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lundi 1 août 2011

Les pratiques homosexuelles, selon P.-J. Dubreyne, 1846.

Ce texte, traduit du latin par l'auteur de ce blog, développe le point de vue de la théologie morale catholique romaine (du XVIIIe siècle) sur les pratiques homosexuelles. L'auteur de l'ouvrage source rappelle qu'il s'agit d'un « livre exclusivement destiné au clergé. » Le texte latin est en noir, la version française est en bleu.

 

§ II.

DE SODOMIA.

« Hoc peccatum esse execrandum, patet : 1° ex ejus notione, quôd ita sit contra naturam, ut ipsamet bruta illud regulariter abhorreant ; 2° ex igne quem Deus pluit in Sodomam et Gomorrham ; 3° ex Epist. ad Rom., l, ubi apostolus dicit : Gentilium sapientes propter suam idolatriam esse traditos in reprobum sensum et in hanc passionem ignominiosam, ut feminœ mutarent naturalem usum et masculi in masculos exarserint ; 4° ex pœnis in illud statutis : jure civili plectitur pœnâ ignis, C., lib. IX, tit. 7 ; jure canonico antiquo, clericus sodomita, depositus, detrudebatur in monasterium ad pœnitentiam agendam, etc. (Billuart, dissert. VI, art. 10.)

§ II.

DE LA SODOMIE.

Et donc, il est clair que ce péché doit être maudit, 1° à cause de son concept [même], qui est d’être contre nature, à tel point que les bêtes éprouvent régulièrement de la répugnance pour lui ; 2° à cause du feu que Dieu fit pleuvoir sur Sodome et Gomorrhe ; 3° à cause de l’Épître aux Romains, chapitre 1, où l’Apôtre dit que les sages des nations, du fait de leur idolâtrie, ont été livrés à leur sens réprouvé et à cette passion honteuse, telle que les femmes ont changé l’usage naturel et que les hommes se sont enflammés pour des hommes ; 4°à cause des peines établies contre lui [ce péché] : la peine du feu est infligée par le droit civil, [selon] le Code de Justinien, livre 9, titre 7 ; selon le droit canonique antique, le clerc sodomite, déposé, est retranché dans un monastère, pour y faire pénitence ; etc. (Billuart, dissertation VI, article 10).

Horrendum illud scelus à S. Thomâ definitur : Concubitus ad non debitum sexum, putà masculi ad masculum, vel feminœ ad feminam.

Ce crime horrible est défini par S. Thomas : le coït avec le sexe non dû, par exemple d’un homme avec un homme, ou d’une femme avec une femme.

Ex quo inferendum masculum cœuntem cum feminà in vase indebito, nullatenùs esse sodomiam, quia est debitus sexus; et è contra feminam cœuntem cum feminâ in vase naturali esse veram sodomiam, quia est indebitus sexus. Undè concludendum S. Thomam totam malitiam sodomiæ deducere à sexu indebito, et non à vase indebito sexûs debiti. Hoc ultimum crimen, secundùm S. Doctôrem, non verô est sodomia, sed tantùm modus innaturalis concumbendi.

De là, il faut inférer qu’un homme couchant avec une femme dans le vase indu, n’est nullement sodomite, parce qu’[il s’agit] du sexe dû ; et, au contraire, qu’une femme couchant avec une femme dans le vase naturel, est une sodomite vraie, parce qu’[il s’agit] du sexe indu. De là, il faut conclure que S. Thomas déduit la totalité du mal de sodomie du sexe indu, et non du vase indu du sexe dû. Cette dernière faute, selon le saint Docteur, n’est pas vraiment de la sodomie, mais seulement une manière non-naturelle d’avoir des relations sexuelles.

At quia apud majorem theologorum partem usus prœvaluit ut concubitus in vase indebito sexûs debiti existimetur sodomia imperfecta, in hoc et in aliis multis morem usui simpliciter geremus.

Mais parce que, selon la majeure partie des théologiens, l’usage a prévalu que le coït dans le vase indu du sexe dû est estimé [être] sodomie imparfaite, nous serons tout bonnement complaisants pour l’usage, [exprimé] en cet endroit et en beaucoup d’autres.

Idcircô coitus viri cum muliere in vase indebito est sodomia imperfecta, distincta à perfectâ, quæ est concubitus masculi cum masculo, vel feminæ cum feminâ.

Pour cette raison, le coït d’un homme avec un femme dans le vase indu est de la sodomie imparfaite, distincte de la [sodomie] parfaite, qui est la relation sexuelle d’un homme avec un homme ou d’une femme avec une femme.

