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mercredi 5 décembre 2012

Des titres et qualités personnelles sous l'Ancien Régime, selon G. A. de la Roque, 1678


Ceux qui ont parlé des épithètes, demeurent d'accord que les rois s'appelaient anciennement Monseigneur ou Monsieur. Cela se justifie par un titre du roi Philippe III, dit le Hardi, de l'an 1271 qui est à la Chambre des Comptes, et par deux autres des années 1329 et 1330, du roi Philippe VI, dit de Valois, dans l'un desquels il traite le roi Charles IV, dit le Bel, son prédécesseur, de Monseigneur le roi, et dans l'autre de Monsieur.

Le mot de Sire dont on se sert pour parler ou pour écrire aux rois, est ancien : il en est fait mention dans le Roman de la Rose de Jean Chapinel, lequel parlant des amours de Thibaut, roi de Navarre, comte de Champagne et de Brie, l'appelle Grand Sire.
Ce terme de sire est pris pour « seigneur », comme il se voit par ce proverbe qui est commun en Picardie pour la maison des barons de Coucy, comtes de Soissons.

Je ne suis Roy ny Prince aussi,
Je suis le Sire de Coucy.

Les grands seigneurs de fief s'intitulaient Sires, comme les barons de Montmorency, de Pons, de Ferrières, et tous les autres Grands du Royaume.
Le mot de sire, en fait de seigneurie, surpassait celui de seigneur, et de sieur, le mettant immédiatement après le nom et le surnom, devant la seigneurie.
Quelques-uns dérivent le mot de sire de herus [maître, maître de maison, époux, propriétaire, souverain], en latin, ou de Herr [monsieur, seigneur, maître] en allemand.
Christophe Butkens, prieur de Saint Sauveur d'Anvers, en ses Trophées de Brabant, parle de Geofroy de Brabant Sire de Vierson en Berry, de Henry de Louvain Sire de Herstal, de Vautier de Berthout Sire de Malines, de Girard Sire de Marbais, d'Arnoul Sire de Diest.

Loiseau croit que Messire se dit pour mon sire. Robert Estienne l'explique demi-sire, comme s'il se disait pour Missire.
Le titre de Messire convient aux chevaliers, suivant l'édit de Philippe II, roi d'Espagne, de l'an 1595 pour les provinces des Pays-Bas.
Vassal qu'on oppose à seigneur et à sire, vient de vassus [lat. médiéval : jeune homme, adolescent, esclave, serviteur]. Vassi étaient des hommes de grande valeur, et vasselage signifie vaillance ; de forte que vassal est pris pour un vaillant homme.

Les rois n'ont pas seulement le nom de Sire, dont les Anglais et les Italiens ont fait leur Sir ; mais ils ont encore le titre de Majesté, qui est fort ancien dans les écrits. Le roi Philippe le Bel se qualifie Notre Majesté Royale, parlant des forfaitures dans une commission datée de Compiègne, le vendredi après la [fête de S.] Madeleine l'an 1314 donnée au bailli de Caen pour la garde des passages de Flandres.
Néanmoins, cette qualité de Majesté n'a été particulièrement en usage en parlant aux rois, qu'au retour du traité de paix que la France fit avec l'Espagne l'an 1559 dans l'abbaye d'Orcam, sous le règne de Henri II. Voici ce qu'en dit Guy du Faur de Pibrac :

On ne parle à la Cour qui de Sa Majesté,
Elle va, elle vient, elle est, elle a esté

Les rois ont pris anciennement le titre d'Excellence. Thibaut, roi de Navarre, comte de Champagne, le prenait l'an 1239.

Le mot de King est la qualité que les Anglais donnent à leur roi. Il vient du terme saxon Koning, qui signifie pouvoir et connaissance.

Rotrou de Warvich, archevêque de Rouen, donne le titre d'Excellence à Henry dit le Jeune, couronné roi d'Angleterre, soulevé contre Henry II, dit le Vieil, son père, roi du même Royaume, lui écrivant en ces termes : « Excellentiæ tuæ, quæsumus, non sit oneri si te deprecamur ut dominum, hortamur ut regem, docemus ut filium ; nec enim alligatum est in ore nostro verbum Dei[Que cela, nous le demandons, ne soit pas un fardeau pour ton Excellence, si, en tant que seigneur, nous te demandons avec insistance, en tant que roi, nous t' encourageons, en tant que fils, nous t' enseignons ; et qu'en effet, la parole de Dieu n'est pas liée à notre bouche.] »

Les Anglais ont aussi donné à Henry IV, leur roi, et autres ses prédécesseurs, le titre de Votre Grâce ; à Henry VI la qualité d'Excellente Grâce, puis celle de Sir ; et enfin celle de Majesté, et de Majesté Sacrée. Les Allemands s'adressant aux empereurs, disent Sacrée Majesté ; et les Espagnols de même, Sacra Catholica et Real Majestad [Majesté Sacrée, Catholique et Royale].

