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vendredi 24 juin 2011

Le sens de la circoncision selon Herbert Spencer, 1875.


A) p. 88-84.

§ 363. Déjà, en parlant des trophées, nous avons remarqué que les trophées phalliques grands et petits, avaient la même signification que les autres, ce qui nous a mis sur la voie d'une explication des mutilations, dont nous avions à parler ensuite. Nous avons vu que lorsque, au lieu de tuer le vaincu, on lui conservait la vie pour le réduire en esclavage, le vainqueur était dans la nécessité de ne prendre sur la personne du vaincu que des trophées qui ne missent point sa vie en danger et qui ne fussent pas très dommageables. C'est pour cela que, au lieu de lui arracher la mâchoire, on se contentait de lui arracher des dents; au lieu de lui trancher les mains, on lui coupait des doigts; au lieu de le scalper, on lui coupait les cheveux. De même, dans le cas qui nous occupe, la mutilation grave a fait place à une mutilation du même genre, mais qui ne diminuait pas sérieusement, ou point du tout, la valeur de l'ennemi réduit en esclavage.

Je ne trouve rien qui prouve directement que la pratique de la castration ait son origine dans l'usage de prendre des trophées; mais il existe une preuve directe que dans certains cas des prisonniers ont été traités comme si l'on eût voulu prendre sur eux des trophées de ce genre. Nous lisons dans Gibbon que Théobald, marquis de Spoléte, « faisait châtrer sans merci ses prisonniers (1). » 

Nous avons une autre raison de croire que la castration a été jadis un sacrifice obligé en l'honneur d'un vainqueur c'est que nous trouvons un sacrifice analogue fait à une divinité. Aux fêtes annuelles de la déesse phrygienne Amma (Agdistis), « l'usage était que des jeunes gens se fissent eux-mêmes eunuques avec une coquille tranchante; ils criaient en même temps reçois cette offrande, Agdistis (2). » 

Une pratique analogue existait chez les Phéniciens (3) et Brinton parle d'une mutilation cruelle que les anciens prêtres mexicains s'infligeaient à eux-mêmes et qui paraît avoir compris la castration (4). 

Une fois devenu un moyen de marquer la subordination, cet usage, comme beaucoup d'usages cérémoniels, a survécu dans certains cas où sa signification s'est perdue. Les Hottentots imposent une demi-castration à l'âge d'environ huit ou neuf ans (5) et une coutume analogue existe chez les Australiens.

Naturellement, dans ce genre de mutilations, les moins graves sont celles dont l'usage se généralise le plus. On retrouve la circoncision chez les races sans lien de parenté, dans toutes les parties du monde chez les Malayo-Polynésiens de Tahiti, aux îles Tonga, à Madagascar; chez les Négritos de la Nouvelle-Calédonie et des îles Fidji; chez les peuplades d'Afrique, tant sur la côte que dans l'intérieur des terres, depuis le nord de l'Abyssinie jusqu'au sud de la Cafrerie; en Amérique, chez quelques races mexicaines, au Yucatan, et chez les naturels de San-Salvador (6) ; nous la rencontrons même en Australie. 

Ne saurions-nous pas, parle témoignage de leurs monuments, que les Égyptiens pratiquaient cette opération depuis les temps les plus reculés, et, lors même que nous n'aurions pas lieu de croire qu'elle était d'un usage général chez les peuples arabes, il nous suffirait de savoir que la pratique de la circoncision n'est point exclusivement le fait d'un pays ou d'une race, pour rejeter l'explication que les théologiens nous en donnent. Ils se débarrassent assez aisément eux-mêmes d'une autre interprétation qu'on donne assez fréquemment; en effet, l'examen des faits prouve que, si cet usage ne règne pas chez les races les plus propres du monde, il est commun chez les plus sales. Au contraire, les faits pris en masse s'accordent avec la théorie générale, à laquelle ils servent de vérification.

On a vu que chez les Abyssiniens, jusqu'à l'époque la plus récente, chaque guerrier présente à son chef le trophée pris, au moyen de la circoncision, sur le corps d'un ennemi mort, et que tous ces trophées, recueillis après la bataille, sont en définitive offerts au roi. 