Non refert in quo vase vel quâ corporis parte cœant masculi aut feminæ inter se, cùm malitia sodomiæ in affectu ad sexum indebitum consistat et completa vel perfecta sit in genere suo, dùm applicatur corpus ad quodvis vas vel quamlibet corporis partem ejusdem sexûs per modum concubitûs; si autem fieret tantùm applicatio manûs, pedis, etc., ad alterius organa, etiamsi ex utrâque parte pollutio sequeretur, non reputaretur sodomia, quia non esset verus concubitus, nec physicus aut materialis, nec moralis vel effectivus.

Peu importe dans quel vase ou quelle partie du corps les hommes ou les femmes coïtent ensemble, puisque le mal de sodomie consiste dans le désir du sexe indu et que [la sodomie] complète ou parfaite a lieu avec [une personne] de son [propre] genre, en joignant le corps, selon le mode du coït, à quelque vase que ce soit et à quelque partie du corps que ce soit, [mais d’une personne] de même sexe ; or si une telle application de la main, du pied, etc., était faite sur d’autres organes, même s’il était suivi de part et d’autre d’une éjaculation, cela ne serait pas réputé être de la sodomie, parce qu’il ne s’agit pas d’un vrai coït, ni physique ou matériel, ni moral ou effectif.

Ad imperfectam sodomiam sufficit ut masculus et femina cœant non servatis instrumentis naturalibus vel organis debitis, cum affectu ad præposteras partes vel malum concubitûs finem.

Pour [qu’il y ait] une sodomie imparfaite, il suffit qu’un homme et une femme coïtent, en ne se servant pas des outils naturels ou des organes dus, [mais] selon un désir orienté vers les parties contre nature et vers le mauvais but  du coït.

In confessione aperiendum est cujus naturæ fuerit sodomia, an fuerit perpetrata cum personâ conjugatâ, Deo dicatâ vel consanguineâ ; tunc enim additur malitia adulterii, sacrilegii vel incestûs.

En confession, on doit s’ouvrir de la nature de la sodomie qui a eu lieu, si elle a été perpétrée avec une personne mariée, consacrée à Dieu ou consanguine ; alors, en effet, s’y ajoute le mal d’adultère, de sacrilège ou d’inceste.

Multis theologis videtur declarandas esse in confessione circumstantias agentis vel patientis. Attamen, secundùm Billuart, Loth et alios, « circumstantia agentis non mutât speciem, nec videtur notabiliter aggravare. » Multô tutior videtur priorum sententia, et non dubitandum quin, si uterque vicissim agens et patiens fuerit, scelus longè gravius sit.

À de nombreux théologiens, il semble, qu’en confession, doivent être déclarées les positions de passif ou d’actif. Mais cependant, selon Billuart, Loth et alii, « la position d’actif ne change pas la classe [morale], et ne semble pas l’aggraver nettement. » La sentence des premiers semble beaucoup plus prudente, et, bien mieux, on ne doit pas en douter, si chacun des deux, à son tour a été actif et passif, et que le crime soit plus grave par sa longévité.

« Dicunt Spor., Holz., et Tam., n. 77, cum Angel., ait S. Alphonse de Ligori, quôd confessarius, intelligens mulierem cognitam fuisse extra vas naturale, vel præposterum, non debet quærere in quo loco et quomodô. » (S. Ligorio, lib. III, n. 466.) DD. Gousset idem affirmât juxta B. Ligorio.

« Patrice Sporer, Appolonio Holzmann, et Thomas Tamburini, au numéro 77, disent, avec Thomas de Angelo, dit S. Alphonse de Ligori, que le confesseur, comprenant qu’une femme a été connue hors du vase naturel, et contre nature, ne doit pas rechercher dans quel lieu et comment. » (S. Alphonse de Ligori, livre III, n° 466.) DD. Gousset affirme la même chose, d’une façon proche de S. Alphonse de Ligori.

Apud eumdem S. Ligorio dicunt Ronc., Tamb. et Salm., contra Graff. : « Non esse necessariô in confessione explicandum si pollutio fuerit intra vel extra vas ; sufficit enim confiteri : peccavi cum puero, ut confessarius judicet admisse sodomiam cum pollutione. Si verô non fuerit pollutio deberet explicari. » Istud peccavi cum puero nobis nimis vagum et generale videtur. Intelligibiliùs diceretur : concubui cum puero, cum additione circumstantiæ pollutionis vel non pollutionis. Si seminatio intra vas possibilis esset, tunc foret sodomia perfecta, consummata et completa ; et tantùm perfecta et non completa, si extra vas, ut dicunt nonnulli.