J'ai vu une charte donnée à Crémone, l'an 1226, en juillet, 14e indiction, dans laquelle Fréderic II, empereur des Romains, roi de Jérusalem et de Sicile, est qualifié d'Excellence Impériale.

Le nom d'Altesse a été pris par quelques rois, et depuis par les ducs souverains ; et enfin par tous ceux qui viennent de maison souveraine. Quelques-uns même qui n'en viennent que de bien loin par les femmes, l'ont reçu de ceux qui leur voulaient applaudir.

La qualité de Prince ne se prenait que par des souverains ; et par les plus proches du sang des rois.

Les princes qui ont pris autrefois le titre d'Excellence, l'ont quitté, et depuis qu'on l'a donné à ceux qui ont de grands emplois, et que les Italiens l'ont profané en l'attribuant indifféremment à toute forte de conditions.

Le pape Benoît XII par la bulle de l'an 1340, indiction 8, en avril, qualifie Seigneur de Grande Noblesse Manfroy, marquis de Malespina ; et il parle de Magnifiques et Excellents Seigneurs Albert et Mastin de Lescalle, frères.

L'épithète de Sérénissime est ancienne, et en usage dans plusieurs États. Les empereurs, et les rois d'Angleterre l'ont prise des premiers. On voit une charte de Henri IV, empereur des Romains, roi de Bohême, de l'an 1350, dans laquelle il est qualifié Sérenissime Prince ; et Rodolphe, duc de Saxe y est traité d'Illustre et Archi-Maréchal du S. Empire.

Le titre de Monsieur ou de Monseigneur, que l'on mettait tantôt devant le nom et le surnom, tantôt aussi entre les deux, était plus honorable mis devant, que non pas au milieu. Car au milieu, ce titre se donnait quelquefois à des princes, qui n'étaient pas encore apanagés, et auxquels, par conséquent, on n'attribuait point aucune seigneurie.
Les seuls bannerets, bacheliers et chevaliers, prenaient le nom de Monsieur et de Monseigneur, et non les écuyers qui n'étaient nommés que par leurs noms, sans autre qualité ; de quoi étaient exceptés les écuyers de très grande et très ancienne maison, qui avaient ce privilège avant qu'ils fussent faits chevaliers.

Comme les rois ont pris les qualités de Très Hauts, de Très Puissants, et de Très Excellents Princes, leurs sujets ont pris les;titres de Nobles et Puissants Seigneurs, de Hauts et puissants Seigneurs, quelques-uns y ajoutant le superlatif. Quelques inférieurs s'attribuent simplement le titre de Noble Seigneur. D'autres se contentent du titre de Messire, qui est commun à tous les chevaliers.

En Angleterre, les seigneurs s'appellent Lord ou Milord, qualité qui équipolle à Dominus, ou « Seigneur ».

Quant aux anciens officiers qui rendaient la justice, et qui assemblaient les nobles, Turnèbe au livre vingt-huitième de ses Observations, dérive le terme de sénéchal de senex et de caballus : « Senescalli, quasi senes caballi. »

Bailli veut dire « gardien » ou « légitime administrateur, car les baillis étaient baillés ou envoyés comme conservateurs ou gardiens du peuple, quasi missi Dominici [pour ainsi dire, les envoyés du Seigneur]. D'autres veulent que ballivus soit dit de bajulus [porteur, messager, celui qu porte les morts] qui est pris pour « un nourricier ».

II y a d'autres officiers qui ont un degré de juridiction inférieure, appelés vicomtes, parce qu'ils sont comitum vicem gerentes [se comportant à la manière des comtes] ; prévôts, quasi, præpositi juri dicundo [en quelque sorte, préposés devant dire le droit]; viguiers, quasi, vicarii [en quelque sorte, remplaçants] ; châtelains, quasi, castrorum custides [en quelque sorte, gardiens des châteaux]. Ces officiers sont appelés aux affaires de la justice, et du domaine dont ils étaient receveurs avec les baillis. On les appelle vicomtes en Normandie ; prévôts en France, Picardie, Anjou, Champagne et Bourgogne ; viguiers en Languedoc, Provence et Dauphiné ; et châtelains en Poitou.

Ces officiers avaient sous eux des sergents, dont le nom vient de serviens [servant].

Le nom de maire vient de major [plus grand], qui a été retenu par ceux qui gouvernent les villes et communautés. Le maire du Palais était autrefois le premier officier de France.

Tous ces officiers prenaient souvent le titre de Sage et d'Honorable, comme il se lit du bailli de Cotentin dans un titre du vingt-deuxième juillet 1340.

Référence

Gilles André de La Roque, Traité de la Noblesse, Étienne Michallet, Paris, 1678, p. 308 et suiv. L'orthographe et la ponctuation ont été modernisées par l'auteur de ce blog. Ce dernier a également ajouté ce qui se situe entre crochets ([...]).

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