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samedi 30 juillet 2011

L'horreur des relations homosexuelles, selon Th. de Cantimpré, 1256-1263.


Ce texte manifeste bien en quelle part l'homosexualité était tenue au XIIIe siècle, et combien les  pécheurs étaient terrorisés par l'expression de la réprobation divine et la menace de l'enfer qu'elle entraînait. Il faut rappeler que le péché contre nature rassemblait sous cette appellation : la masturbation, les relations homosexuelles (sodomie) et la bestialité (relation sexuelle avec un animal). L'orthographe a été modernisée mais la ponctuation reste celle du texte original.


De l’horreur du péché contre nature.

Chapitre XXX.

Les abeilles ne s’accouplent nullement : et n’encourent aucune lubricité.


Commentaire.

Les termes du texte sont discrètement distingués ; car encore que l’accouplement soit naturel, toutefois sans le sacrement du mariage, c’est, ou fornication ou adultère : et autre lubricité ou pollution volontaire en soi ou en sa cause, c’est le très abominable crime contre nature : et c’est toujours et en tout cas une turpitude si exécrable, qu’il la faut appeler l’excrément de tous péchés.
En effet, les esprits infernaux, même plus immondes, ont ce péché en abomination. En signe de quoi , encore qu’ès [en les] auteurs qui traitent de leur malice, comme S. Augustin sur la Genèse, contre les Manichéens, et ès autres traités, se voient les exécrations de ces malins esprits incubes ; toutefois, je ne trouve rien des succubes : ce qui montre, que même le diable est vergogneux [honteux] et a horreur du péché contre nature. Ce que la glose semble nous assurer sur cette sentence d’Ézéchiel 16. Je te donnerai entre les mains des Palestins ; c’est-à-dire, des démons : qui ont aussi vergogne de sa voie scélérate.

Histoires
des abominations et leurs horribles punitions.

Au diocèse de Cambrai, j’ai été plusieurs années grand vicaire de l’évêque et son pénitencier ; et un jour une femme infectée du vice de lubricité contre nature, se confessa avec grande lamentation et vergogne [honte] d’être fragile à retomber en cette abomination, et me dit, avoir ouï le diable, pendant qu’elle la commettait, entre elle, et la parois de son lit, dire ces interjections d’indignation, fi, fi, fi : dont la misérable eut telle terreur et horreur, qu’à la même heure, elle accourut pour me trouver, et avec l’absolution ayant reçue la pénitence, en voulut faire une plus grande que celle que je lui avais enjointe.

Une autre femme, presque à même temps, infectée de cet infâme vice, se confessa aussi à moi, avec beaucoup de larmes ; et me dit avoir ouï le diable lui dire ces paroles ; Fais misérable, fais ton fait, tu seras bientôt payée de ce que maintenant tu fais . Depuis, peu après sa confession, et s’être déportée de cet abominable péché, elle encourut la mort par une grande frayeur, et acheva la satisfaction pour ses péchés en purgatoire.

Une autre femme avait vieilli dans un monastère, en ce détestable vice. Son nom était Richarde, et selon qu’on m’a fidèlement rapporté, vécut sans aucune apparence de vertu ou de piété ou de religion : mais au contraire avec autant plus grande obstination en ses péchés, qu’elle avait fait profession de plus grande sainteté. Son corps abominable, après sa mort, fut enterré au cloître : mais ce lieu saint n’en pouvait être profané, la nuit suivante, une truie noire suivie de sept cochons semblables, la déterrèrent, la démembrèrent et déchirèrent en petites pièces, faisant une longue traînée de ses entrailles : puis, cette truie et les cochons disparurent le cloître en étant remplie de puanteur insupportable.

Et chose admirable ! qu’aucunes des religieuses ne voyant ni la truie, ni les cochons, en oyaient cependant, le grognement : ce qui fait voir qu’aucuns n’ont la vue susceptible des apparitions des diables.

Un vénérable docteur, évêque de Lausanne, et depuis régent en théologie à Paris, me raconta, et à plusieurs autres, avoir ouï en confession un certain du clergé, qui soulait faire le susdit péché ; et qu’un jour dans sa tentation il se sentit prendre ne la main un couleuvre, et en extrême horreur vint se confesser avec grande douleur, et forces larmes de pénitence.

Aristote au livre des animaux enseigne, qu’entre iceux, l’homme seul perd sa semence, en ce étant pire que les bêtes. Or ce péché contre nature, selon S. Jérôme, est un si grand malheur en l’univers, qu’il fut cause du grand retardement de l’incarnation de notre Sauveur. Et selon S. Augustin, à la venue de sa Majesté en notre nature humaine tous les ennemis de la nature (qui sont les sodomites) périrent de mort réprouvée et soudaine.

J’avais aux écoles des arts un compagnon très cher, pudique et débonnaire : mais depuis, malheur déplorable ! il fut infecté du vice contre nature par son maître. Je lui remontrai, et divers autres de ses familiers amis, que son péché était chose indigne de la noblesse de sa naissance : et il s’en abstenait diverses fois, durant quelque temps : mais enfin retournait toujours à cette abomination. Fait chanoine, un jour, ayant grand nombre de ses parents et amis avec leur suite, logés chez lui, lorsque chacun prenait le repos de la nuit, il se prit à éclater en clameurs avec terreur extrême, implorant aide et secours. Ses valets sont sont soudain en pieds : et ne voyant cause aucune des cris, courent au doyen et aux chanoines. Ils viennent en diligence : le doyen exhorte le jeune homme à confesser ses péchés, à crier après le secours, non des hommes, mais de Dieu. Ce qu’ayant très bien crié le misérable, avec les yeux démontrant l’horreur, et la terreur extrême qu’il avait, de se voir dans son malheur, le regarde, criant ; Malheur à celui qui m’a séduit ; pourquoi, pourquoi invoquerai-je l’aide de Dieu ! voyez, que je vois l’enfer ouvert, les diables sont venus avec très horrible ardeur pour ravir mon âme, et l’emporter en enfer. Et tous ceux qui étaient prêtés à cet horrible spectacle, pleins de larmes, s’écrièrent, requérant qu’il fit le signe de la croix : mais le malheureux comme s’il n’eut rien ouï ferme les yeux, tourne la tête, et avec des terribles clameurs meurt.