Selon le même S. Alphonse de Ligori, Constantin Roncaglia, Thomas Tamburini et les Salmenticenses, disent contre Giacomo Graffi : « Il n’est pas nécessaire en confession de préciser si l’éjaculation a eu lieu dans ou hors le vase ; il suffit en effet de confesser : j’ai péché avec un garçon/jeune homme [Voyez la remarque 9], de telle façon que le confesseur juge que la sodomie a été perpétrée avec éjaculation. Si, vraiment, il n’y a pas eu d’éjaculation, cela devrait être précisé. » Ce j’ai péché avec un garçon/jeune homme, nous semble trop vague et général. On dirait de façon plus intelligible : j’ai couché avec un garçon/jeune homme, avec l’ajout des circonstances de l’éjaculation ou de la non-éjaculation. Si l’éjaculation a été possible dans le vase, alors il s’agira d’une sodomie parfaite, consommée et complète ; et seulement parfaite et non pas complète, si [elle a eu lieu] hors du vase, comme le disent quelques uns.

Quod ad pueros attinet, quoniam de pueris loquimur, hodierno infelici tempore istud scelus nefandum sæpissimè in pueros furens irruit : undè nunc generaliter pederastia nuncupatur.

Pour ce qui touche les garçons/jeunes gens, puisque nous parlons des garçons/jeunes gens, en ce malheureux temps présent, ce crime abominable [et] délirant fond très souvent sur les garçons/jeunes gens : de là, il est désigné maintenant généralement par [le terme de] pédérastie.

Nous terminons ce triste paragraphe en avertissant que l'on doit toujours s'enquérir auprès de l'autorité supérieure si le crime dont il s'agit est réservé à l'évêque, et dans quel cas il est réservé. Il paraît que, dans beaucoup de diocèses, les deux espèces, la parfaite et l'imparfaite, sont réservées.

Référence.

Pierre Jean Corneille Debreyne, chialogie: traité des péchés contre les sixième et neuvième commandements du décalogue, 4e édition, revue, corrigée et augmentée, Poussielgue Frères, 1868, p. 84-87


Remarques.

1. Pierre Jean-Corneille Debreyne, médecin français, trappiste, né à Quœdypre, près Dunkerque, le 7 novembre 1786, fit ses études médicales à Paris et y fut reçu docteur en 1814. Après quelques années de pratique et d'enseignement à la Faculté, il fut attaché comme médecin au couvent de la Trappe, près Mortagne, dans le département de l'Orne, et prit lui-même, vers 1840, l'habit de l'ordre. Les nombreux ouvrages qu'il y a composés, surtout depuis cette époque, au milieu d'une solitude et d'une concentration favorables à l'étude, tiennent à la fois de la science, de la théologie et du mysticisme.

Nous nous bornerons à indiquer, parmi ses ouvrages de médecine pure : Considérations philosophiques, morales et religieuses sur le matérialisme moderne (1829) : Thérapeutique appliquée aux traitements spéciaux des maladies chroniques (1840) ; Précis sur la physiologie humaine; Des vertus thérapeutiques de la belladone (1851), couronné en Belgique.

Quelques-uns de ses écrits ont un caractère plus spécial : Pensées d'un croyant catholique ; du Suicide et du duel ; Précis de physiologie catholique et philosophique ; le Prêtre et le médecin devant la société ; Étude de la mort ; Essai sur la théologie morale; le Dimanche, ou Nécessité physiologique, hygiénique, politique, sociale, morale et religieuse du repos heptamérique ; Colonie agricole fondée à la GrandeTrappe, Agriculture monastique (1845-1853) ; Mœchialogie, ou Traité des péchés contre les VIe et IXe commandements, avec un abrégé pratique d'Embryologie sacrée (1846. in-8; 2e édition, 1856, in-4) « livre exclusivement destiné au clergé, » et dont l'auteur rappelle tous ses titres de médecin, professeur, prêtre et religieux de la Trappe.

2. Les Salmaticenses désigne les théologiens de l’école de Salamanque en Espagne.

3. Constantin Roncaglia, ( mort en 1737) de la Congrégation de la Mère de Dieu, était né à Lucques et y mourut. Il donna une édition de l'Histoire Ecclésiastique de l'ancien et du nouveau Testament, de Noël Alexandre, avec des remarques, édition augmentée depuis par Manzi, et formellement autorisée par un décret de l''Index ; Théologie Morale, Lucques, 1730, 2 vol. in-fol. ; —Effets de la prétendue réforme de Luther, de Calvin et du Jansénisme ;Histoire des Variations des églises protestantes,— et la Famille Chrétienne instruite de ses obligations.

