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mercredi 21 novembre 2012

Le rabat ecclésiastique


1) Le rabat ecclésiastique était autrefois le col de la chemise retombant sur l'encolure de la
L'abbé LEDIEU, par J. Galliot
soutane. 

Par quelles transformations est-il devenu ce petit rectangle noir de soie ou d'étamine, que borde un petit liseré blanc de toile ou de perles de verre ?

On s'en rendra compte en examinant la suite des portraits des supérieurs de la compagnie de St-Sulpice qui orne les corridors des séminaires dirigés par les membres de cette respectable société ; on y verra comment le ci-devant col de linge a pris progressivement la forme actuelle et, en particulier, comment il a passé du blanc au bleuâtre, puis au noir, sans doute parce que le blanc était trop salissant. On peut aussi examiner la série parallèle des supérieurs des Prêtres de la Mission, depuis Saint-Vincent de Paul, jusqu'à ce jour, qui est conservé à la maison des Lazaristes de la rue de Sèvres à Paris.

Les Frères des Écoles Chrétiennes, dont la simplicité s'est moins laissée influencer par les caprices de la mode, ont toujours le rabat blanc.

À Naples, on portait, il n'y a pas encore bien longtemps, et on porte peut-être encore aujourd'hui [1923], un col pareil à celui du clergé de France au XVIIIe siècle ; il est droit, mais en deux pièces, avec une solution de continuité sous le menton.

Un frère des Écoles chrétiennes
Les Rédemptoristes, dont le fondateur, Saint Alphonse de Liguori, était napolitain, ont encore le col entr'ouvert, par devant.

Le clergé de quelques provinces belges et celui du diocèse d'Aoste en Piémont, usaient et usent, je crois, toujours d'un rabat presque pareil à celui de France.

Les chanoines de Turin, quand ils prennent le costume de chœur, ont aussi un rabat, mais qui est entièrement blanc et pas beaucoup plus large qu'une carte à jouer.

On sait avec quelle ténacité les Alsaciens sont restés fidèles au rabat, emblème de la Patrie perdue, dans l'intervalle des deux guerres ; y renoncer eût été, à leurs yeux, afficher leur adhésion au régime boche.

L'abandon du rabat français n'est pas général ; dans plusieurs diocèses, on le conserve jalousement ; la substitution n'a été que progressive. Il y a une cinquantaine d'années [vers 1873], il fut imposé au clergé de Moulins par un évêque, Monseigneur de Dreuz-Brézé, connu pour son ultramontanisme militant. Peu après, Langres suivit l'exemple de Moulins.

Mgr de Dreuz-Brézé
En réalité, le petit appendice que le vent agitait désagréablement n'avait rien de très commode ; il se fripait très vite et ceux qui tenaient à la propreté de leur toilette devaient en changer souvent, ce qui finissait par occasionner une dépense appréciable pour ceux qui ne se permettent guère les dépenses d'agrément... et de quel agrément !

Le col romain a été d'abord la caractéristique des clercs qui étaient décorés d'une prélature romaine, mais ne signifiait pas que celui qui le portait fut même camérier du Pape ; je ne pense pas que beaucoup se soient fait cette illusion qu'ils copiaient la tenue des « Monsignori ».

Il en est du rabat comme du chapeau à haute forme que jadis de vieux prêtres français arboraient à l'étonnement des plus jeunes générations. Le rabat aussi a passé de mode, mais ceux qui l'ont quitté n'acceptent pas qu'on dise qu'il symbolisait une méfiance gallicane à l'endroit de l'église romaine, sentiment qu'ils n'ont jamais éprouvé et qu'il serait injurieux de leur attribuer gratuitement. (…)

PARIENSIS. 

Référence 

L’intermédiaire des chercheurs et curieux, dirigé par M. Carle de Rash, B. Duprat, Paris, 10 février 1923, n°1574, vol. LXXXVI, col. 130-131.


2) (...) Quant au rabat, il fut toujours essentiellement une mode, un ornement de la mode la mode : de rabattre au dessus du col de la soutane, le col de la chemise d'où son nom de rabat.
Le cardinal Donnet

Sur les portraits des prélats d'autrefois on peut constater sa naissance et suivre son évolution. D'abord col blanc de la chemise rabattu autour du col du vêtement ; puis les deux angles antérieurs s'allongent en pointe aiguë (comme nos cols mous). puis la pointe s'élargit et le rabat s'avance en forme de deux languettes réunies par la base et divergeant vers l'extrémité. Les deux limbes sont détachés l'un de l'autre et bordés d'un galon. Ils sont en étoffe de laine ou de soie, même en gaz transparente chez les prélats de cour et aussi chez quelques autres. Au XIXe siècle, la forme du rabat est plus austère et se compose d'une bavette d'étoffe noire, bordée d'un double rang de perles blanches.

