol. 2, col. 1203). Le premier concile de Narbonne (589) décrète que « ni le diacre, ni le sous-diacre, ni encore le lecteur ne se permettront de retirer leur aube jusqu’à ce que la messe soit terminée. » (Labbé, vol. 5, col. 1030)

Comment ce vêtement a-t-il varié dans son usage et dans sa forme ?

Jusqu’au milieu du XIIe siècle, tous les clercs portaient l’aube dans l’exercice de leurs fonctions sacrées, en assistant à la messe ou à un synode, et en portant la communion aux malades. Dans les monastères, non seulement les moines exerçant une fonction portaient l’aube, mais également ceux qui étaient assis dans les stalles. Depuis le XIIe siècle, le surplis a graduellement été substitué à l’aube, sauf pour le sous-diacre, le diacre, le prêtre et l’évêque en train de remplir leurs fonctions. À présent, elle est peu portée en dehors de la messe.

Dans la forme, le vêtement n’a pas changé, sauf dans l’élargissement ou le raccourcissement de ses dimensions latérales. Avant le IXe siècle, sa taille était généreuse, car par dessous, étaient portés la soutane et les vêtements intérieurs ; la soutane de cette époque était habituellement doublée de fourrure, ce qui faisait d’elle un vêtement lourd. On trouva, par expérience, que cette robe flottante, entravait sérieusement le prêtre dans certaines de ses fonctions, par exemple, l’administration du baptême par immersion. Une aube étroitement ajustée fut adoptée pour être utilisée en ces occasions, et cette aube de baptême devint l’origine de l’aube médiévale plus réduite dont l’usage général se répandit dans tous les offices de l’Église.

L’aube admet-elle maintenant des ornements ?

Elle admet de la dentelle pour ornement, et également une garniture de couleur derrière la manchette des manches (décret du 12 juillet 1892), bien que la Congrégation des Rites ait interdit cela par un précédent décret.

Quelle était l’ornementation des aubes dans les temps anciens ?

De riches et épaisses broderies décoraient le bord inférieur, les poignets et le cou. Au XIIIe siècle, la mode des « parements » fut en vogue. Il s’agissait de pièces rectangulaires de riche brocart, ou de broderie cousus sur le bord inférieur, les poignets, la poitrine ou le dos, ou les deux ensemble. Plus tard, sauf à Milan, dans le rite ambrosien, ces aubes disparurent avant l’introduction de la dentelle comme ornement.

Quelles sont la matière et la couleur de l’aube ?

Le corps et les manches doivent être de lin ; par conséquent le coton et la laine sont interdits. Selon un décret de la Sacrée Congrégation des Rites (15 mai 1819), les aubes et les amicts en coton, alors en vogue, ont été permis jusqu’à ce qu’ils soient hors d’usage. Leurs successeurs, doivent, cependant, être en lin. Le même privilège a été refusé pour les corporaux, les pales et les purificatoires. Pour l’Espagne, il a été décrété qu’une fibre végétale particulière, non pas du chanvre, mais une variété apparentée, était matière impropre. (Décret du 13 août 1895). Dans le vicariat de Chine, une fibre végétale nommée « hia-pou », de la même famille que le chanvre, a été permise à cause d’un long usage persistant, de la pauvreté et de la difficulté à se procurer du lin. (Décret du 27 juin 1898). La couleur doit être blanche. Des inventaires médiévaux montrent des aubes bleues, rouges et noires, et des aubes de soie, de velours et de drap d’or. Dans des cas isolés, l’usage de la soie et d’aubes colorées persiste encore en Orient et en Occident.

Quelle est la signification de l’aube ?

Selon le pape Innocent III (1198-1216), l’aube, à cause de la pureté de sa couleur, indique la nouveauté de la vie. Cela était illustré par la pratique de vêtir les nouveaux-baptisés de vêtements blancs avec ces mots : « Recevez ce vêtement blanc et sans tâche, que vous porterez devant le tribunal de Notre Seigneur Jésus-Christ, de telle sorte que vous puissiez posséder la vie éternelle. Amen. »

Les prêtres de l’Église latine revêtent l’aube en disant cette prière : « Purifie-moi, Seigneur, et purifie mon cœur afin que, lavé dans le sang de l'Agneau, je jouisse de la joie éternelle. »

Référence.

John Walsh, The Mass and Vestments of the Catholic Church, Liturgical, Doctrinal, Historical and Archæological, Troy, N. Y., Troy Times Art Press, 1909, p. 439-446.

mardi 15 novembre 2011

Surplis, rochet et cotta, selon R.A.S. Macalister, 1896.

[La version française du texte anglais original est le fait de l'auteur de ce blog.]


II. Le surplis — À cause de sa doublure en fourrure, la soutane était appelée en latin médiéval la pellicea ; le nom superpellicea fut, par conséquent, donné au vêtement qui était porté directement par dessus — nom qui est devenu, par des modifications phonétiques naturelles, « surplis ».

On rappellera que l’alba de la deuxième époque ou époque transitionnelle était un vêtement beaucoup plus ample que celui qui lui succéda dans les temps médiévaux. La chasuble, la tunique ou la dalmatique (parfois les trois) devaient être portées sur elle — ce qui aurait été impossible si elle avait conservée sa taille originelle.

Elle fut, par conséquent, réduite en taille dans le but de l’adapter aux nouvelles exigences ; mais cela faisant, les couturiers en vinrent à l’autre extrême, et taillèrent un vêtement qui menaçait de devenir intraitable chaque fois que l’on essayait de le mettre sur la soutane lorsque cette dernière partie de l’habit était épaisse et doublée de fourrure. De ces difficultés naquit l’invention d’un nouvel ornement, qui conserva l’amplitude de l’alba ancienne et qui était porté seulement lorsqu’aucun vêtement d’importance (sauf la chape qui était ajustable) n’était mis par dessus. Ce fut le surplis. L’aube fut conservée pour le service eucharistique, étant donné que les vêtements qui la recouvraient s’ajusteraient sur elle plus commodément.

Le surplis était un vêtement à manches de lin blanc, simple, sauf au niveau du coup, où l’on trouvait occasionnellement une petite broderie en fils de couleur. Les manches étaient très amples, et pendaient d’une longueur considérable, lorsque les mains étaient jointes, comme elles le sont généralement sur les monuments. On revêtait le surplis en le passant par la tête, exactement comme l’aube ; le surplis moderne, ouvert sur le devant, et attaché au niveau du cou avec un bouton, fut inventé dans les derniers deux cents ans, et fut conçu pour rendre possible le retrait du vêtement sans déranger les énormes perruques qui étaient portées aux XVIIe et XVIIIe siècles.

III. Le rochet est encore une modification plus évoluée de l’aube. Les manches sont réduites au minimum ou totalement absentes. Il semble qu’il ait été porté, mais pas toujours, par les chantres et il est également prouvé qu’il s’agissait de la forme de surplis favorite des évêques. (…).

IV. La cotta. — Il s’agit d’un surplis, considérablement modifié, qui a l’avantage d’être bon marché, et est porté, par conséquent, comme un substitut du surplis long dans les paroisses pauvres. C’est un vêtement sans manche, travaillé au crochet ou de lin crêpé, qui va jusqu’au milieu du dos. Il n’a pas un aspect très réussi.

Référence.

R.A.S. Macalister, Ecclesiastical Vestments. Their Development and History, The Camden Library, Elliot Stock, Londres, 1896, p. 140-142.