4. Patritius Sporer (mort en 1683) était un théologien moraliste franciscain allemand. Sporer naquit et mourut à Passau, en Bavière. En 1637, il entra dans l’ordre des Frères Mineurs, dans le couvent de sa ville natale, qui appartenait à la province de Strasbourg. Il enseigna la théologie de nombreuses années, et obtint le titre de Lector Jubilatus. Il fut le théologien de l’évêque de Passau. Il est l’auteur de Amor Dei super omnia (Würzbourg, 1662); Actionum humanarum immediata regula conscientia moraliter explicata atque ad disputationem publicam exposita (Würzburg, 1660); Theologia moralis, decalogalis et sacramentalis (3 folio vols., 1681 ; réédition, Salzbourg, 1692 ; Venise, 1724, 1726, 1755, 1756) ; Tyrocinium theologiæ moralis, conscientiam, actvm humanvm et peccatvm in genere (Würtzbourg, 1660) ; Theologiæ moralis super Decalogum (Salzbourg, 1685).

5. Tommaso Tamburini (1591 – 1675, Palerme, Sicile) était un théologien jésuite italien. Il naquit à Caltanisetta en Sicile et entra dans la Compagnie de Jésus à quinze ans. Il se distingua alors par ses talents d’enseignant. Après un parcours d’études réussi, il obtint une chaire de philosophie pendant quatre ans, de théologie dogmatique, pendant sept ans et de théologie morale pendant dix-sept ans. Pendant treize ans, il fut recteur de nombreuses universités. Pour ses œuvres voir l’article de Wikipedia en anglais.

6. Giacomo Graffi/de Graffiis est né à Capoue en 1548. Il se fit Religieux bénédictin du Monastère de saint Séverin de Naples, de la Congrégation du Mont-Cassìn, et fut docteur en droit, et grand Pénitencier de Naples. Il nous a laissé un ouvrage de morale intitulé: Decisiones aurea, in-4 dont la première partie est divisée en quatre livres, et la seconde ajoutée à la première en 1593. aussi en quatre Livres. La première édition est de Naples en 1590 et l’ouvrage entier fut réimprimé trois fois à Venise, deux fois à Turin; puis à Lyon et à Anvers.

7. Appolonius Holzmann était un théologien franciscain, né à Rieden en Souabe en 1681. Il entra en 1699 à Bamberg, dans l’ordre franciscain et résida en plusieurs couvents de la province d’Allemagne méridionale. Il fut lector de philosophie et de théologie (en 1737, il se décrivait comme Lector Theologiæ Emeritus) à Vorchheim, puis vécut à Bamberg où il fut actif en tant que confesseur de la cathédrale et président des conférences morales du clergé. Il publia une Theologia moralis, en deux volume in-folio (Kempten, 1737 et 1740) et un Jus canonicum en un volume in-folio (Kempten et Augsbourg, 1749). Benoît XIV aurait dit de sa théologie morale : « Ebel écrit pour Ebel, Sporer pour les jeunes gens, Hozman pour les érudits. »

8. Alphonse de Liguori naquit au manoir de son père, à Marianella, quartier de Naples, en septembre 1696 et mourut à Nocera de Pagani, en août 1787. Il embrassa l'état ecclésiastique à 27 ans et évangélisa les pauvres des campagnes. Issu de la haute société napolitaine, orateur doué, il fonda la congrégation du Très Saint Rédempteur, dont les membres sont appelés Rédemptoristes. Il représente une référence en matière de théologie morale.

9. Pueritia, dans son acception la plus large, s'étend depuis la naissance jusqu'à la vingtième année, et même au delà. Elle embrasse :

1° l’infantia (de in négatif et fari), ou prima pueritia, depuis la naissance jusqu'à sept ans ;

2° la pueritia proprement dite (sens restreint), depuis sept ans jusqu'à dix-sept ;

3° une période peu définie qui commence à dix-sept ans et se prolonge dans l'adolescence ou prima juventus. Ainsi Auguste est encore appelé puer à l'âge de dix-neuf ans, et Scipion à l'âge de vingt ans.

[La source de chaque remarque est indiquée par le moyen de l’hyperlien.]

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