Dans le diocèse de Cambrai, un jour, un pénitent accompagné de son curé me vint trouver, pour être absous de ce péché lequel durant plusieurs années, il m’avait confessé, ayant encouru l’incontinence. Je voulais l’envoyer à son évêque, afin que recevant avec plus de difficulté son absolution, et plus rigoureuse pénitence, de remédier plus efficacement à son mal : mais le prêtre me supplia de l’absoudre, à condition, qu’en genoux devant nous, il promit de ne plus perpétrer cette abominable immondicité : ou qu’autrement, qu’il serait content d’être (aussitôt qu’il la commettait) puni de la divine justice. Et à mon très grand regret ; je consentis à la condition : et en genou il prie Dieu prendre vengeance de lui s’il retournait à faire ce péché : et s’en alla joyeux. Mais hélas ! le troisième ou quatrième jour de Pâques, ne résistant aux tentations du diable, au lieu de se porter aux moyens de les vaincre par bonnes œuvres, saintes pensées, et bons entretiens, retombe au péché : et aussitôt, voilà sur lui la vengeance, et crie en horreur extrême ; La vengeance de Dieu sur moi (selon que son curé me raconta depuis) et ainsi fut puni de très amère mort.

Un autre, fort abominable en ce vice, que j’ai connu, un jour cheminant dans une prairie suivi d’un prêtre qui regardait ses pas ; l’infection de ce vice fit, selon que ce prêtre vit, que l’herbe verte qu’il touchait en son chemin, comme s’il eut été de feu, en fut manifestement comme sèche. Depuis, nous avons su, que la vie infâme par ce vice, prit fin, avec très grande turpitude. Et en effet, Dieu ne condamne de mort réprouvée aucun péché si souvent, que celui-ci.

Plusieurs assurent, et je le crois vraiment, que personne criminelle de ce vice, n’en peut être libre, sans miracle spécial, s’il persévère en ce péché autant de temps, que notre Sauveur conversa en ce monde parmi les hommes. Ce que nous trouvons véritable, ayant vu les infectés de ce vice y tremper, même, en âge décrépite de quatre-vingt et de cent ans. Il ne se faut passant étonner de ceci ; puis que durant que notre Seigneur vécut en ce monde, il fut un exemplaire ou modèle de mœurs, à tous ceux qui viennent dans le christianisme. Or ceux qui durant les trente-trois ans de sa vie négligent de faire les fruits
de pénitence (selon que, celui qui aime la nature, nous invite, qui est Jésus-Christ) ne cessant de faire injure, ou violence à la nature, ce sera après, presque point ou avec très grande difficulté que tels se pourront abstenir de ce péché, et se convertir au service de Dieu.

Le docteur Pierre, chantre de Paris, assura un certain de ma connaissance, avoir vu quelques personnes infectées de ces abominables lubricités ; lesquelles pour avoir assis le soir, sur l’herbe d’une prairie, que depuis, le matin, toute la prairie était trempée de grande rosée, hormis cette place, qui était fort sèche.

Plusieurs à leur grand malheur ne confessent leurs péchés de paillardise.

La sapience (chap. 10), pour nous déclarer les abominations charnelles de Sodome, nous assure que cette terre est encore fumante et déserte : et ce pour signifier l’infamie de ces ardeurs. Et ceux qui sont agités de ces abominables flammes, de même, se voient stériles de vertus et de mérites : ce qui fait dire au psalmiste (psal. 57), lamentant leurs malheurs, qu’ils sont en erreurs, dès leur naissance, et menteurs : à cause de leurs confessions ne sont entières. De sorte, qu’il leur advient souvent, comme au valeureux capitaine Judas Macchabée, qui ayant heureusement défait l’aile droite d’une armée ennemie, par la gauche que Bacchides commandait, encourut sa déroute et sa mort. Ainsi plusieurs se confessent bien des péchés qui ne sont réputés infâmes ; mais chargés d’autres extraordinaires, comme de lubricité contre nature, souvent se laissent malheureusement vaincre par la vergogne de les confesser, perpétrant des crimes détestables de sacrilège. Aussi Sodome, est interprété muette, pour montrer, que les personnes infectées de tels vices ; sont ordinairement comme sans sens, et sans paroles pour confesser ces péchés. Mais qu’ils prennent garde, que leur pernicieux silence forclôt le S. Esprit de leur cœur et de leur conscience : ils doivent imiter le dévot et pieux Job (chap.7) : Je n’épargnerai, dit-il, ma bouche ; mais en la tribulation de mon esprit je parlerai, et en l’amertume de mon âme je discourrai.


Source.

Thomas de Cantimpré, Vincent Willard (trad.), Le bien universel ou les abeilles mystiques, Jean Vanden Horicke, Bruxelles, 1650, p. 225-229.

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