Si l'on réduit en esclavage l'ennemi vaincu au lieu de le tuer, et si les guerriers qui l'ont vaincu ne laissent pas pour cela d'offrir à leur chef les preuves de leur vaillance, la pratique de circoncire les prisonniers vivants prendra naissance et servira à leur infliger la marque des subjugués. On aperçoit une autre conséquence. Puisque c'est un moyen de gagner la faveur du chef et du roi que de leur apporter ces trophées pris sur des ennemis, et que, d'après les croyances primitives, tout ce qui charmait l'homme vivant fait encore plaisir a l'esprit de l'homme mort, on se mettra à offrir ce genre de trophées à l'esprit du souverain décédé

Puisque, dans une société militaire gouvernée par un despote absolu, dieu par son origine et par sa nature propre, ce despote, propriétaire de la totalité de la population, exige qu'elle porte cette marque de servitude; que, plus tard, après sa mort, son esprit redouté réclame impérieusement des sacrifices propitiatoires; on peut prévoir qu'alors l'usage d'offrir au roi ce genre de trophées pris sur les ennemis réduits en esclavage, se transformera en un autre usage, celui d'offrir au dieu les mêmes trophées pris sur chaque génération de citoyens mâles, comme un moyen de reconnaître le lien d'esclavage qui les unit au dieu. 

Aussi, lorsque Movers nous apprend que la circoncision était chez les Phéniciens « un signe de consécration à Saturne », et que nous avons la preuve que de toute antiquité les naturels de San-Salvador pratiquaient la circoncision « à la façon des Juifs offrant le sang à une idole, » nous constatons que nos prévisions concordent avec la réalité.

Il y a une preuve certaine que cette interprétation s applique à la coutume telle que la Bible nous la fait connaître. Nous avons déjà vu que les anciens Hébreux, comme les Abyssiniens modernes, avaient l'usage de prendre des trophées sous une forme qui obligeait à mutiler l'ennemi mort; et, pour les uns comme pour les autres, il en résulte que le vaincu non mis à mort, mais fait prisonnier, subira cette mutilation, comme le signe de l'assujettissement. 

Tous les faits prouvent que la circoncision était chez les Hébreux le sceau de l'assujettissement. Nous savons que chez les Bédouins actuels, ainsi que M. Palgrave nous l'affirme, on ne conçoit pas Dieu autrement que comme un puissant souverain vivant, et cela nous fait comprendre la cérémonie qui faisait de la circoncision le sceau de l'alliance entre Dieu et Abraham. 

Cela nous explique encore deux choses d'abord qu'à la considération du territoire qu'il devait recevoir, la mutilation à laquelle Abraham se soumettait, voulait dire que « le Seigneur » allait « être un dieu pour » lui ; et ensuite que la marque de l'alliance ne serait pas exclusivement portée par les descendants, à titre d'individus en possession de la faveur divine, mais aussi par les esclaves non issus d'Abraham. »

Enfin, quand on se rappelle que dans les croyances primitives le double du potentat mort qui revient ne se distingue point du potentat vivant, on arrive à expliquer une tradition consignée dans l'Exode, qui sans cela demeurerait étrange, tradition qui nous montre Dieu irrité contre Moïse parce qu'il n'a pas circoncis son fils « Or il arriva que, comme Moïse était dans une hôtellerie, le Seigneur le rencontra et chercha à le faire mourir. Et Séphora prit une pierre tranchante et coupa le prépuce de son fils et le jeta à ses pieds. » Ce qui montre que la circoncision chez les Juifs était le signe de la subordination à Jahveh, c’est que, sous la domination d'un maître étranger, Antiochus, qui introduisit parmi eux des dieux étrangers, la circoncision fut interdite, et que l'on mit à mort les Juifs qui refusaient l'obéissance aux dieux étrangers. Au contraire, lorsque Mathatias et ses amis, fidèles au Dieu de leurs pères, se révoltèrent contre une domination et un culte étrangers, ils firent « le tour du pays, détruisirent les autels, et circoncirent tous les enfants qu'ils trouvèrent dans les limites d'Israël, agissant avec force. » Ajoutons qu'Hyrcan, après avoir subjugué les Iduméens, leur imposa l'obligation de se soumettre à la circoncision ou de quitter leur pays (7). Aristobule imposa également la marque de l'alliance au peuple vaincu de l'Iturée (8).

Voici des faits formant la réciproque qui concordent avec nos idées. Touitonga (le grand chef divin de Tonga) n'est pas circoncis, comme le sont tous les autres hommes : n'étant subordonné à personne, il ne porte point le sceau de la subordination (9). 