Le rabat étant un pur ornement, un luxe, il ne faut pas s'étonner que les Jésuites qui sont des religieux, ne l'aient pas adopté. Les papes n'avaient pas à intervenir a cet égard, et il va sans dire qu'ils ne sont jamais intervenus pour un si minime objet.

Seuls les prêtres français portaient le rabat en vertu d'une ancienne coutume. Comme cet appendice s'use vite et se coupe au contact de la barbe ; comme, de ce fait, il revient assez cher ; comme, sous l'effet du vent, la bordure de perles vient cingler douloureusement la figure de celui qui le porte, le rabat, sans élégance et sans utilité, ne présentait que des inconvénients ; il a disparu sans laisser de regrets. Il a passé de mode comme les boucles de souliers, la poudre et la traine (ou queue), qu'on voit encore cependant en Belgique et un peu dans le nord.

Rome n'a rien fulminé, et on n'a pas eu a «  l'arracher du col de notre clergé ». Celui-ci l'a laissé tomber comme les perruques, un siècle plus tôt. (…)

COOLEN. 

Référence 

L’intermédiaire des chercheurs et curieux, dirigé par M. Carle de Rash, B. Duprat, Paris, 15 avril 1935, n°1830, vol. XCVIII, col. 309-310.


3) (…) Le rabat paraît avoir été abandonné par la plupart des dignitaires cardinaux, évêques et prélats divers dès le début de ce siècle [XXe siècle], sinon même auparavant. Le clergé noir, par contre, lui était en général resté fidèle jusqu'il y a une dizaine d'années [vers 1925]. 

Une très intéressante étude sur cette question a paru récemment dans La Semaine catholique du diocèse d'Agen, sous la signature de Léonce de Villevenard. D'après l'auteur, le port du rabat n'est plus strictement obligatoire que dans une quinzaine de diocèses, et bien en théorie ; il est facultatif dans la plupart, déconseillé dans plusieurs, et même tout à fait défendu dans quelques-uns. (Le diocèse de Séez pour ne donner qu'un exemple) ...

D'où vint ce mouvement de proscription ? De la mode uniquement... Cependant, on peut le dire, il n'est sans doute pas un seul diocèse de France où le rabat n'ait conservé de fidèles et de chauds partisans. D'ailleurs porté aujourd'hui par la minorité des prêtres, le rabat est toujours préféré et regretté par la majorité des fidèles, comme notre petite enquête, bien modeste mais sérieusement menée .. nous a permis de l'établir... En somme, on a brisé une unité pour aboutir chez nous a la diversité entre diocèses parfois limitrophes .. entre les prêtres d'un même diocèse, entre curés et vicaires fréquemment, à l'intérieur de la même paroisse, diversité qui .. étonne pour le moins nos bons fidèles. 

Comme tout cela est juste et bien dit. (…).

J. B. 

Référence 

L’intermédiaire des chercheurs et curieux, dirigé par M. Carle de Rash, B. Duprat, Paris, 30 juin 1935, n°1835, vol. XCVIII, col. 548-549.


4) Le rabat créé par la mode, a subi les fluctuations de la mode et a disparu avec elle, de même que d'autres parties du vêtement ecclésiastique.

Il y a trente ou quarante ans [1895-1905], les prêtres français portaient presque tous le chapeau à longs poils dit castor, les boucles d'argent aux souliers, le rabat et la ceinture aux longues franges de soie.

Le cardinal Boyer
Aujourd'hui [1935], le rabat a presque partout disparu, le chapeau est en feutre ras et souvent dur (chapeau dit parisien), la ceinture est moins souple et plus étroite (ruban romain) et les souliers ne se distinguent plus guère de ceux des laïques.

Le Pape n'a pas eu à intervenir ; dans quelques cas, les évêques ont légiféré, comme c'était leur droit ; la plupart du temps, les prêtres ont profité du régime de la porte ouverte, de la permission, expresse ou tacite, de se vêtir d'une manière moins dispendieuse et plus commode.

Il n'y a donc pas lieu de faire intervenir ici un Gallicanisme ni un Ultramontanisme vestimentaires.

Ce n'est pas une thèse que j'attaque ou que je défends, mais un point d'histoire que je veux fixer. Si je n'ai pas parlé du rabat de quelques congrégations de Frères, c'est qu'il s'agissait avant tout du rabat des prêtres séculiers. [Les religieux sont régis par des constitutions spéciales et des traditions particutteres]. La plupart n'en portent, du reste, pas, comme les
Lazaristes, les Eudistes, les Rédemptoristes, etc. (…)


COOLEN. 

Référence 

L’intermédiaire des chercheurs et curieux, dirigé par M. Carle de Rash, B. Duprat, Paris, 15 novembre 1935, n°1841, vol. XCVIII, col. 844-845.

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