Nous pouvons ajouter que des tribus qui appartiennent à des races où l'on pratique ordinairement la circoncision ne sont point circoncises quand elles ne sont point subordonnées. Rohlfs cite des tribus berbères du Maroc qui portent ce caractère, et ajoute « Ces tribus incirconcises habitent les montagnes du Rif. Tous les montagnards du Rif mangent du sanglier, en dépit des prescriptions du Coran ».


B) p. 101.

Nous devons rapporter encore des faits d'une grande signification. Nous avons vu que, lorsque les cheveux coupés sont un signe de servitude, les cheveux longs deviennent un signe de distinction honorable ; que, lorsque la barbe rasée est un signe de subordination, la barbe longue est un signe de suprématie, et que, lorsque la circoncision est associée à l'idée d'assujettissement, on ne l'observe point chez les personnes en possession du pouvoir souverain. 

Nous avons ici une antithèse analogue. Le grand chef divin de Tonga diffère de tous les autres hommes des îles Tonga; non seulement il n'est point circoncis, mais il n'est point tatoué (10) Ailleurs, on voit quelquefois ces différences servir de distinction aux classes. 

Cela ne veut pourtant pas dire que les distinctions que le tatouage ou l'absence de tatouage impliquent sont toujours la règle il y a des exceptions. Si dans certains pays le tatouage est le signe de l'infériorité sociale, dans d'autres il est le signe de la supériorité. Mais il n'y a pas lieu d'être surpris de ces anomalies. Par suite des vicissitudes des guerres continuelles des races, il a dû arriver quelquefois qu'une race non tatouée ait été conquise par une autre chez qui la coutume du tatouage était en vigueur, et qu'alors ces marques sont devenues le signe de la suprématie sociale. (...)

Notes.

1. Gibbon, History of the Decline, etc., 987.
2. Prof. Max. Duncker, The History of Antiquity, I, 531.
3. Movers, Die Phœnisier, 1841.
4. D. G. Brinton, The Myths of the New World, New-York, 1868.
5. P. Kolben, Present State of the Cape of Good Hope, London, 1731, I, 112.
6. W. Gifford Palgrave, Narrative of a Year’s Journey through Central and Eastern Arabia, London, 1865, 87.
7.  Josèphe, Antiquités.
8. Id., ibid.
9. W. Mariner, Account of Native of the Tonga Islands, London, 1818, II, 79.
10. W. Mariner, ibid., II, 268.


Herbert Spencer, Émile Cazelles (trad.), Principes de sociologie, t. 3, G. Baillière, Paris, Germer Baillières et Cie, 1883.

1 commentaire:

  1. je considere uniquement lecas d'Abrahamet de l'ordre qui lui aete donne de circoncire tous les membres d'un clan au sens large. la circoncision est une condition necessaire à l'appartenance à un groupe, elle s'adresse seulement à l'homme .Elle est une mutilation operee par des membres du clan.C'est donc une violation de ce qui est le plus intime leplus vital le plus profond chez une personne.Par la meme c'est une humiliation.Elle est une condition necessaire à la constitution du clan qui est forme de deux grands groupes les hommes et les femmes :elle s'adresse aux hommes car il y a une tendance generale chez l'homme à la la domination et à l'expression abusive voire delirante et meme paranoiaque de l'ego derivant de la sexualite: l'humiliation subie par la circoncision tempere cette tendance et c'est un signe-rappel permanent que sans la temperence de cette tendance l'homme peut compromettre l'existence du groupe.Ce genre de pratique n'a pas lieu d'etre pour la femme car la tendance decrite plus haut n'existe pas chez elle.ON voit tres bien dans l'histoire decrite dans l'ancien testament que l'ego d'Abraham est sur expose: sans arret il est mentionne qu'il aura une posterite et un pays et une multitude de nations: il est preoccupe de façon abusive par la perenite de son moi.Sa femme non :son rire temoigne qu 'elle a encore um secret espoir d'un epanouissement total et de l'avenement d'un autre.Tout de suite apres l'etablissement du rite Yavhe s'adresse à Abraham et non pas à Sara pour lui dire qu'elle aussi aura une posterite et une multitude pour lui signifier qu'il n'y apas que Lui et lui rappele immediatemen le senes de la circocision

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